Soudiere, Phonk Master
Révélation parmi la communauté phonk de beatmakers sur SoundCloud, Soudiere a rapidement séduit un plus large public. Retour sur son parcours, entre Strasbourg et outre-Atlantique.
Au début de la décennie 2010, plusieurs artistes revisitent l’héritage du rap de Memphis des années 1990, à une époque où celui-ci était relativement invisibilisé par la rivalité East Coast / West Coast. La mixtape Blackland Radio 66.6 sortie en 2011 par le rappeur SpaceGhostPurrp explore les codes de ce renouveau : samples de Three 6 Mafia, productions lo-fi, cloches lugubres, voix chopped & screwed et imagerie Pen & Pixel sauce horrorcore sont quelques-uns des ingrédients de base d’un nouveau genre de rap – nommé phonk l’année suivante lors de la sortie de l’album studio Mysterious Phonk : Chronicles of SpaceGhostPurrp. Des beatmakers comme le Canadien DJ Smokey explorent alors les tréfonds musicaux du Memphis Rap pour proposer des productions adoptées par Yung Simmie ou ASAP Mob. DJ Smokey est rapidement suivi par toute une communauté d’autodidactes qui échangent sur SoundCloud, et certains se démarquent comme le Français Soudiere.
Producteur prolifique, Soudiere multiplie les projets et les collaborations qui dépassent l’Hexagone, jusqu’à être sollicité par plusieurs rappeurs outre-Atlantique. À l’image de la phonk, scène niche du rap, Soudiere est rarement sous les projecteurs, alors même que ses beats dépassent désormais largement le cadre de cette scène et séduisent des rappeurs tous styles confondus, comme Larry June pour son album Spaceships On The Blade en 2022.
De passage à Paris mi novembre pour un DJ set organisé par la Phonkerie à la Rotonde Stalingrad, le producteur originaire de Strasbourg a pris le temps de raconter à l’Abcdr du Son son parcours et sa musique.
Abcdr du Son : Comment arrives-tu à la phonk, qui n’est pas un style de rap très répandu ?
Soudiere : Avant mes quatorze ans, il n’y avait pas l’ADSL dans le village des Vosges où j’habitais, j’avais accès uniquement aux disques de mon père, essentiellement du rock et du métal. Puis au collège, à la fin des années 2000, via des amis et les vidéos de skate que je regarde, je commence à écouter du rap des années 1990, du boom bap. Et à force de me balader sur YouTube, j’arrive sur les premiers titres de la Three 6 Mafia. Je fais le lien rapidement avec les vidéos Baker [série de vidéos d’une marque de skateboard américaine, ndlr] que je regardais, j’avais déjà entendu ce groupe en les visionnant, je tombe amoureux de ce style de rap très sombre. Je retrouve cette ambiance lugubre avec A$AP Rocky qui sort ses mixtapes vers 2010. J’entendais cette influence du rap du Sud, des petits trucs de DJ Screw dans ses morceaux. Je découvre SpaceGhostPurrp et son collectif Raider Klan. Je crois qu’en une année, je me prends toutes ces influences, je passe du temps sur SoundCloud. Et là je tombe sur les prods de DJ Smokey et d’autres mecs qui font déjà ce style de rap, mais instrumental : de la phonk.
A : J’imagine que ce n’est pas forcément une musique très populaire dans un village des Vosges à cette époque. Tu vis ça comment ?
S : Entretemps, j’ai bougé à Nancy pour les études mais oui, même dans une ville plus grande pourtant, il n’y a pas grand monde qui apprécie ce style de rap phonk. J’étais vraiment tout seul dans mon délire. Je me rappelle qu’il n’y avait pas grand monde qui appréciait quand je branchais mon téléphone pour mettre du son. Ça ne passait pas trop, mes potes n’aimaient pas, ils écoutaient encore plutôt du boom bap.
A : Comment arrives-tu à passer à la production musicale ?
