Sidekicks

Pour résumer la carrière de DJ Pone, il faut prendre une grande inspiration que l’on vous épargnera. À la place on vous renvoie au long entretien format Madeleine de Proust que l’on avait eu avec celui qui, des championnats DMC aux Casseurs Flowters, a visité tous le champ des possibles du deejaying. Y compris jusqu’à 2014 et les prémices de l’EP Erratic Impulses, dont l’électro rétro-futuriste estampillée Ed Banger Records était le premier pas de Pone dans la production. Mais c’était aussi le témoignage de la mue d’un virtuose des platines qui, à chaque étape de sa carrière, cherche à devenir un musicien un peu plus accompli. C’est désormais chose faite puisque, après avoir formé dans la foulée le binôme Sarh avec le chanteur et guitariste de Stuck in the Sound, Nepo se livre enfin avec son premier album solo : Radiant. « Seulement » vingt ans après les débuts de sa carrière, commencée en 1996 diront certains. « Naturellement » après deux décennies à avoir mis son talent « au service de la musique des autres » diront ceux qui écouteront l’album, tant sa production y est calme et raffinée. Dépouillé du préfixe de DJ, Pone y déploie treize pistes durant une douceur infusée dans une dominante downtempo, en collaboration avec le cristallin Superpoze. C’est fluide et aérien, et ça beau être rempli d’électronique, ça sonne comme l’éclosion d’une chrysalide, surtout au regard de vingt ans de carrière déjà incroyablement remplis. Presque comme un retour à la case départ, à l’instar des images de « Physical Element » qui ramènent jusqu’à Meaux, là où tout a démarré, dans l’appartement de DJ Damage, vingt années plus tôt. Radiant ? Une nouvelle peau pour Nepo.

Le casting est incroyable. Comme si les plus super des super héros locaux avaient décidé de monter une équipe de luxe pour sauver toutes les veuves et orphelins du coin. Ou remporter le magot complet au Box Office. Sur « Good Drank », on retrouve donc 2 Chainz et Gucci Mane, avec Quavo au refrain et Mike Dean à la baguette. Les ATL Defenders mais avec trois Luke Cage et un Punisher. On s’attend alors à une débauche d’effets spéciaux, un spectacle pyrotechnique de haut niveau, les grandes eaux de Versailles filmées par DJ Khaled sur Snapchat. Mais non.

Car finalement, Mike Dean nous prend à contre pied avec juste quelques notes de piano résonnantes dans le vide. Une pointe de déception ? 2 Chainz entame et on comprend tout de suite que le but sera différent. Exit le film à gros budget, Mike Dean est dans l’illustration de la mélancolie saisissante avec la difficulté de la simplicité. La voix de Tity Boi se perd dans ce piano entêtant tout en rendant hommage à Doe B, minimal et poignant. Quavo, toujours maître du refrain, laisse planer une ombre menaçante entre plaisirs de la réussite et malédiction de l’ennui.

Puis Gucci Mane descend de la montagne et prouve une nouvelle fois que, depuis sa sortie de prison, ses meilleurs couplets sont cachés parmi ses récentes collaborations. Plus introspectif, honnête jusqu’à l’auto-thérapie, Guwop trace un nouveau chemin, loin des excentricités et images Burrprintées d’antan. La sobriété et la mélancolie vont-elles tuer nos légendes ? L’adaptation se fait doucement mais la musique est toujours excellente, moins frontale. Et « Good Drank » nous accompagne plus longtemps. Quand on termine les verres sans forcer.

Rappeur du crew azuréen La Cour des Miracles, auteur il y a deux ans du très bon Y’a plus le temps, MC Freez a récemment livré son premier exercice en solo, Freezologie. Le projet contient onze titres, brillamment produits par le beatmaker marseillais Rodia, sur lesquels Freeze livre un rap personnel et croise le fer avec ses collègues habituels, Piroksen, Daz ou Daij. L’album est disponible à l’écoute sur Deezer et Itunes en téléchargement payant. Pour les copies physiques, contacter directement Freez sur sa page Facebook.

