Espiiem sort du silence

Cela faisait quatre années que l’on n’avait pas eu de ses nouvelles. En tout cas, pas officiellement. Espiiem a pourtant bel et bien fait son retour dans la musique en ce début d’année 2024 : le 19 janvier dernier sur les plateformes de streaming apparaissait en effet, sans prévenir, un nouveau morceau accompagné d’une simple pochette noire. Trois minutes de rap introspectif dans la pure veine de sa musique, particulièrement remarquée dans la première partie des années 2010 du rap français, qui permettait d’avoir la certitude (rassurante) que le rappeur parisien continuait à faire de la musique en dehors de ses autres activités. Si les amateurs du rap mélancolique et souvent spirituel de Espiiem n’ont en effet pas eu grand chose à se mettre sous la dent ces dernières années, le Parisien n’a pourtant pas chômé. Dans l’ombre, on l’a notamment vu développer avec ses associés un label et studio d’enregistrement au coeur de Paris nommé Noble, dans lequel un certain Luidji a récemment enregistré l’intégralité de son dernier album Saison 00, tandis que d’autres artistes comme Prince Waly, Lala &ce, Josman, Jazzy Bazz, Alpha Wann ou Alonzo ont fait de même, faisant du studio un des nouveaux repères de la capitale. 

Mais quid de la musique ? Connu pour sa discrétion, Espiiem n’avait ainsi pas donné de nouvelles depuis 2020 avec les morceaux « Rare » et « Réel » sortis à l’automne de la même année. Avant de redevenir à nouveau mutique. Ironiquement, l’ex-membre de Cas de Conscience a ainsi décidé de faire son retour avec un titre nommé « ROI DU SILENCE », comme une manière de reconnaître (et d’assumer) ses apparitions et disparitions ces dernières années. Et après autant d’absence, il aurait été légitime de se demander comment allait sonner la musique de Espiiem. Il faut croire que l’esprit de continuité l’a emporté : véritable morceau de retour, « ROI DU SILENCE » voit ainsi le Parisien rapper sans aucun refrain durant trois minutes (« Je rappe à l’instinct, et ce sans avoir de freins jusqu’au jour où viendra le clap de fin / Pour ça que je fais souvent qu’un seul couplet et pas de refrain ») sur une production atmosphérique et cuivrée solennelle, adaptée aux carcans sonores actuels. Un moment d’introspection et de regard sur le monde qui l’entoure, ou relations amicales et familiales, politique, superficialité du rap français, et conscience de soi se succèdent, mettant l’auditeur lui aussi dans une position de prise de recul. Sans crier gare, ce morceau enthousiasmant envoyé en toute discrétion laisse finalement espérer quelque chose : un véritable retour en version long format de Espiiem. Connaissant le personnage, il vaut peut être mieux pour l’instant juste profiter de ces 3 nouvelles minutes de musique en quête constante de sens. Et attendre une nouvelle prise de parole.