S : À force d’écouter ce type de son sur SoundCloud, je me rends compte que les mecs qui postent leur musique ne sont pas des professionnels, mais juste des gars un peu comme moi, qui sont dans leurs chambres à faire de la musique. Je me souviens être tombé sur un commentaire sous une vidéo de DJ Smokey où quelqu’un lui posait une question : « Comment tu fais cette musique ? ». Sa réponse tenait en deux mots : « FL Studio ». En tapant sur Google, je me rends compte que c’est juste un logiciel et que je peux le craquer tout de suite. À cette époque, je croyais qu’il fallait investir dans une machine, que c’était compliqué. Bref, je télécharge FL Studio et je dois le laisser dormir pendant six mois dans mon ordinateur avant de l’installer. Et puis un soir random en 2014, je m’emmerde, je l’installe, je l’ouvre et ça a tout de suite piqué ma curiosité. Je suis en full autodidacte car il n’y a quasiment pas de tutoriel à l’époque. Enfin sauf peut-être des explications assez générales, genre pour faire de la techno, mais rien qui te permet d’aller vers un style de musique en particulier. Même faire de la trap, c’était hyper difficile d’accès. Je me rappelle avoir vu des vidéos de Zaytoven ou Lex Luger, filmées par quelqu’un par derrière, on ne voit pas vraiment l’ordinateur, c’est impossible à décoder. En fait, aujourd’hui, c’est un peu cheaté, même si je n’aime pas trop dire ça, mais quand même, pour faire n’importe quel sous-genre de musique, tu trouves maintenant un tutoriel. Tant mieux pour les plus jeunes. Pour revenir à mon époque, trouver des drum kits, c’était aussi difficile, il fallait que je me connecte avec d’autres artistes, ils me les envoyaient en conversation privée, il n’y avait même pas de forum public.
A : Justement, quand commences-tu à poster des sons en ligne ?
S : Après avoir tâté le logiciel pendant six mois, je commence à comprendre comment faire un morceau en entier, je poste en ligne des sons en 2015, mais c’était un peu honteux [rires]. J’ai supprimé depuis la première partie de ma discographie. À mes débuts, SoundCloud est en pleine effervescence, un vrai réseau social, hyper actif, avec d’énormes communautés remplies d’amateurs. Tu sentais que les gens étaient comme toi, à faire de la musique dans leur chambre et juste partager. Il n’y avait pas trop de jugement, je ne me posais pas trop de questions : si ça sonnait assez bien, je balançais. À un moment, il y a une petite effervescence qui commence à se créer autour d’un de mes sons.
A : Te souviens-tu duquel ?
S : Bien sûr, il est toujours sur mon SoundCloud, je ne l’ai pas enlevé, c’est « Everything Is Business ». Je me rappelle que ça faisait depuis trois ou quatre morceaux que j’attirais l’attention, et quand je droppe « Everything Is Business », du jour au lendemain, j’ai beaucoup de retours. Il y a notamment deux gros beatmakers que j’aimais bien à l’époque, Slight et Myrror, qui repostent ce morceau, Ils avaient une grosse communauté, je dirais 10 000 followers,. En une nuit, je gagne 10 000 lectures, c’est énorme ! Ça a été une forme de validation de mon travail, ça m’a motivé et à partir de ce jour-là, je postais un son tous les cinq jours.
Soudiere - Everything Is Business
A : À ce moment-là, tu es prolifique, tu sors beaucoup d’albums ou d’EPs. À partir de quel moment structures-tu les morceaux que tu postes en projets ?
S : Je voyais des connaissances mettre des compilations sur Bandcamp, ça se faisait beaucoup. Donc quand j’arrivais à quinze ou vingt morceaux au bout de trois mois, je faisais pareil, je les mettais tout simplement sous forme de compilation. Pour toutes mes compilations Pirelli, ça a été le rassemblement de mes singles sur SoundCloud, hormis le dernier qui vient de sortir, le volume 8, où j’ai fait des morceaux que je conservais et assemblais pour leur cohérence. La première fois où j’ai voulu faire un petit projet structuré, c’est en 2016, avec Life EP. Je fais six morceaux qui forment un vrai ensemble cohérent, un petit univers.
« À mes débuts, SoundCloud est en pleine effervescence, un vrai réseau social, hyper actif, avec d’énormes communautés remplies d’amateurs. »
A : Quand on regarde la communauté de producteurs de phonk, on remarque que les collaborations pour la réalisation de titres sont très courantes. Toi-même tu fais partie d’un collectif ?
S : Dans la communauté phonk, c’est hyper commun de collaborer, tout le temps. Ça fait vraiment partie du délire. Moi j’ai rejoint le Purple Posse, créé par un Lituanien, Aseri, et un États-unien, Backwhen. Ils m’ont permis de rentrer dans une sphère collaborative où on bossait ensemble plusieurs projets qu’on sortait. Au début, on faisait tous le même son, on avait tous le même style, des fans de DJ Smokey, un précurseur du retour de la phonk. Il y avait vraiment plein de monde. Je collabore alors avec Mythic, Jak3 ou Hymbeats. DJ Smokey finit par repérer qu’il y a une effervescence autour de son style. Il voit plein d’autres producteurs qui reprennent son flambeau à ce moment-là. Nous, avec le Purple Posse, on attire l’attention. DJ Smokey finit par contacter Mythic et moi pour faire des collaborations. Début 2017, je sors un premier morceau avec lui, « Friends ». L’année d’après, à Strasbourg, des amis parviennent à organiser un concert et à le faire venir: c’est la première fois que je le rencontre. J’ai pu ensuite partager la scène avec lui en Allemagne. On a vachement connecté, et à force de bosser ensemble sur des morceaux, on sort en 2020 un full project ensemble, Only 2 Left Alive.
