Aelpéacha et Souffrance, pochon surprise

En voilà une que personne n’avait vu venir. Pour cause, deux univers aux couleurs à priori bien distinctes. Mais l’association d’un patron du G-funk français, qui a sorti récemment l’EP Congés Payés avec Driver, et d’un rappeur de Montreuil au décorum gris, qui lui s’est illustré il y a quelques semaines avec son collectif pour un morceau ressuscitant l’imagerie des nineties, fait mouche.

Aelpéacha et Souffrance ont le vent en poupe : une compilation chargée et un concert réussi à la Maroquinerie pour le premier, deux albums ayant marqué les esprits pour le second. Les deux lascars n’entendent pas lâcher de si bonnes prises. Battons le fer tant qu’il est chaud, les deux bonhommes et leur parcours à l’abri du courant mainstream ont dû le remarquer : « avant l’heure, c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure. »

Sur son compte Instagram, le rider de Splifton annonce : « 10 ans après Ride Hivernale, je retombe dans une sombritude. Dans une Mossadité comme dirait le RD. » C’est vrai que l’époque n’est pas à la fête. Et c’est dans un jus corsé que trempe ce « Premier trimestre 2023 ». Non, ce n’est pas un podcast de l’Abcdr mais un morceau à contre-courant des habituelles escapades ensoleillées du A. Ni clap, ni sirènes, ni talkbox, la production de cette friandise, croisant synthés épais et rythmique trap, a un goût âpre et rance de fond de la cave. Une ambiance rodée pour Souffrance à l’aise comme un poisson dans l’eau : « C’est pas les rats qui m’inquiètent, c’est l’état qui rackette ».

Aelpéacha et Souffrance font ici du nettoyage comme Manu Key et le 113 en 1999. Un ménage sans rémission contre un rap autocentré sur son microcosme (« Leur game c’est la reine des putes donc j’suis un roi sans couronne ») et contre un État proxénète rappelant parfois les saillies empreintes de révolte de la Fonky Family (celle citée quelques lignes au-dessus) ou de Raggasonic (« Il y aura que de moins en moins de riches qui seront de plus en plus riche »).

Un morceau électrique, aidé par un clip réussi réalisé par Rewayze. Dans la foulée de son post Instagram, le A annonce pour juin Xylostomiase (mot québécois faussement savant pour désigner de manière comique la gueule de bois, merci le dictionnaire) dont on sait trop peu de chose mais finalement assez avec ce teaser musclé. Fracture Sociale.