Sidekicks

Le rappeur qui dit les crasseries les plus drôles du rap français depuis 1997 ? Tu le connais déjà. Le rappeur qui est devenu aussi gros que ses jeux-de-mots, qui mène une sliplife jusque sur scène, et que le terroir surnomme unanimement Le Prince de la Vigne ? Tu le connais déjà. Il s’appelle Gérard Baste, il est membre des inénarrables Svinkels, il pète quand il crache, il fait marrer Booba à la télé, coache Michaël Youn en cabine, fais des featuring avec les Parabellum et explique avec affection que son public c’est des cons. Et malgré tout ça, il y a quelque chose que tu dois savoir si tu ne le sais pas encore : Gérard Baste est un génie. Tu peux le vérifier avec « Tu connais déjà », où l’éminent Bistrot Boys réalise une chanson complète où il ne prononce jamais la rime de fin. 2 minutes 30 ponctuées de micro-silences dans lesquels Kid Cubi t’invite à jouer avec son champ lexical, à t’amuser des clichés qui l’entourent, et même à finir à la place de son DJ des scratches de phases mythiques du rap français. Que tu connais déjà évidemment. Un vrai psychiatre de la rime : c’est dans ces silences que tu prends consciences de tes souvenirs. Y compris le coup de la paëlla. Celui-là, c’était la première fois, tu ne le connaissais pas.

Patrimonialisation. Voici un mot qui depuis plusieurs années se répand lorsqu’il est question de l’histoire du rap français. Ce terme, l’Abcdr peut en parler. En long, en large, et le moins de travers que possible, puisque depuis de nombreuses années, le magazine en ligne que nous sommes s’évertue à raconter les petites et grandes histoires du rap hexagonal, et parfois d’ailleurs. C’est encore le cas en cette fin d’année, avec notre second livre cette fois consacré à la décennie 1990 du rap français. Dedans, il n’est pas question que de la France, mais aussi de nos voisins francophones. Ça tombe bien, puisque ce mouvement de patrimonialisation ne touche pas que l’Hexagone. Depuis près de 10 ans, les activistes et archivistes de Melodiggerz collectent la mémoire du rap belge. Pour compléter leur travail de recensement discographique, de récolte de témoignages, de mixes en hommage au mouvement, et d’accompagnement d’artistes de toutes générations, ils se lancent désormais dans un cycle de conférence. La première portera sur la pierre fondatrice du rap d’outre-Quiévrain. Il s’agit de la compilation Brussels Rap Convention, qui est au Plat Pays ce que Rapattitude est un peu la France. Le première édition des Hip-Hop Legacy accueillera donc Defi-J, rappeur au centre de ce disque et b-boy acharné encore aujourd’hui. Avec son franc-parler, celui qui est aussi DJ racontera la genèse du hip-hop en Belgique, sa première confrontation avec l’industrie du disque, et donnera son regard sur plus de 30 ans d’évolution du genre. Les échanges seront suivis de la présentation du nouvel album d’une autre figure du rap local : DJ Grazzhoppa, connu pour son rôle au sein du mythique groupe De Puta Madre, mais aussi pour ses nombreuses connexions avec le britcore autant qu’avec l’underground new-yorkais. Tout cela aura lieu ce 21 décembre, à Bruxelles évidemment. Sur un fond d’human beatboxing, « C’est une manière de s’adresser à toi, le public » disaient les rappeurs de BRC il y a 33 ans de cela. Avant d’ajouter « Le rap est toujours là, il nous suite partout, pourquoi pas après tout ? ». C’est bien pour ça que trois décennies plus tard, l’Abcdr offre deux places à ses lecteurs pour cet évènement. Rendez-vous sur nos réseaux sociaux.

Si vous êtes graphiste et lecteur/lectrice de l’Abcdr, cette information pourrait vous intéresser : le site cherche actuellement un/une deuxième graphiste pour travailler avec la personne actuellement en charge de cette mission au sein du site, pour réaliser des visuels d’articles, de podcasts, et d’événements organisés par l’Abcdr. 

Il s’agit d’une activité bénévole, puisque c’est sur ce modèle que l’Abcdr fonctionne depuis plus de vingt ans désormais.

Si vous aimez ce site, que vous voulez participer activement à sa vie et que vous réunissez les quelques critères qu’il exige, venez donc vers nous. Lesdits critères, les voilà :

– Capacité à créer des supports de communications variés essentiellement destinés au web : visuels pour articles, podcasts, mixtapes, réseaux sociaux, et événements, déclinés sur plusieurs formats.