Mike Will Made It continue de marquer son temps avec ses productions énergétiques de plus en plus sèches et minimales. En plus d’être un architecte primordial du son moderne, il met en valeur des artistes sortis de nulle part mais déjà affûtés avec son label Ear Drummer Records. Après l’explosion surprise de Rae Sremmurd, Mike Will se concentre sur Eearz, un rappeur à la voix profonde aux influences jamaïcaines prononcées. Aussi à l’aise sur une dinguerie trap que sur les batteries exigeantes d’Alchemist, Eearz a tout pour devenir la nouvelle comète du label de Mike Will.

Ils se retrouvent tous les deux sur ce morceau réalisé pour Adult Swim, en pleine course poursuite effrénée avec la police. Impossible de se mettre sur le côté, la vitesse grandit et Eearz se sent Notoooorious, 2pac puis Guwop. Coup de fusil de chasse quand la vitre se baisse. Mike Will assène le refrain tel une prêche et l’énergie est décuplée, comme après un coup de nitro dans le dernier virage. L’équipe Ear Drummer est au top de sa forme, totalement dans sa zone. Les bleus peuvent toujours courir.

Vous le savez, 2016 est l’année du rap belge. Si vous n’en êtes pas encore complètement convaincus, on vous donne rendez-vous ce samedi à la Bellevilloise pour la soirée Bruxelles Arrive organisée par Free Your Funk et Lefto. Au programme : Roméo Elvis & Le Motel, UpHigh Collective, Pomrad, Moodprint et LTGL. Rendez-vous sur nos comptes Twitter et Facebook pour remporter des places.

D.R.A.M. est toujours dans les bons coups. Au printemps dernier, il proposait l’entraînant « Broccoli », collaboration 5 étoiles très fructueuse avec Lil Yachty. Cette comptine est devenue un tube estival interplanétaire grâce à son visuel loufoque de piano ambulant accompagné de jolies danses de derrière. Depuis, le rappeur / chanteur de Virginie a lancé « Cash Machine », le troisième extrait de son album, Big Baby D.R.A.M., prévu pour la fin du mois. Toujours le piano simple et hypnotique, toujours le sens de la formule mélodiqueCombattant toute morosité, D.R.A.M. y apparaît encore une fois rayonnant avec le plus grand sourire du jeu, éclatant à tous les niveaux.

Armé de son pistolet à billets, tout de rose vêtu et chevauchant son tricycle bleu, D.R.A.M. sillonne une tranquille banlieue pour l’arroser de sa monnaie bariolée. L’ambiance est toujours cartoon, dans la veine des meilleures idées fraîches de Busta Rhymes, du piano géant dessiné à la craie sur le trottoir au pichet de limonade vidé cul sec devant les deux jeunes entrepreneuses médusées. La bonne humeur est communicative et place Big Baby D.R.A.M. parmi les albums les plus attendus de cette fin d’année. Le tracklist ne nous fait pas mentir avec comme seuls featurings annoncés : Lil Yachty donc, mais aussi Young Thug et…. Erykah Badu ! Un autre bon point, la pochette a d’ores et déjà remporté notre récompense de meilleure de l’année 2016. Vous pouvez donc parier que nous reparlerons rapidement de D.R.A.M. dans nos colonnes. Pour prendre soin de notre petite santé.

Il y a tout juste une semaine, nous vous annoncions en douceur un projet fou que nous menons depuis des mois : aller chercher des inédits qui dorment dans les disques durs d’artistes que nous apprécions et en faire une compilation gratuite. Après la combinaison de feu entre Nikkfurie de La Caution et Young Zee d’Outsidaz lâchée sur Mouv’ par les Cautionneurs, le second extrait sera diffusé ce soir en exclusivité sur OKLM dans #LaSauce bien cuisinée de notre célèbre Mehdi Maizi. Un nouvel inédit signé cette fois par le duo qui a marqué l’année 2015 avec son No Name : Joe Lucazz au micro, Pandemik Muzik aux machines. Et puisque les choses sont bien faîtes, Monsieur Jo€ sera justement dans l’émission du soir en compagnie du groupe TripleGo. Ça se passe de 20h à 22h, sois au rendez-vous, on a « le truc qu’ils n’ont pas, mimile ».

