Juillet s’était ouvert sur la « meilleure collabo » entre la rappeuse belge Shay, récemment disque d’or avec Jolie Garce, et la star nigérianne Davido. Pour une telle connexion, il fallait au moins le génial compositeur entre autre de « Sapés comme jamais », Dany Synthé, architecte de tubes de grande qualité depuis ses locaux montreuillois, fin connaisseur du rap de l’Essonne comme des musiques nigérianes et congolaises, et actuellement en préparation de son premier album solo (pour en savoir plus sur le personnage, il y a cet article du Monde). Le clip, trois mois plus tard, se fait film retouché de vacances aux couleurs d’un diner californien des années cinquante. Le passage de Shay est purement hypnotique, la danse, l’image, le flow s’imbriquent dans une mise en scène parfaite de l’insouciance et de la classe. Une énergie acidulée, qui laisse un sourire aussi large que celui de Shay feignant les selfies. Et merci pour ce sursis d’été.
Sidekicks
L’Abcdr aime les surprises de dernière minute. Après une excellente premier semaine, le festival En Vie Urbaine remet le couvert. Ce week-end, deux dates à ne particulièrement pas manquer. Vîrus, en tête d’affiche d’un concert à L’Alternateur, qui rassemblera aussi Scoop & J. Keuz ainsi que l’Envoûtante. Ce sera ce vendredi 20 octobre. Quant au samedi, Davodka, Gracy Hopkins et R.Can se partageront l’affiche au Camji. Vu le feu qu’a mis le public d’En Vie Urbaine la semaine dernière, on se fait une joie d’y revenir. Sur la route de Niort, on sème donc deux pass pour deux personnes qui vous permettront d’assister à ces deux soirées. N’hésitez pas à jeter un œil sur nos réseaux sociaux pour vous en emparer !
Backeur de Vin’S, membre avec ce dernier du collectif grenoblois Wazacrew, en featuring avec lui sur « Kremlin » et avec Monotof sur « Ma Thérapie » en 2015, El’Ka a sorti sa première mixtape au début du mois d’octobre. Il l’intitule Vremya (le temps), en hommage à ses origines russes. Douze morceaux où c’est bien le temps qui est au cœur de la musique, frappante par le contraste entre l’immédiateté incisive de la voix, en plein dans un présent à vif, et sa texture pétrie par remords, regrets, rêves. « Enfermé dans sa tête comme dans les douves », El’Ka a un sens instinctif des mélodies simples et entêtantes. Chacune d’entre elles est un mouvement suspendu, un paysage d’états d’âmes dessinés par touches successives. L’adresse est pourtant constante, à un « tu » dont on ne sait pas s’il est ami, ennemi, ou le rappeur lui-même. Vremya, doux et hargneux, s’écoute d’une traite, comme un seul long morceau.
Bien connu des rues de Genève, A’s est l’une des figures de proue du collectif Marekage Streetz, une nébuleuse en mouvement permanent depuis plus de dix ans qui compte dans ses rangs la crème du rap de Plainpalais-La Jonction. Actif dès le début des années 2000, A’s aura attendu une décennie avant de se lancer en solo, mais depuis qu’il l’a fait sa discographie est impressionnante. Pour s’en faire une idée avant de prochainement lire l’interview qu’il a accordée à l’Abcdr, il est toujours possible de naviguer sur son bandcamp en attendant la sortie de son nouvel EP Le Royaume d’Asgard.
A’s écrit la musique des rues salies par le crack et des vies salies par le deal. Lecteur inconditionnel de Marcel Allain et Pierre Souvestre, fan de The Wire, Fantom’As hante la ville comme Omar Little… Le titre qu’il offre aujourd’hui à l’Abcdr s’intitule « Peaky Blinders » et s’avère être une bonne introduction à l’univers du rappeur. Heure anglaise sur sa montre suisse, lame de rasoir dans la casquette, A’s esthétise un réel violent et se fait un plaisir de « cracher dans ton porridge » comme un rejeton des bas-fonds de Birmingham.
Le festival En Vie Urbaine n’est certes pas le plus connu des rassemblements hip-hop français. Mais l’air de rien, sa longévité commence à en faire un incontournable. Lancé modestement en 2009 à Niort, l’événement qui a déjà attiré Médine, Kohndo, JP Manova, Swift Guad, Zoxea ou encore Lino pour ne citer qu’eux, n’a cessé de grandir et peut désormais se targuer d’être en capacité de proposer pendant plusieurs jours de jolies affiches. Ce sera le cas pour sa neuvième édition qui démarre ce week-end. Il sera possible d’y voir notamment Chill Bump, Roméo Elvis & le Motel, Pumpkin & Vin’s da Cuero ou encore Guts. Ça se passera à partir de ce jeudi 12 octobre, avant une nouvelle rasade le week-end prochain. Des places pour le DJ set de Guts et le concert de Pumpkin & Vin’s da Cuero sont à gagner sur notre page Facebook, d’autres le seront la semaine prochaine. Et il sera sûrement possible d’apercevoir dans les parages de certaines dates quelques têtes de notre rédaction. Le rendez-vous est donc pris !
