EP

Karlito et Pone, unis par une Vision

« On sort p’t’être pas du même ventre, mais nos valeurs elles s’ressemblent, on s’étonne pas d’nous voir ensemble parce que le son nous rassemble ». C’est par ces mots que Karlito ouvre Vision, nouvel EP en collaboration avec Pone. Le « secret le mieux gardé de la Mafia K’1 Fry » et l’ancien producteur de la Fonky Family se retrouvent dans une combinaison inédite et inattendue, pour deux artistes rares donc forcément précieux.

Cinq ans après son deuxième album, Impact, et presque vingt après son premier et culte Contenu sous pression, Karlito semble rapper toujours dans la même posture physique et mentale que dans « Personne dans le monde » : « Tu m’as cru pauvre parce que mal pé-sa, pas rasé, posé à la cité, mais moi je suis roi comme Hailé Séllassié ». Celle d’un homme toujours pas impressionné par le pouvoir de l’argent (« Sale ») et qui manie toujours l’art du rap « sans tminick ni trophée ». Pone, lui, développe l’esthétique entendue sur son album instrumental Kate & Me sorti l’an dernier : des instrumentaux atmosphériques qui rappellent presque le cloud rap version Clams Casino avec ces samples déformés ou qui sonnent comme une réactualisation du son FF de Si Dieu veut (« Luna »).

Vision est le disque de deux vieux amis aux vies cabossées. Le constat est évident pour Pone, alité depuis 2015 à cause de la maladie de Charcot, ne communiquant avec le monde que grâce à un clavier virtuel qu’il utilise grâce à ses yeux – c’est ainsi qu’il peut aussi produire ses instrus. Si Karlito démontre qu’il est, lui, parfaitement valide, certains passages de son EP laisse entrevoir un parcours sinueux (« on s’habitue, la vie nous frappe, du jour au lendemain on t’zappe », « le chemin est long, mon sac est prêt »). Accompagnés par DJ Sims, dont les scratchs de vocaux récents (PNL, Nekfeu, Ninho, SCH…) sur « 1394 » sont redoutables, et d’un Ali à la performance à la fois égale à lui-même et surprenante, Karlito et Pone livrent un EP singulier, qui se conclue par un clin d’oeil à DJ Mehdi.