Sidekicks

On vous l’avait signalé quelque part sur cette page : c’est désormais moins le jazz qui influence le rap que l’inverse. Deux articles du Guardian ont récemment exploré cette affaire en détail : « Is jazz entering a new golden age? » en juillet, et plus encore « The new cool: how Kamasi, Kendrick and co gave jazz a new groove » en octobre. Si vous avez besoin de bosser votre anglais, voilà de très bons supports. Si en plus ça contribue à vous faire passer de Kendrick Lamar à Kamasi Washington ou Shabaka Hutchings (et retour), c’est coup double.

Quatre ans après l’album Magna Carta, que nous avions chroniqué ici même, Melanin 9 est de retour avec le single « Polaroid », feat. Karl Sage. Le morceau est produit par Walterwarm et Cowode, et annonce un album à venir au printemps 2017, Old Pictures.

Fin 2015, l’Abcdr partait à Bruxelles sur les traces de ZA, figure locale aux mille vies. Pris en étau entre le rap et la rue, l’artiste belge n’avait eu que trop peu l’occasion de figer son talent sur disque : quelques projets confidentiels de qualité avec son groupe Gars du H et une mixtape pleine de promesses réalisée avec le grand DJ Poska. Pas assez malheureusement pour réellement briser les frontières et trouver un écho au sein de l’hexagone, alors sourd aux productions des pays voisins. Une poignée de saisons plus tard, la donne a bien changé : les nouvelles coqueluches du rap francophone se nomment Damso ou Hamza et le public français n’a jamais été aussi ouvert à l’ailleurs. Justement, c’est le moment qu’a choisi ZA pour revenir sur le devant de la scène. En premier lieu avec une mixtape intitulée Césarienne, où le rappeur d’Ixelles fait étalage de sa palette XXL, démontrant qu’il est à l’aise sur tous les terrains : déchaîné sur « Arnaques, Crimes et Botanique », banger made in BX où se côtoie une mosaïque de styles incarnée par l’énergique Jones Cruipy et l’insolent Hamza ; saignant sur l’éponyme « Césarienne » ; force tranquille sur l’excellent « CvCg » ou investi sur le fédérateur « Retour aux Pyramides », celui qu’on appelait Qreeza dans ses jeunes années a fait de Césarienne un CV alléchant lui permettant de se remettre pour de bon dans le circuit. En attendant 24/7, un EP de story-telling dont l’Abcdr a déjà pu écouter deux extraits de très haute facture, la mixtape Césarienne est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement et de streaming (SpotifyDeezeriTunesGoogle Play) mais aussi gratuitement sur le site Haute Culture. Vous n’avez dès lors aucune excuse pour manquer le retour de celui que DJ Poska surnommait « le quatrième X.Men »

Fin juin, Zekwé marquait de son empreinte l’année 2016 avec l’excellent EP Frapp Musiq. Un projet qui aurait pu comporter un autre morceau d’envergure nommé « Zezeille ». Une pépite finalement laissée de côté. Mais c’était sans compter sur ce fouineur de Jee Van Cleef, toujours à l’affût quand il s’agit de braquer ses rappeurs préférés. Le titre s’est donc naturellement retrouvé sur Jukebox, notre compilation d’inédits en téléchargement gratuit. Voilà une séance de rattrapage pour ceux qui seraient passés à côté de la nouvelle frappe du rappeur francilien. L’occasion également de vous annoncer que Zekwé travaille actuellement sur son prochain album et que le clip de « Toudanlkalm », extrait de son dernier EP, ne devrait pas tarder.

Il y a un an et demi, Radikal MC délivrait enfin son album intitulé Lever l’encre. Un premier essai réussi où le rappeur de Châtillon brillait par la finesse de ses textes et développait un rap tout terrain, tantôt introspectif avec les excellents titres « J’ai vu » et « La pirogue et le cèdre », parfois plus léger et rentre-dedans, en témoigne la parfaite combinaison avec A2H sur « O.V.L.M.D. ». Pour fêter l’anniversaire de ce bel opus ainsi qu’un nouveau départ (il a monté sa propre structure), Radikal MC a sorti fin octobre Lever l’encre 2.0, une version acoustique de 8 titres réalisée avec le musicien Mauricio Santana. Un projet plus intimiste, moins énergique mais mettant habilement en valeur l’écriture de celui qui aime se décrire avant tout comme un fan qui pratique : « J’ai voulu être un rappeur et je me suis rendu compte que c’était mauvais pour la santé » nous confiait t-il dans son interview pour l’Abcdr. Cette V2 devrait offrir au public une belle expérience scénique. Vous aurez vite l’occasion de le constater puisqu’il sera l’invité d’un spectacle consacré à Charlie Chaplin et organisé par Edgar Sekloka (qui forme le groupe Milk, Coffee & Sugar avec Gaël Faye) le 1er décembre au MK2 Gambetta.