Retour en 2005. Sur la compilation À L’instinct, menée par le Grenoblois Shaolin, deux titres en (quasi) ouverture du disque mettaient une sacré claque. Les MCs auteurs de cet aller-retour d’une main désinvolte et sonore vers le visage de l’auditeur ? Taipan et son « C’est triste », à l’époque où il officiait encore strictement en binôme avec Chi. Et Fitrzoy. Son titre s’appelait « Gardien du temple » et était mené d’une voie âpre, puissante et passée au crépi. Le Toulonnais, qui n’en était pas à son coup d’essai, envoyait ses idées bien arrêtées, entre clairvoyance, rigueur et sarcasmes rappés avec le torse bombé. Depuis ? Un album en 2008 aux allures de semi-bootleg et puis plus grand chose à l’exception de quelques apparitions sporadiques. Et est finalement arrivé 2017 avec d’abord un titre sorti sur le (très bon) album de Corrado, puis un EP sorti en toute discrétion. Fitzroy y rappe désabusé, dans une atmosphère électrique, toujours avec cette voix singulière, puissante et inégalable. Démontant les idoles qu’elles soient commerciales ou religieuses, touchant du doigt une spiritualité qui ne porte pas de nom et poussant ses paroles et son flow avec lenteur au bord du bout du vide, celui qui s’était autoproclamé « Gardien du Temple » malmène en un quart d’heure le monde moderne et ses édifices. L’irrévérence est rauque, triste, et elle tient en quatre titres à écouter au calme. Pour mieux mesurer à quel point l’usure s’est désormais substituée l’urgence.
Du rap incisif (pour ne pas dire bourrin) mais sachant faire la part à des tranches de vie, voire à des commentaires sur l’état du monde (« World Struggle »), voilà ce que proposent le rappeur Tone Chop et le producteur Frost Gamble sur Respect is Earned, Not Given, qui fait suite au maxi Veteran sorti l’année passée. Des vétérans, on en retrouve d’ailleurs quelques uns dans la liste d’invités, de Kool G Rap sur la deuxième piste, « Walk the Walk », à Tragedy Khadafi (qui sort bientôt un EP de 5 titres) sur l’avant-dernière, « Here I Go ».
Si Jo Le Phéno figurait dans la liste des rappeurs ayant retenu l’attention de l’Abcdr à la fin du premier semestre 2016, nul n’eût alors imaginé la trajectoire que prendrait sa carrière. La lumière est arrivée sur lui en même temps que les problèmes. Les apparitions du rappeur parisien dans des titres de presse nationaux auraient de quoi être enviées par tout artiste si elles n’étaient pas dues aux mauvaises raisons. Effectivement, Le Phéno s’est attiré les foudres du ministère de l’intérieur et des syndicats policiers en raison de son morceau « Bavure », réaction musicale aux violences policières que la France connait encore. Le morceau s’inscrit dans la droite lignée des « Hécatombe » (Brassens), « Sacrifices de poulet » (Minister Amer), « Requiem pour un keuf » (Aelpeacha), un registre dont les paroliers ne se lassent pas, mais registre qui ne plaît pas aux responsables de l’ordre public et qui amène donc Jo Le Phéno à comparaître devant la justice ce 27 octobre.
En attendant la fin de ces regrettables péripéties qui s’éternisent malheureusement, l’artiste de la Banane (XXe arrondissement), poursuit son bout de chemin dans le rap à son rythme. Et si celui-ci est indéniablement ralenti depuis plusieurs mois, il a récemment pris un peu de vitesse. Jo Le Phéno a divulgué trois nouveaux titres ces dernières semaines. Parmi eux, les épisodes 3 et 4 de sa série ADT, pour « arrogant, déter’ et talentueux », sur lesquels il s’amuse avec la facilité qu’on lui connaît. L’autre morceau est le plus intéressant : « Bla bla bla », en écoute ci-dessous. On y entend un Phéno aux allures de membres caché et réchappé de la Sexion d’Assaut ante-2010, celle qui cherchait « les kickeurs, les mecs qu’on voit sur les stickers. » Et c’est un vrai plaisir.
En début d’année l’Abcdr présentait à tort le freestyle « PLS » de Freez comme étant issu de son futur EP. En fin de compte, si le titre était bel et bien annonciateur du projet, le rappeur parisien ne mettra pas le morceau sur Les Minutes vides. De ce nouvel EP, Freez vient de dévoiler le premier clip, « On’N’On ». Au menu, exercice de style(s) et rimes multisyllabiques pour un égotrip produit par Chilea’s. Le refrain est pêchu et l’ensemble, somme toute assez classique s’avère efficace. Rendez-vous pris pour le 17 novembre.
Comme chacun le sait, une nouvelle production de Cris Prolific est un événement pour le petit cœur de tout auditeur ayant été bercé au rap de la croisée des siècles. Encore plus lorsqu’elle est présente sur une compilation de qualité telle que l’est ce volume 2 de So Real International, label norvégien mais surtout universel. Au menu, des pointures américaines qui donnent une sacrée gueule à la tracklist et tout simplement de la bonne musique. Ah, et le morceau de Dakwarians (le duo composé de Cris Prolific et K Banger) est évidemment excellent, vous vous en serez douté. Promis, on vous concocte bientôt une grande et belle interview de l’ancien producteur du 45 Scientific désormais établi à Bruxelles.