Ces dernières années, Duke a été plus identifié pour ses productions avec des rappeurs américains. Lui qui sur ses derniers projets a invité successivement Alchemist, Sean Price (RIP), Keith Murray ou encore Conway convoque cette fois une légende du rap français. C’est en effet à Akhenaton que Duke a proposé deux productions. La première signe la suite du « Théorème d’Archimerde », plus de vingt ans après la première élaboration du morceau. La seconde est encore un peu plus du Duke pur jus dans l’intention, puisque Chill croise le fer avec l’un des membres de Griselda Records : Benny the Butcher. Deux titres inédits qui sont disponibles en numérique mais aussi et surtout en physique dans un magnifique écrin 45 tours avec sa pochette mi-futuriste mi-cubique signée par Gumo. Un essentiel pour les fans d’AKH, mais aussi celui qui sait que Duke s’est notamment fait connaître lors de ses débuts avec ce remix de « La Saga » et qui en 1998, avait un album prêt contenant de nombreux inédits, dont un avec IAM. Un disque qui n’est malheureusement jamais sorti, comme il l’expliquait il y a deux ans à L’Abcdr. L’Histoire est enfin suturée.
Sidekicks
« Je voulais faire une mixtape autour du rap français, celui à texte, où il y a des scratchs, assez proche du boom bap, moderne, parce qu’on n’est pas toujours obligés d’écouter des textes légers, des formats radio, même si je n’ai rien contre. (…) Je voulais mettre en avant du rap avec des flows hallucinants, des tournures de phrases, avec du travail » Voilà ce que déclarait DJ Djel il y a quelques jours à nos confrères de Le Bon Son. Épaulé par son tourneur, Alban d’Otaké Productions, le DJ de la FF a retenu vingt-cinq titres de rap français mettant en avant des figures aussi bien que des acteurs moins connus de la scène indépendante. Une anthologie de quatre-vingt minutes à la tracklist longue comme le bras, brassant aussi bien des sons de Demi-Portion que de Lord Esperanza, où R.Can croise Faf Larage, en passant par Don Choa ou Davodka. Quant à Djel il renoue avec l’art de la mixtape, trop délaissé ces dernières années au point que le format est devenu un objet de collectionneur plus que d’auditeur. Ce sont pourtant ces mêmes mixtapes qui ont lancé les rappeurs qui influencent aujourd’hui ceux que Djel a sélectionné pour ce projet au titre un brin provocateur : Qui prétend faire du rap français ? L’une des professions de foi d’un DJ qui encore aujourd’hui mène une carrière où l’art de faire la fête est aussi sacré que l’art de rue.
Cela fait un moment que Scoop & J.Keuz sèment quelques cailloux dans le rap français. Le duo, formé dans la diagonale du vide et défendant une musique pleine d’influences, revient dix-huit mois après son troisième album. Cette fois ce sera un EP. Publié il y a une trentaine de jours Homo Cynicus balade sans laisse une philosophie désabusée mais sans renoncement ni concessions inutiles. L’air du temps y est humé le long de huit pistes, porté par le flow syncopé de J.Keuz qui multiplie quelques schémas rythmiques admirables au sein de mêmes morceaux. Quant à la production, même si elle n’est pas assurée que par son acolyte Scoop, elle mélange parfaitement les sauts d’humeur d’une époque où l’indignation en est réduit à un concours de bruit. Entre soliloques d’un démissionnaire et résilience acide de l’intérimaire touchant sa paie, tels sont ces vingt-six minutes de rap intelligible où se côtoient fracas d’influence électroniques et industrielles, temporisations du dub et les nappes ouatées accompagnées d’un piano. « Qui m’a pris pour son foutu rappeur local ou engagé ? » demande J.Keuz. Plus personne, tant il s’agit ici d’à tout prix faire le vide autour de soi. Les diagonales ne sont pas toujours des ratures.