– Connaissance du travail graphique de l’Abcdr du Son. 

– Capacité à travailler en équipe avec le graphiste actuel du site et la rédaction. 

– Intérêt pour le rap français et américain. 

Si l’idée de nous rejoindre vous tente, vous pouvez venir vers nous. ll vous suffit de vous présenter par mail en pensant à joindre un book ou une présentation générale de votre travail à l’adresse que voici :

recrutement@abcdrduson.com

Alors que la rédaction ouvre à peine les yeux (et sèche quelques larmes) après la soirée d’hier au Dock B, un nouvel événement s’annonce avec notre rédaction en décembre : comme l’an dernier, l’Abcdr enregistrera en public ses podcasts bilan de fin d’année du rap français et américain. 

L’événement se tiendra à Paris le dimanche 10 décembre à FGO Barbara, et verra toute la rédaction se réunir pour discuter de ce qui a fait le rap en France et aux Etats Unis le temps de deux émissions où nous présenterons (et débattrons) de nos artistes, albums, et producteurs de l’année. 

L’après midi se terminera par une vente et dédicace de nos livres, L’Obsession Rap et 1990-1999, Une décennie de rap français.

Pour assister à l’événement, la billetterie (entrée à 5€) est maintenant ouverte : Billets

Dans un monde où Beyoncé et Drake sortent des albums de house, l’annonce d’un disque de musique downtempo entièrement instrumental, avec la légende André 3000 à la flûte solo, semblait plus à sa place sur le site parodique The Onion que sur Pitchfork. Jusqu’à la sortie de New Blue Sun le 17 novembre, l’incrédulité d’une partie du public a tenu bon, l’artiste de quarante-huit ans semant la confusion en dévoilant en amont une tracklist faite de titres à son image, quelque part entre affirmations new age et tweets débilo-cryptiques de dril, comme le Pixar-esque « Ninety Three ‘Til Infinity And Beyoncé » ou le linguistique : « The Slang Word P(*)ssy Rolls Off The Tongue With Far Better Ease Than The Proper Word Vagina. Do You Agree ? » En dépit des doutes de ses fans et de tous les mèmes le brocardant gentiment, la nouvelle passion du comparse de Big Boi est pourtant des plus sérieuses. Elle nait de sa rencontre avec la surfeuse Kassia Meador, qui l’initie à l’instrument. Piqué, André s’exerce dès qu’il peut, notamment dans les taxis new-yorkais où il s’enrichit du savoir des chauffeurs issus de toutes les régions du monde, nombreux à avoir une relation intime et particulière avec ce type de sonorités. Le tournant a lieu une fois l’artiste installé en Californie, par une rencontre fortuite avec le percussionniste et producteur de jazz expérimental Carlos Niño, qui l’invite à participer à une des jams qu’il organise dans son sous-sol. Révélation pour André, qui retrouve à quarante ans passés une énergie et une envie qui lui rappellent ses débuts dans la Dungeon Family. Mais cette fois sans ad-libs et sans rimes.

C’est de ces fêtes chez Niño que naitra New Blue Sun, dix-sept ans après Idlewild, dernier album d’Outkast. Outre Niño, André s’entoure de pointures du nu jazz et du deep listening, comme le multi-instrumentiste Nate Mercereau ou le claviériste Surya Botofasina. Si les sonorités et les textures propres à ces apôtres du spiritual jazz californien ne sont jamais loin, l’album s’en éloigne pour aller carrément vers l’ambient et une musique bien plus méditative qu’exaltante. Comme pour mieux faire briller André, le band compose un écrin à la fois discret dans ses choix d’accords et somptueux dans ses choix d’arrangements. Jamais virtuose mais toujours investi, le jeu parfois hésitant du co-auteur d’«Hey Ya !» n’a évidemment pas l’impact ni même le quart de l’intérêt de sa contribution inestimable au rap. Mais sa cohérence dans l’ensemble, le respect qu’on sent qu’il porte à la fois à ses patrons qui l’épaulent et aux grandes figures du genre qui l’inspirent (Harold Budd vient immédiatement à l’esprit), balayent d’un souffle l’idée que New Blue Sun puisse n’être que le trip narcissique d’un rappeur en panne d’inspiration qui aurait fait l’ayahuasca de trop. Interrogé par la NPR, la radio publique américaine, André 3000 se justifie sans le faire vraiment : « J’adorerais être dans le coup avec tout le monde, mais ce n’est pas ce qui s’est décidé. Tout ce qui arrive maintenant, c’est ça ma réalité. Je ne dis pas que je ne reviendrai jamais, mais ça n’est pas à l’ordre du jour. Et je me dois de présenter ce qui m’est offert, maintenant. » Même si le rap en fait les frais, il y a de la beauté et du courage à tout recommencer.

