Never forget the disc-jockey

DJ Shadow

Encensée sous le terme d’abstract hip-hop, la musique de DJ Shadow est pourtant loin de bouder le rap le plus pur et les breaks les plus durs. La preuve en soixante-quinze minutes de mix.

et Photo de Une par Beantownboogiedown / DigBoston
Artwork par Hector de la Vallée
Texte par Slurg.

Pour ce nouveau volet des mixtapes Never Forget The Disc-Jockey, nous vous proposons de redécouvrir DJ Shadow. Pas tant le génie d’Entroducing (un excellent album adulé par tant de fans qui n’écoutent pas de rap), mais plutôt le crate digger averti, le DJ Shadow résolument ancré dans le hip-hop que le label Mo Wax n’a pas cherché à mettre en avant.

La carrière musicale du jeune Josh Davis commence quand il envoie une copie de sa mixtape / démo à un journaliste de The Source, Matty C. 90 minutes de productions originales et de remixes (dont celui de Rakim bootleggé par la suite) qui occuperont la rubrique Unsigned Hype du magazine en juin 1991. Une exception pour cette colonne habituellement dédiée aux MCs à la recherche d’un label et qui couronnera ensuite DMX, Biggie, Common, Mobb Deep entre autres légendes.

En parallèle un autre chroniqueur de la bible du Hip-Hop (c’était il y a 30 ans hein…) Dave Funkenklein vient d’obtenir un deal avec Disney pour monter un label de rap, Hollywood Basic. Et pas du rap pour les enfants. L’argent de l’Oncle Picsou a été investi dans un roster assez peu grand public : Organized Konfusion, Peanut Butter Wolf, Raw Fusion (sous groupe classé X de Digital Underground), Prince Akeem (le porte-parole de la Nation Of Islam) ou encore l’étrange projet Lifers Group. Alors que le rap de NWA est à son apogée, Funkenklein veut donner la parole à des gangsters certifiés par les tribunaux. Il installe donc un studio éphémère dans le centre pénitentiaire de haute sécurité de Rawhay dans le New Jersey où il enregistre des prisonniers condamnés à la perpétuité. Il commissionne DJ Shadow pour remixer leur premier single « The Real Deal » ainsi qu’un mix promo de l’album du groupe Zimbabwe Legit.

Pour sa première sortie officielle, il pose d’emblée les bases de son style. Sur la face A il remixe le morceau de Lifers Group autour d’une boucle de son break préféré, « Life Could » de Rotary Connection. La même batterie qu’il proposera au rappeur Paris l’année suivante sur « Make Way for a Panther » et qu’on entendra time stretchée dans « Midnight in a Perfect World ». Et en face B c’est Shadow qui est en vedette avec son fameux « Lesson 4 ». Ce long mix de breaks, de scratch et de dialogues incongrus est un hommage appuyé à Double D & Steinski, qui au début des années 80 avaient sorti les trois premières leçons. Cut Chemist fera lui aussi une Lesson 4 de son côté avant de rencontrer Shadow. Ensemble ils décident d’un moratoire sur le Lesson 5. Le DJ de Jurassic 5 passera directement à sa Lesson 6, et Josh gardera dans ses archives son ébauche de Lesson 5. Finalement il la sortira ainsi qu’une Rock Lesson en 2010, loin des majors qui ne peuvent prendre le risque de sortir ce genre de morceaux si bourrés de samples qu’ils en sont  impossibles à clearer.

Mais c’est à cause du Legit Megamix que tout à basculé.

Le patron du label britannique Mo Wax, James Lavelle, venait régulièrement à Los Angeles pour participer aux soirées Brass, et c’est à cette occasion qu’il a été bluffé par ce mix de samples jazzy et de batteries, sans rap, ni scratch trop agressif aux oreilles délicates. Exactement le genre de son qu’il souhaitait pour son label.

Et voilà DJ Shadow adopté par la presse branchouille du monde entier, avec son lot de néologisme inutiles (« experimental hip-hop », pire, « trip-hop ») et de lauriers non mérités. Non, Endtroducing n’est pas le premier album composé entièrement de samples, contrairement à ce qui a pu être clamé par une certaine presse. En 1996, The 45 King en était à son 25ème album à base de samples, mais le public cible de Mo Wax n’a pas cette culture. L’album de DJ Shadow est le disque de l’année des magazines rock et électronique en Europe, mais le lecteur de The Source ne sera jamais tenu informé du succès d’un artiste que le mensuel avait pourtant découvert cinq ans plus tôt.

