Hommage

Disparition de Young Dolph, icône de Memphis

Young Dolph semblait invulnérable. Aucun morceau ne capture mieux cette aura que « 100 shots ». Enregistré quelques jours à peine après que Dolph avait réchappé à une tentative d’assassinat, en 2017, les quelques notes de piano autour desquelles l’instrumentale se construit lentement transpirent encore l’odeur de la poudre. Adolph Robert Thornton Jr. y clamait à pleins poumons l’exultation du survivant et l’assurance tranquille d’être à l’épreuve des balles. La tragique nouvelle de son décès lors d’une fusillade au cœur de Memphis, la ville dont il portait l’étendard depuis plus de dix ans, vient parer cette chanson d’une tonalité lugubre.

La couronne qu’il s’était lui-même posée sur la tête en intitulant son premier album King of Memphis était loin d’être usurpée : Dolph était et restera une légende de Memphis. Pendant plus d’une décennie, il a incarné le son de la capitale du Tennessee et a contribué à faire émerger la nouvelle garde de la ville.

À la tête de son label Paper Route Empire, Young Dolph avait bâti sa carrière comme un modèle d’indépendance. Impossible en apprenant la funeste nouvelle de ne pas entendre l’écho du nom de Nipsey Hussle : les deux hommes partageaient un même idéal d’indépendance, un même ancrage dans le son, l’âme et les rues de leurs villes. Tous deux finiront par être abattus dans ces mêmes rues.

Young Dolph semblait invulnérable, et l’annonce de son trépas n’en est que plus choquante ; elle sonne comme un cruel rappel de la réalité de cette violence qui, en tant qu’auditeurs et auditrices de l’autre côté de l’Atlantique, nous paraît parfois distante, irréelle, esthétique même. Puisse-t-il reposer en paix.