Reportage

« Clasher l’ennui », un documentaire au cœur de l’histoire des Ulis

Il y a dans l’histoire du rap français des événements mythiques, mais restés underground. Parfois c’est parce qu’ils sont arrivés trop tôt, d’autre fois parce qu’ils ont eu lieu loin des lumières médiatiques et des lieux parisiens où tout s’est trop souvent joué. Dans la liste de ces événements, il y en a qui cumule ces deux handicaps : la battle Dégaine ton style, organisée aux Ulis, ville nouvelle que les plans d’aménagement du territoire ont déposée en marge de l’Essonne. Dans les cités de la commune, perdues au milieu des champs, les habitants, réunis autour du groupe local Ulteam Atom, assistent à des joutes verbales dont la réputation se répandra comme une traînée de poudre dans le milieu rap. L’ambiance était bouillante, et les Ulis étant loin de tout, venir se tester dans cette ville champignon reliée au reste du monde par une unique ligne de bus dépassait le challenge et l’idée de compétition. Venir à Dégaine ton Style, c’était venir dans une ville complexe, singulière et divisée en de multiples quartiers isolés de tout. C’était se confronter à la fierté de ses habitants, qui cultivaient un rap où chacun devait être singulier et avait une faim monstre d’exister. Enfin, c’était un esprit hip-hop qui avait l’allure d’un funambule marchant sur un fil au-dessus du cratère d’un volcan.

C’est cette atmosphère que le documentaire « Clasher l’ennui » s’attache à décrire. Mais en filigrane, c’est aussi et surtout l’histoire de la jeunesse ulissienne qu’Yveline Ruaud a été filmer. Celle d’hier, et celle d’aujourd’hui. Faisant suite à une série d’articles passionnants parus sur le site de l’association Noise la ville, le reportage fait le récit d’une ville où les moins de vingt-cinq ans ont créé leur propre ouragan culturel pour répondre aux carences d’une urbanisation mortifère. L’ennui, le désœuvrement, la déshérence, c’est à tout cela que rétorquent les protagonistes de ce reportage d’une heure, parmi lesquels Sinik, Grödash, Templar, Fiks Niavo ou encore Da Pro. Et finalement, ce sont peut-être eux qui ont, à un moment, le mieux représenté le 91 sur la carte de France du rap. Avec ses images d’archives, ses vues aériennes, ses témoignages et son énorme travail de terrain, « Clasher l’ennui » est un documentaire d’utilité publique – l’Abcdr ne craint pas de le dire. Il laisse la parole à cette jeunesse qui a fait un pan de l’histoire du rap tout autant qu’à celle qui attend d’en écrire la suite. Un travail de mémoire et de mise en lumière à découvrir en vidéo, le vendredi 19 juin dans nos colonnes et sur notre chaîne Youtube. (Les) Ulis revient.