Pire, 10 ans après la sortie de son album, dans les loges après un show sur Canal Plus, il nous confiait qu’il n’était encore jamais passé à la télé aux Etats-Unis ! Contrairement à ses potes Blackalicious et Latyrx qui composent le crew Solesides avec lui. Longtemps cette situation lui convient. Il coproduit le premier EP de Blackalicious avec Chief Xcel et les maxis de Lateef, tourne un peu partout dans le monde, mais sans chercher à placer ses prod ailleurs. Dan The Automator lui demande un remix pour l’album qu’il enregistre avec Kool Keith et Q-Bert, Dr Octagonecologyst. Il en réalise un autre du morceau que DJ Krush a fait avec The Roots et fait poser Kool G Rap sur le projet U.N.K.L.E. piloté par James Lavelle.

Mais, même si des artistes comme Cut Chemist ou Z Trip se reconnaissent rapidement dans la musique de Shadow, pour une grande partie du public DJ Shadow est uniquement synonyme des samples éthérés sous de gros breaks de batteries. Après la faillite de Mo Wax, il laisse la part belle aux raps sur ses albums, à commencer par The Outsider sur lequel on croise aussi bien Q-Tip que David Banner et surtout la crème de la scène hyphy : E-40, Federation, Turf Talk, Keak Da Sneak ou Nump. Ce qui a permis à ce natif de la Bay Area de pouvoir enfin entendre sa musique joué dans les clubs et les stations locales. Libéré du joug du perfide James Lavelle est actuellement signé sur le label de Nas, Mass Appeal. Son dernier double-album Our Pathetic Age se compose d’un disque instrumental et d’un second avec des featurings de Dave East, Run The Jewels, De La Soul, Wu Tang etc…Car même dans cet âge du tout-numérique, ce crate digger invétéré continue à concevoir ses disques pour le vinyle !

Tracklist :

  • Z-Trip – « Right Thing » (Set The Party Off Remix)
  • Paris – « Make Way For A Panther »
  • Eric B & Rakim – « Follow The Leader » (Remix)
  • DJ Shadow – « Number Song » (Cut Chemist Remix)
  • Lifers’s Group – « Real Deal » (Shadow Remix)
  • Q Tip – « Enuff »
  • DJ Shadow & Gift Of Gab – « Count And Estimate »
  • DJ Shadow – « 3 Freaks RMX » feat. Turf Talk, Keak Da Sneak, Mistah FAB & Droop E
  • Handsome Boy Modelling School, DJ Shadow & DJ Quest – « Holy Calamity » (Bear Witness II)
  • Latyrx – « Lady Dont Tek No »
  • Panache – « Every Brother Ain’t A Brother »
  • Blackalicious – « Rhymes For The Deaf, Dumb And Blind »
  • DJ Krush & The Roots – « Only The Strong Survive »
  • DJ Shadow – « Rock Lesson »
  • Nas – « Systematic »
  • UNKLE & Kool G Rap – « Guns Blazing »
  • Lateef – « The Quickening »
  • Blackalicious – « 40 Oz For Breakfast »
  • DJ Shadow – « Flashback »
  • Lateef – « The Wreckoning »
  • DJ Shadow – « Hardcore (Instrumental) Hip Hop »
  • DJ Shadow feat. Mos Def – « Six Days (remix) »
  • DJ Shadow – « Treach Battle Beat »
  • Dr Octagon – « Waiting List »
  • Q Bert – « Camel Bobsled Race »
  • Zimbabwe Legit – « Legit Megamix »
  • Lefties Soul Connection – « Organ Donor »
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1 commentaire

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  • kitano,

    Désolé, mais cet article est rempli d’âneries et de contre-vérités, c’est une réécriture de l’histoire sur le mode le « vrai hip-hop » contre Mo Wax et « l’abstract hip hop », alias le faux hip hop, qui ne correspond en rien à la réalité. Les choses étaient beaucoup plus complexes que ça. Au départ beaucoup d’artistes anglais (et japonais) signés sur Mo Wax font du hip-hop instrumental par défaut, faute de MC’s compétents/disponibles dans leur entourage. James Lavelle « qui ne veut pas de rap et de scratch » signera Blackalicious, Quannum, Divine Styler, Kool Keith et DJ Magic Mike sur son label. Il invitera Kool G Rap et Mike D sur l’album de son groupe UNKLE. Et signera DJ Assault, qu’on ne peut pas qualifier de musique gentillette. Il redonnera aussi sa chance à Sam Sever et une visibilité internationale à des acteurs de la scène hip-hop japonaise (DJ Krush, Major Force). Sans parler de la collaboration avec Futura, qui s’inscrit dans un cadre on ne peut plus hip hop. Il est faux de dire que les fans de Mo Wax n’aimaient pas le hip-hop, ils n’aimaient pas QUE le hip-hop, c’est une énorme différence.