Yerro vient du 11e arrondissement de Paris. Pourtant, l’écoute de ses morceaux convoque bien plus la nature et le grand air que les rues d’Oberkampf, de Nation ou Bastille. Avant HI, sorti en juillet, Yerro a publié en mai dernier l’EP Le Yee, le 13 et la forêt, une présentation en trois morceaux de la profondeur de sa musique.

Sur « NAUDIO », Yerro raconte qu’il n’est « pas trop dans le trom. » Et en effet, loin de l’agitation frénétique et souterraine, Yerro rappe le grand air. Il prend le temps, et pose sa diction très espacée sur des productions relativement calmes et lentes. Pas d’affolement dans son flow, Yerro paraît sûr de lui et respire la nature qu’il ne cesse de convoquer, de la forêt aux étoiles en passant par l’océan. Il s’agit de son premier EP, mais le parisien rappe déjà depuis 10 ans. Il a eu le temps de coffrer plus de « 900 textes avant de faire [son] premier clip » (« CRABE »), et donc de travailler sa musique. Celle-ci sent la vase : « Je mets le crabe dans le seau, en saison pas loin de l’île de Ré » (« CRABE »), les embruns :« Yerro ne se confie qu’à la mer » (« UNE HEURE »). Il semble rapper depuis un banc côtier, les yeux dans l’immensité bleue, isolé, bien loin de l’agitation citadine. Dans « NAUDIO », seule des voix envoutantes l’accompagnent. Yerro se raconte dans un moment d’introspection que seule la mer sait provoquer. Sa voix s’envole à la fin du morceau, comme s’il s’était levé pour hurler ses pensées vers les vagues. En même temps, le Parisien écoute « Je vis je visser » (« CRABE »), de deux autres rappeurs familiers des grands espaces et de la solitude. Citer ce morceau, c’est prendre un risque, puisque l’auditeur peut rapidement être tenté de le lancer. L’oreille reste tout de même bien accrochée à sa musique tant elle est singulière, à l’instar de So la lune, qui avait pris le même risque dans « Range Ro ».

Avec PNL, ceux-là ont en commun de rapper l’immensité de la Terre, comme si leurs voix traversaient les frontières. Ne reste qu’à la musique de Yerro de rencontrer un public, et au vu de son talent, de nombreux autres auditeurs devraient se joindre à l’écume.

Ce vendredi 24 novembre, le Rennais Lujipeka sort Week-end à Marseille, sorte de mixtape née de son amour des sonorités marseillaises et d’un été passé, entre deux dates de concert, auprès de la cité phocéenne. À cette occasion, il révèle être depuis son adolescence fan de rap marseillais, ancienne comme nouvelle génération. Au tout début de sa carrière, alors qu’il commence à rapper en plus de faire des instrus, il se déclare très tôt amateur du Jul de 2013, plutôt seul contre tous. C’est en 2017, lors de son premier concert à Marseille, qu’il rencontre à L’Affranchi un ingénieur du son localement célèbre : Nicolas Romano a.k.a Nico Tiag, connu notamment pour son travail avec Soprano, Jul ou Alonzo. Nico apprécie la musique de Lujipeka, et les deux se recroisent, à l’occasion de festivals où Alonzo est programmé, entre autres. Nouvelle étape en 2022, son amitié avec une star du centre-ville, TK, se scelle dans « HSBC » titre de son EP composé de featurings, Lujiradio. En décidant de passer, plus qu’un week-end, un été à Marseille, entre deux dates de sa tournée, l’idée de concevoir un disque dans le 13 se précise.