La Scred Connexion a toujours bien porté son nom, mais dans la discrétion, l’un de ses membres excelle encore plus que les autres : Haroun. En un an, l’insaisissable MC a distillé à peine deux (excellents) freestyles sur sa chaîne Youtube, l’un clippé à Séville, l’autre à l’occasion d’un nerveux duo avec Aketo. Et comme Haroun a – et a priori aura pour toujours – ce flow qui fait kiffer les scarlas et les petites zoulettes, et que rareté est souvent synonyme de qualité, chacune de ses apparitions se savoure, même 9 ans après la sortie de son seul et unique album solo. Alors pour ceux qui veulent leur dose, il y a depuis quelques jours le bien-nommé « Antidote. » Cet inédit de 2009 vient d’être mis en ligne et Haroun y rappe l’indépendance, « l’honnêteté radicale » et ce chemin qui est le sien, loin des compromis autant que de la productivité ambiante (c’est le moins que l’on puisse dire). Et une minute cinquante après avoir enclenché sa profession de foi, le rappeur de la Scred clame, sûr de lui : « j’entends déjà des : « oh le bâtard il a tout niqué ! » » Le titre a beau avoir été écrit et enregistré sept ans plus tôt, on confirme : « j’arrive à fond comme une baffe dans ta gueule » comme dirait Mourad. Rap rétroactif.

 

L’apparition et le développement du rap à Paris ou à Marseille ont été largement documentés mais peu d’écrits existent sur l’évolution des scènes de moindre envergure. Egotrip collectif, 25 ans de rap à Mulhouse de Sylvain Freyburger et Christophe Schmitt apparait donc comme une initiative remarquable. Le duo laisse la parole, sur les 180 pages du livre, aux principaux acteurs du mouvement pour retracer son histoire. On passe donc de l’historique Jesers (La Vieille École) aux vingtenaires de Sphère Primaire, en passant par Say C, Asskar (en couverture) ou D-BangerZ.

Des différents témoignages émerge tout d’abord le constat d’une scène rap dense et dynamique, ce qui n’est finalement guère étonnant dans une ville particulièrement jeune et populaire. L’attachement à la performance live paraît en revanche plus spécifique : à l’heure du tout-internet, la relève qu’incarnent Artcore State of Mind ou Sphère Primaire continue à mettre l’accent sur l’exercice scénique pour s’imposer hors d’Alsace.

En attendant que Siboy (ou un autre) vienne définitivement placer Mulhouse sur la carte du rap français, voici un ouvrage instructif et qui le sera encore davantage lorsque des travaux du même genre seront menés dans d’autres villes de France, pour disposer d’outils de comparaison. Espérons donc qu’Egotrip Collectif donnera des idées à travers tout l’hexagone.

Pour commander le livre, rendez-vous ici.

 

Apparu il y a deux ans dans un recoin sombre du rap, Siboy n’a pas mis longtemps à attirer la lumière sur sa cagoule, à coups de hurlements nerveux.  Le mulhousien brailleur et vigoureux a depuis rejoint l’écurie 92i, et s’apprête à sortir un premier projet dont un extrait est aujourd’hui dévoilé, « Eliminé ».  Il y canalise son énergie, et étouffe ses cris jusqu’à chuchoter un refrain étonnamment calme sur un beat de Za Producer. Pour ce qui est du clip, dû à l’équipe French Lab Agency, il met en scène un Siboy aussi fou qu’à l’accoutumée, dans une maison bourgeoise à la sérénité troublée par cette intrusion. L’avenir nous dira vite si le game se verra lui aussi secoué par un passage en force du rappeur qui se prédit lui-même un « destin royal ».