Chronique

Karlito
Ghostdog – EP.2

2024

Photographie à la une : Hugo Aymar

« Il y a toujours un lendemain, il y a toujours une suite. À quand la fin ? » Voilà comment débutait Du cœur à l’outrage, troisième album de La Rumeur.

Pour Karlito et Tcho, la suite c’est maintenant et la fin attendra. Une année après un premier épisode intense, ils reprennent du service et prolongent l’aventure Ghostdog. Chacun dans son rôle : Karlito, l’ex-secret le mieux gardé de la Mafia K’1 Fry, dans celui du rappeur principal, Tcho dans celui de producteur et réalisateur sous l’entité Panagōn. Avec une nouvelle fois quelques invités triés sur le volet (Djex 913, Jack Many, Youcef, Trigga, DJ Stresh) pour apporter d’autres touches à un ensemble qui sert une continuité tout en prenant une voie parallèle. Comme une nuit sans sommeil qui s’étire jusqu’au petit jour, où les sentiments épars se mêlent et se succèdent. Montées en pression et introspections nocturnes (« Même baveux », « En mode avion ») jusqu’à des réflexions plus intimes, plus profondes (« Ma maladie, mon remède ») où la carapace semble (enfin) se fissurer pour dévoiler pensées, fiertés et regrets d’une vie embûchée.

« Je suis encore là, qui peut en dire autant ? »

Intense, toujours brut mais un peu plus lumineux, Ghostdog ep.2 comporte son lot de fulgurances, notamment cet incroyable « j’ai compris la mondialisation par la drogue »(« Narcofunk intro »), que personne ne pourrait renier. Il offre également quelques moments de respiration à l’image du couplet de Youcef Rocé, qui pose son lot de rimes ciselées comme on en grille une pour respirer un autre air. Son timbre de voix et sa rythmique mathématique laissent peu de doutes sur son identité. Une identité qui reste en crescendo.

Ghostdog ep.2 dissémine également ses références voire allégeances musicales et idéologiques au compte-gouttes. Des références qui vont du « Funky Worm » des Ohio players samplé sur « Narcofunk intro », à Biggie scratché sur « Ma maladie, mon remède », en passant par Jacques Vergès cité sur « Même baveux » et… Kenzy. Figure tutélaire absolue, parti dans d’autres sphères mais toujours regretté, il donne le ton d’emblée avec une brève introduction qui rappelle en quelques mots et indirectement ce qu’il pouvait être : une figure d’éloquence et de charisme, jamais avare de bons mots.

Une année après un essai originel aussi abouti qu’inattendu, Ghostdog ep.2 ne s’inscrit pas seulement dans la lignée d’une première passe d’armes. Il s’inscrit dans une filiation plus large, celle d’une époque, en étant marqué par le sceau de ceux qui peuvent dire « j’ai connu le rap en verlan ». Toujours œuvre confidentielle, toujours dénué de distributeur, Ghostdog ep.2 c’est toujours un travail d’artisan où le plaisir de l’instant prend le dessus sur les équations du lendemain.

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