Week-end à Marseille a deux buts : faire de la musique librement, pour le plaisir, sans trop de contraintes de promo, tournée et compagnie ; ensuite, mettre en avant une nouvelle génération d’artistes phocéens, à la signature vocale bien spécifique. La tape contient des couplets de Stony Stone, Achim, Metah, Ben.C (D$F), TK et, agréable surprise, Missan, nouvel espoir d’un rap du centre-ville. Ce dernier rencontre le Rennais lors d’un barbecue à La Ciotat, rencontre vacancière à l’image de l’enregistrement du projet dans son ensemble : « tout était fluide, les collaborations s’enregistraient en one shot », confie Lujipeka. Si fluide que ce qui devait être « un petit EP » devient un seize titres, incluant des morceaux solo de Luji. Muge Knight, rappeur drôle et engagé, maire non officiel d’Endoume et roi des pâtes à l’ail, apparaît même dans un clip, canne à pêche à la main. Alors qu’on pourrait penser que le Rennais lorgne du côté de Marseille pour sa capacité à produire une musique populaire, parfois club, avec un brin d’exotisme, il assure : « ça faisait longtemps que je n’avais pas autant rappé sur un projet. » La preuve, Week-end à Marseille est annoncé avec un freestyle, exercice rap par excellence. Bref, quoiqu’en pensent certains, avec plus ou moins de bonne foi (« qu’est-ce qu’il fout là le Breton », « c’est donc à ça qu’on nous réduit… »), ce week-end à Marseille a incité Lujipeka à faire de la musique pour le kif, du rap pour le rap. Et à montrer que, comme le « Red Dead Redemption » de Lesram le rappelait en 2020, ces prods uptempo dansantes (auxquelles le rap marseillais n’est pas résumé, la liste variée des invités le prouve), demeurent un vrai terrain de jeu pour les kickeurs.

Il était le plus discret de la Scred. Son visage juvénile malgré un parcours cabossé laissait souvent croire qu’il était le benjamin du groupe emblématique de Barbès. En réalité, Morad était un vétéran. Un survivant même. C’est d’ailleurs comme ça qu’il avait titré son unique album solo, paru en 2012. Présent dès 1997 sur Le Fond et la forme de Fabe et l’EP de Koma Époque de fou, Radmou était la voix la plus claire, la plus parlée, mais aussi la plus rare du groupe qui habite à côté de Tati. Avec son flow reconnaissable entre mille de par sa diction, Morad parlait de la rue avec clairvoyance, cette rue qui ne lui avait rien épargné comme il s’en était (un peu) ouvert lors d’un entretien à l’Abcdr. Et si le rappeur semblait parfois le moins technique et le plus posé de la Scred, il était capable d’incroyables étincelles. Parmi elles ? « Le Beat qui tue » avec Cutee B, véritable moment abrasif et inflammable. « Engrenage », sur la mixtape Bonjour la France, était quant à lui un titre qui révélait sans tabou la face sombre de son quotidien, sans un mot trop haut ni gonflement de muscle inutile. C’était l’antithèse du rap de bricraveur d’aujourd’hui, et pourtant, c’était au fond bien plus violent. Morad était de toute façon de ces rares rappeurs capables de se regarder dans le miroir sans (se) mentir. « Avec c’qu’on vit » paru sur Le Réveil en 1999 restera tout autant dans les mémoires, pas seulement pour sa mélancolie indicible et son sample de flute emprunté à Alfred McCoy Tyner, mais aussi pour son fabuleux passe-passe avec Koma, qui « arrive à fond comme une baffe dans ta gueule. » Et aujourd’hui, le rap français en prend une grosse, de baffe dans la gueule. Morad est parti d’une crise cardiaque. La Scred n’est désormais plus qu’un trio, orphelin d’une voix qui ne mentait jamais au micro, d’un rappeur tantôt offensif, tantôt désabusé, mais toujours lucide, d’un mec de Barbès qui faisait de sa rareté sur disque une forme de pudeur sans fard. « Autant que mon absence sur différents supports est remarquable, pas l’impression d’avoir tort quand je te dis qu’il faut forcer la tepor » disait-il sur « Les Routes de l’oseille » avec Haroun, avant d’ajouter « ce que je cautionne, c’est le fait de ne rien devoir à personne. » Le rap français, lui, lui doit plusieurs couplets remarquables et une forme de franchise sur disque qui n’avait que peu d’égales. L’Abcdr s’associe à la profonde tristesse de la famille, du groupe et des amis de Morad. Paris Nord perd un de ses visages, autant que le rap de l’Hexagone. Pour reprendre et détourner une phase célèbre dont le rappeur de la Scred est le père : si notre pensée profonde avait un intitulé, ce serait que la cruauté de la vie aille se faire enculer. Repose en paix Radmou.

