L’Enfer remonte à la surface
Retour sur les premières traces discographiques d’Ärsenik, qui mèneront à Quelques gouttes suffisent… L’occasion de rendre hommage à cette pièce maîtresse du rap français, vingt ans après sa sortie, et plus généralement à l’œuvre de Calbo et Lino.
En juin 1998 sort l’album Quelques gouttes suffisent… d’Ärsenik, duo formé par les frères Gaëlino et Calboni M’Bani. L’œuvre allie parfaitement le registre piano/violon alors en vogue et l’écriture crue et brutale des frangins, tout en laissant un peu de place au cachet pailleté du Secteur Ä. Plus de deux-cent mille exemplaires sont vendus, permettant à Ärsenik de décrocher le double disque d’or. Pour en arriver là, six ans furent nécessaires : le groupe se crée en 1992 à Villiers-le-Bel, avec un certain Réty comme troisième larron. Ce dernier quitte rapidement l’aventure du fait d’un passage en prison et est remplacé par Tony Truand, cousin de Lino et Calbo.
La première trace discographique date de 1995 : sur la compilation plutôt confidentielle L’Art d’utiliser son savoir le trio livre le brumeux “Ball Trap”, sorte de version brutale et plus explicite du mythique “Le crime” de Democrates D, paru à peu près au même moment. Certaines bases sont déjà là : le trio évoque ses délires macabres à grand renfort de flows sentencieux, de rimes multi-syllabiques et de références au cinéma. Ces éléments seront largement repris dans “L’Enfer remonte à la surface”, morceau qui fera connaître Ärsenik à un plus large public à l’occasion de la sortie de la compilation Hostile en 1996. Les extraits du Silence des Agneaux et d’Amityville, le refrain imparable et la virtuosité des rappeurs permettent à Ärsenik de tenir la dragée haute aux autres jeunes aux dents longues présents sur le disque (X.Men, 2 Bal, Lunatic, etc.) Qu’on ne s’y méprenne pas : si Ärsenik touche à l’horrorcore sur ses deux premières apparitions, il n’est en aucun cas question d’en faire une marque de fabrique : “On ne rentre pas dans ce genre de concept, on ne veut pas rester dogmatique, rester dans un seul style (…) On a une palette de genres” déclarent-ils à Groove en 1997.
Parallèlement, Ärsenik entre dans le giron du Secteur Ä et fête son intégration en participant à quelques posse cuts (“J’avance pour ma familia” sur l’album de Stomy, “Tel une bombe” sur celui des Neg’ Marrons). En 1997, Tony Truand se retrouve bloqué au Congo pour un problème de papiers. Sa situation ne se réglera que trois ans plus tard et il ne réintégrera pas le groupe à son retour en France. Calbo et Lino poursuivent donc l’aventure à deux, toujours en prêtant main forte aux collègues de la secte Abdoulaye (“Arrête de mentir” avec Gynéco, “Un rep qui fait reup” en face B du maxi Mon Papa à moi est un gangster). Et ils joignent les actes aux paroles : “Rimes et châtiments” – le troisième titre sorti en leur nom et paru sur la compilation L432 – est moins barré que leurs premiers morceaux, se rapprochant des standards de l’époque sans que l’écriture ne perde en puissance. La transition vers l’ambiance plus froide et réaliste de Quelques gouttes suffisent… est en marche.
Dans les derniers mois avant l’arrivée de l’album, Ärsenik marque les esprits avec son freestyle sur la mixtape Opération coup de poing, qui pavera la voie pour “Je boxe avec les mots”, premier single tiré de Quelques gouttes suffisent… Lino gagne également ses premiers galons de maître ès featurings en épaulant Oxmo Puccino sur “La Loi du point final”, morceau particulièrement remarquable d’un Opéra Puccino qui ne manque pourtant pas de moments d’excellence. Le duo collabore encore avec la famille (Hamed Däye, Stomy encore et toujours) et avec d’autres (les Lyonnais d’IPM) pour bien s’assurer que le nom d’Ärsenik soit entré dans le plus de mémoires possibles. La machine est clairement lancée, l’attente est grande et Quelques gouttes suffisent… va connaître le succès, tant dans l’estime du public que dans les ventes.
C’est donc sur les premières années d’existence d’Ärsenik que nous souhaitons revenir ici, en explorant les premières traces discographiques du groupe, qui mèneront à Quelques gouttes suffisent... L’occasion de rendre hommage à cette pièce maîtresse du rap français, vingt ans après sa sortie, et plus généralement à l’œuvre des frères M’Bani.
Tracklist :
01. Intro Amityville
02. Ärsenik – L’Enfer remonte à la surface (1996)
03. Ärsenik – Ball Trap (1995)
04. Ärsenik – Rimes et châtiments (1997)
05. Stomy Bugsy – Quand Bugsy et son gang dégomment ft. Ärsenik, Hamed Däye et Neg’Marrons (1998)
06. Nèg’Marrons – Tel une bombe ft. Ärsenik, Doc Gynéco, Hamed Däye et Ministère A.M.E.R (1997)
07. Stomy Bugsy – J’Avance pour ma familia ft. Ärsenik, Hamed Däye, La Clinique, La Rumeur et Passi (1996)
08. Stomy Bugsy – Un rep qui fait reup ft. Ärsenik, Hamed Däye, Hifi, Oxmo Puccino, Passi et Pit Baccardi (1997)
09. Doc Gynéco – Arrête de mentir ft. Ärsenik (1997)
10. IPM – Mortel poison ft. Ärsenik et Kesto (1998)
11. Hamed Däye – Independance Daye ft. Lino (1998)
12. Interlude Ben Harper – Power of the Gospel
13. Oxmo Puccino – La Loi du point final ft. Lino (1998)
14. Ärsenik – Boxe avec les mots Freestyle Opération coup de poing (1997)
15. Ärsenik – Boxe avec les mots (1998)
Merci à zo. et à Jérémy
Pour le moment seulement en écoute sur Mixcloud. Un lien de téléchargement viendra peut-être plus tard !
Elle est dispo quelque part cette tape ?