Pour un mec qui rappe sur la pluie et le beau temps, Evidence s’est installé cette semaine sur la France comme un anti-cyclone. Michael Perretta a inscrit six villes françaises sur le périple de sa tournée européenne pour défendre Weather or Not, troisième album qui alterne grisaille et éclaircies, comme une belle journée d’automne. Après Toulouse, Lyon et Strasbourg, il passera sa fin de semaine à Rennes et Reims, pour conclure dimanche soir à Paris, sur les planches de la Bellevilloise. Avec déjà plus de quatre-vingt saisons de carrière à son compteur (vingt ans, quoi), nul doute que la soirée devrait être maîtrisée, entre les classiques de son groupe Dilated Peoples, et la maestria de ses escapades en solo. On vous fait gagner pour l’occasion 2 x 2 places, ça se passe sur nos pages Facebook et Twitter.
Le meilleur rappeur du label Dreamville, de J. Cole, est parisien. On exagère à peine : Bas est né en 1987 à Paris, de parents soudanais, avant de traverser l’Atlantique et s’installer à New York. Avec trois albums au compteur depuis 2014, Last Winter, Too High to Riot et Milky Way sorti fin août, Bas s’est installé en pilier de la maison bâtie par Jermaine, avec son rap lumineux et terre-à-terre, et parfois presque plus enthousiasmant que celui de Cole. Après une date fin 2016 avec Cozz, autre tête forte de Dreamville, Bas repasse dans la capitale, à la Bellevilloise le 11 mars 2019, en solo cette fois. Histoire de vous laisser le temps de découvrir ou redécouvrir sa belle discographie.
Le 11 novembre 2016, l’Abcdr du Son initiait une nouvelle aventure : rassembler des artistes de divers horizons, styles et époques dans une compilation intitulée Jukebox. Le concept ? Puiser dans la matière déjà existante mais prisonnière des disques durs. Derrière les milliers de chansons qui inondent les ondes chaque année se cachent en effet des pépites de l’ombre, jamais parvenues jusqu’aux oreilles du public. Pour des raisons aussi banales qu’incroyables, parfois davantage liées aux péripéties de l’industrie qu’au désir des artistes. Là était donc notre volonté : creuser, découvrir, inventer un sentier, comme nous nous efforçons de le faire depuis bientôt vingt ans avec nos interviews, chroniques, dossiers ou mixes. Cette première expérience de « collecteurs » d’inédits nous a confirmé qu’en dépit des « on dit », le petit monde du rap francophone était toujours en désir de partage et d’échange. C’est ainsi qu’aux artistes à la renommée confidentielle se sont mêlées quelques figures connues de tous. Il en sera de même pour le volume 2 de Jukebox. Deux ans jour pour jour après la sortie du volume 1, voici donc le premier extrait du second volet de notre compilation : « Environnement » d’ISHA, mis en images par nos confrères belges de Tarmac. La suite arrive très bientôt et se passera un peu plus au sud, pour une connexion Paris-Marseille qui devrait en ravir plus d’un. L’Abcdr, partout, toujours.
Depuis une quinzaine d’années, Alkpote a écumé à peu près toutes les salles possibles et imaginables en France, souvent pour partager la scène avec d’autres, plus exposés que lui alors. Désormais, l’Empereur n’est plus de ceux qui assurent les premières parties, il est la tête d’affiche, il est la vedette. Sa présence scénique et les réactions qu’elle provoque ne laissent pas de place au doute : Alkpote est un patriarche dans ce rap. Flegmatique et sûr de lui, Alka’ n’a qu’à crier « suce » pour que la salle hurle « pute ». Désormais, ses morceaux sont connus de tous, et le virage sonore qu’il a opéré ses dernières années rend son rap plus propice à l’inflammation d’un club. Il sera du côté de Nancy le 16 Novembre, pour faire de l’Envers Club son royaume des enfers, et l’Abcdr offre sur Facebook six places aux Lorrains qui veulent assister à l’événement.