« Périphérique », « Hall 26 », « Métro ». Dans chacun de ses albums, Souffrance prend soin d’offrir un morceau en forme de « choses vues » et relatées. Sur son dernier album Eau de source, l’originalité du dernier en date, nommé « Métro », vient du passage de la deuxième personne à la première personne : les « choses vues » sont l’occasion pour le voyeur de s’interroger sur sa position, et pour Souffrance de réaffirmer sa place à part dans l’art de conter la vie d’en bas. Il campe donc trois personnages d’addicts au crack, merveilleusement incarnés par les dessins enfantins d’Antonin Dory et de Benjamin Brenier, qui réalisent l’un des plus beaux clips du rappeur.

Le métro, comme le périphérique ou le hall, est paradoxalement synonyme d’immobilité : rien ne change dans le spectacle de la misère extrême. La chute du premier personnage, à la fois dans la rame et dans la société, dépasse l’entendement (« tout est ratable, mais putain quelle chute ! »), mais ne fait pas bouger les lignes. Le spectateur de cette chute n’a donc plus qu’à rêver des « mondes parallèles où le beau gosse c’est Gargamel », et finir rattrapé par la réalité (« Merde je vais donner des voix au RN »). D’un flow précis mais tenu, au vu du reste de l’album, Souffrance incite peu à peu l’auditeur à entrer dans sa gamberge, familière, et affûtée ici à l’extrême.

Les saynètes dépeintes par le rappeur sur ce titre sont aussi d’une cruauté devenue rare dans le rap français. Cette cruauté est soulignée par le contraste entre l’instrumentale d’Itam, un très beau boom-bap sombre en pleine cohésion avec le reste de l’album, le ton désespéré sans être cynique du rappeur, et la candeur des dessins du clip. Tout cela en aboutissant à la même conclusion ironique : le Souffrance refuse de faire la charité et lance « sans rancune ! » aux trois addicts. Cette forme d’humour noir se retrouve plus loin dans le morceau, lorsque le rappeur pousse à fond la logique de l’absurde, pour démasquer le capitalisme sauvage responsable de l’état d’une crackhead enceinte : « Je me demande qui est le fils de pute qui lui vend sa dose / Est-ce qu’il double le prix ou est-ce que le bébé fume gratuit ? » – une punchline qui pourrait sortir tout droit d’un morceau de Despo Rutti. Comme chez ce dernier, c’est d’ailleurs la gamberge d’un esprit malade qui finit par énoncer, à cette même société qui l’a rendu malade, la vérité qu’elle ne veut pas entendre. Et comme chez Despo, Souffrance avoue qu’il est lui aussi une partie de ce système.

Même s’il y a « trop de monde à secourir » Souffrance confirme une nouvelle fois avec « Métro » son blase. Son inspiration vient d’en bas, des lieux qui ont été quasi-désertés par le rap français (si l’on croit tous les rappeurs qui ne traînent plus dans le hall et ne prennent plus, ni le périph’, ni le métro). En prenant ainsi une place vacante, qu’Orelsan pouvait ponctuellement occuper (« Métro » fait penser à un « Tout va bien » sous crack) Souffrance redonne finalement au rap une vocation très 9-3 : regarder ce que certains nomment la « sous-France » dans les yeux, et se voir dedans.

Depuis un soir d’avril 2022 au Badaboum, les soirées Intro s’appliquent à faire venir sur scène les nouveaux visages du rap français, entre application sur la rime, et expérimentations dans les sonorités. Une initiative qui a déjà vu des artistes comme Luther, J9ueve, Rounhaa, Mairo, Houdi, Winnterzuko ou HJeuneCrack apparaitre sur les affiches de leurs événements, faisant office de vrais panoramas de la nouvelle scène rap française.

Début décembre à Paris, c’est une nouvelle sélection d’artistes à mi-chemin entre les genres qui viendra présenter sa musique à la Gaîté Lyrique. Au programme le 6 décembre : le retour du rappeur Sean après plusieurs mois de travail qui ont déjà débouchés sur 3 nouveaux morceaux depuis septembre, l’artiste rap/hyperpop Wasting Shit (entendu sur un format court avec Abel31 cet été), et les espoirs expérimentaux Ptite Soeur ou Romsii, le tout accompagné dans la soirée de la productrice Meel B (dont on vous conseille d’ailleurs fortement le dernier morceau avec Maureen) en DJ Set. 

L’Abcdr fait gagner 2 places pour la soirée sur ses réseaux sociaux, il suffit juste d’aller commenter sur Facebook, Instagram, ou repartager sur X pour participer. 

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