Au début du mois, Dosseh délivrait enfin son premier album Yuri. Et après tant d’années d’attentes et d’espoir, l’Orléanais était plus qu’attendu au tournant. C’est pourtant un projet en demi-teinte que le public a pu découvrir, manquant peut-être de caractère. Sur les quatorze morceaux de Yuri, quelques-uns demeurent très puissants, à l’instar de « 25 décembre », « Le temps béni des colonies » ou encore « Putain d’époque ». C’est ce dernier titre, en duo avec Nekfeu, que Dosseh a choisi de clipper, au milieu des Arcades du Lac de l’architecte Ricardo Boffil, dans les Yvelines. Au-delà du décor, la mise en scène et la réalisation de Nathalie Canguilhem viennent sublimer la très belle collaboration des deux rappeurs.

Jusque-là implantées à Lyon, les soirées de nos confrères de Surl prennent leurs quartiers d’hiver sur la capitale pour rythmer le calendrier des salles parisiennes au gré des événements hip hop. La première date, en partenariat avec Super!, mettra en vedette les groupes Butter Bullets, Le Club et Triplego ainsi que le porte étendard du Screwed & Chopped à la française : Ocho. Tout ce beau monde sera sur la scène des Nuits Fauves le 03 décembre prochain. Rendez-vous sur notre page Facebook pour gagner des places.

Il y a sept ans sortait Himalaya, manifeste de l’univers si singulier de Mala, illustre figure de la Malekal Morte et du 92i. Un album où la majorité des productions était assurée par le brillant Marc Jouanneaux du tandem Animalsons. Parmi les perles de ce disque atypique, comment ne pas citer « Smack la Lune », l’une des deux collaborations entre Mazalaza et son compère Booba. Un morceau qui a justement été remixé par la moitié d’Animalsons sous son nouvel alias : The Left Lane Project. Un remix inédit qui, vous l’avez deviné, a fait le voyage depuis la lune pour atterrir dans Jukebox, la compilation Abcdr en téléchargement gratuit (vous pouvez également télécharger le son seul sur ce soundcloud). Pour les retardataires qui ne l’auraient pas encore écouté, voilà donc l’occasion de vous rattraper izi.

Il y a des connexions qui prennent par surprise. Des personnalités qu’on pense opposées sur tous les points et qui finalement n’ont jamais paru aussi proches.

Au départ, il y a Black America Again, l’excellent nouvel album de Common produit avec un grand Kareem Riggins. Le rappeur y est de retour avec une position fière et tournée vers l’avenir malgré les tensions raciales omniprésentes. C’est un véritable contraste après le constat dur et froid de Nobody’s Smiling, son précédent opus réalisé avec un No ID énervé. Ici, le morceau éponyme, « Black America Again » est un postulat de la conscience noire américaine historique, marqué par un refrain poignant de Stevie Wonder ainsi qu’un film court produit par Ava Duvernay à l’esthétique juste et au propos sincère.

Le parti pris est total, le morceau n’étant finalement qu’évoqué par les couplets scandés par Common sur des rythmiques quasi guerrières mais détachées. C’est une véritable mise en scène de tout l’esprit de l’album qu’on retrouve ici condensé. Après son très bon live chez Jimmy Fallon, on se demandait bien dans quelle forte direction pouvait nous emporter le vétéran de Chicago.

« Gucci Mane and Common, did you see this comin ? »

C’est avec un remix qui n’a quasiment rien à voir avec l’original que Common continue de marquer les esprits. Avec BJ The Chicago Kid en remplaçant de luxe sur le refrain, il propose une version plus classique au rythme et piano paraissant tout droit sortis des années 90. Et là, les premières rimes fusent, assurées et naturelles. « Come look into the eyes of a man named Gucci  / Got me peepin’ out the blinds like Malcolm with the Uzi ». Le ton est donné, Gucci Mane, le rappeur ignorant par excellence pour une grande partie de l’auditoire réfractaire, montre sa facette la plus consciente et sérieuse, avec Malcom X et 2Pac dans son coin, tout en gardant son franc parler et ses images loufoques. Guwop semble se balader tranquillement, remettant en place tous ceux qui souhaitent toujours garder leurs petites boites étiquettées Trap ou Boom Bap.

Common enchaîne de la meilleure façon avec ses références historiques africaines et Pusha T termine comme pour finir de relier ces deux univers, entre violence et repenti. Cette connexion incongrue sonne comme un nouvel hymne de cette Amérique diversifiée mais unie contre celle de la haine, une communauté qui est fière de se tenir debout quand tout s’écroule. L’album de Common est très important et ce grand écart des genres l’est au moins autant.

« From the 6 to the Chi, got so much in common »