Depuis ses débuts en 1998, le duo californien People Under The Stairs, formé de Thes One et Double K, a connu un parcours riche : une dizaine d’albums, des concerts partout dans le monde et énormément de manifestations d’amour pour sa musique ensoleillée et cool, de la part du public et des autres artistes (Mac Miller saluera d’ailleurs PUTS à travers ce morceau). Cette réussite, qui ne s’est jamais vraiment traduite commercialement, est due en grande partie à la polyvalence de Thes One, sorte d’Henri Dès à casquette, tour à tour rappeur, producteur, ingénieur du son, grand collectionneur de vinyles et même tourneur. Mais toutes les bonnes choses ont une fin : Thes, Christopher Portugal de son vrai nom, a décidé de raccrocher. Il l’a annoncé la semaine dernière, par le biais d’un post instagram émouvant. Cependant, cette belle aventure ne va pas se finir comme ça, de façon abrupte, par un message laissé sur un réseau social. Pour clore l’histoire de PUTS, un dernier album, Sincerely, The P, arrivera dans les bacs (comme on disait jadis) le 23 novembre, histoire de nous donner un petit peu de Californie pour passer l’hiver. Une fois cet épilogue – que l’on espère bien sûr grandiose – digéré, il sera alors temps de se retourner sur la magnifique discographie du duo et de lui dire merci pour tous ces bons moments de musique.
Nos podcasts sont l’occasion de quelques coups de gueule et de beaucoup de coups de cœur. Évidemment, ce sont les premiers qui font toujours le plus parler. Mais lorsqu’il a été question de présenter nos bons moments du rap français de ces derniers mois, le rappeur rouennais S.A et son projet Je pense donc je suis ont reçu un coup de projecteur. Les raisons de cette bienveillance ? Cette attitude de kicker authentique, qui a gardé ses valeurs de old-timer et tient des propos simples, sincères et sans ambages. L’une des meilleures illustration de cela ? Le titre « Underground », dans lequel Sans Artifices rappe quelque chose qui est souvent trop oublié lorsqu’il s’agit d’évoquer la partie immergé de l’Iceberg du rap français : la ténacité. Cet hymne puissant, c’est l’occasion de saluer à nouveau cette double mixtape collective menée le rappeur de Rouen, lui qui a pris le temps de mettre en lumière partie non négligeable de la scène locale à laquelle il appartient. Mais c’est aussi le moment pour nous de corriger deux erreurs factuelles qui se sont glissés dans les propos consacrés à S.A lors de notre podcast. Si ce dernier a effectivement eu une proximité avec le Battle Mode Click, les vétérans de la préfecture de la Haute Normandie, il n’en n’a jamais été officiellement membre. Tout comme c’était le cas avec le 4×4, dont S.A était partie prenante du satelitte : le Crew Tout Terrain. Quant à l’incroyable FDY Phenomen, s’il a conseillé à S.A de se rendre dans le studio DPL, ça n’en fait pas son studio. Underground ou pas, un peu de rigueur est de mise. Et une raison de plus pour que l’équipe se décide à descendre un jour à Rouen afin de documenter l’histoire du rap au nord-ouest de Paris.
Certains l’hérigent au rang de classique, d’autres y voient l’emblème d’un rap violon-piano qui a mal vieilli. Ce qui est sûr, c’est que Heptagone a marqué une génération tout en s’avérant une pierre fondatrice dans l’histoire du rap qualifié aujourd’hui « d’indépendant. » Quant à ses auteurs, rassemblés sous la bannière ATK, ils ont toujours eu le soucis de tenir parole. Encore plus depuis le tragique décès de l’un des leurs. Lorsque Fredy K a perdu la vie, en 2007, plus que le groupe ATK, s’était tout le posee originel qui s’était rassemblé pour un album hommage à Monsieur Alfred. Et toujours avec ce soucis de raconter des sentiments humains avec la complémentarité qui les caractérise, les cinq MCs de l’Heptagone et leur DJ ont finalement décidé de revenir. Le titre s’appelle « Comme on a dit » et il honore de façon extrêmement touchante une promesse, de celles qu’on se fait entre amis à l’adolescence. Entre frères de sang et frères de son, la frontière est parfois invisible. Quatre minutes pendant lesquelles Antilop SA, Axis, Cyanure, Freko, DJ Tacteel et Test introduisent leur nouvel album et deux concerts déjà complets au mois de décembre. De quoi confirmer l’aura du groupe, vingt-deux ans après ses débuts discographiques avec Micro Test autant qu’aux côtés de M.Group puis Zoxea. #ATK4Life nous disait Cyanure il y a quelques mois, en répondant à la question « qu’est-ce qu’ATK devient ? »