A : Comment vous organisez-vous pour travailler quand il y a une collaboration ?
S : Il n’y a pas de règles. On s’envoie les projets. Chacun fait ce qu’il veut dessus. Ça peut être juste une mélodie ou une boucle de trente secondes avec des drums. Un début de morceau. On ne se donne jamais de directives mais on s’appelle tout le temps quand on est en projet. Par exemple, on va sortir un album prochainement, et pour le réaliser, je suis allé chez DJ Smokey à Montréal cet été. Ce sera donc un album fait « en personne », pas à distance. Tous les deux, on avait déjà bossé comme ça avec NxxxxxS [beatmaker français, ndlr] qui nous avait rejoints pour un petit projet de 4 titres, Trip to Hell. Quoiqu’on dise, c’est quand même beaucoup plus facile de bosser en se voyant, on a des retours directs sur les morceaux. On sait précisément ce que chacun veut. On peut être beaucoup plus dans le détail. Parce qu’en bossant à distance, tu dois faire des concessions. Si on ne veut pas que les morceaux durent quinze ans, on doit lâcher des trucs. Par exemple, s’il y a une partie d’un morceau qu’on n’aime pas trop, ça peut arriver de se dire qu’on le laisse, alors qu’en se voyant, on peut vraiment aller précisément où on voulait. Pour ma collaboration avec Roland Jones, un beatmaker ukrainien qui vit en Espagne suite à la guerre, c’est le même cheminement. On a commencé à bosser ensemble à distance en 2019 sur plusieurs projets, comme les deux volumes Game Is Tight puis on s’est rencontrés. Je suis allé chez lui pour réaliser Bodybag qui vient de sortir.
A : Utilises-tu toujours FL Studio ou as-tu dû changer ?
S : Toujours FL Studio, je n’ai pas changé. Comme beaucoup de gens avec qui je collabore. Certains sont sur Ableton, mais je dirais qu’un bon 70% des gens avec qui je travaille sont généralement sur FL Studio. Je crois que FL Studio est plus facile à craquer, c’est plus facilement trouvable [rires].
A : Tu as réussi à placer une production pour Larry June, tu produis donc aussi en dehors de la communauté phonk. Ça s’est passé comment ?
S : J’écoutais beaucoup Larry June à une époque, notamment son morceau « Smoothies In 1991 », j’adorais la prod. Je me balade sur Insta et je tombe sur le profil du producteur du titre, Julian Avila, et je vois qu’il me suit. Du coup je le suis en retour. C’est lui qui m’a contacté après pour m’envoyer des mélodies, pour qu’on travaille ensemble. La première mélodie qu’il m’envoie, je la complète avec ma prod qui va se retrouver placée sur le titre « Spaceships & Orange Juice » pour son album Spaceships On The Blade, sorti en 2022. C’est incroyable, je ne m’y attendais pas du tout ! Je ne m’y attendais pas du tout ! J’avais un espoir secret qu’il se passe un truc comme ça, mais je n’ai pas demandé à Julian Avila de proposer ce qu’on faisait à Larry June. Finalement, il a envoyé cette production à Larry et deux ou trois mois plus tard, Larry June poste une story, Julian me l’envoie : on y voit Larry en studio bosser sur un projet. Sur l’écran de l’ordi, on peut lire le fichier de la production qu’on a faite :« Julian Avila & Soudiere » ! On n’entendait pas le morceau sur cette story, on voyait juste Larry en train d’enregistrer. Quelques mois plus tard, Larry poste un snippet de lui qui écoute ce morceau dans sa voiture. Enfin, six mois plus tard, je reçois la confirmation que la prod est placée sur son album qui sort. J’étais super excité.
Larry June - Spaceships & Orange Juice
A : Vois-tu un avant et un après Larry June ?
S : Oui, ça m’a permis des connexions, il y a des producteurs que j’aimais bien qui m’ont repéré grâce à ce titre. J’ai aussi pu envoyer quelques productions à certains managers de labels qui étaient intéressés, même s’il n’y a pas eu de suite. Personnellement, ça m’a surtout donné envie de me concentrer encore plus sur des projets avec des rappeurs. Une grosse motivation.
A : Justement – et ce n’est pas commun pour un producteur français – tu produis des projets entiers pour des rappeurs nord-américains. Peux-tu nous dire comment tu en es arrivé là ?
S : J’ai commencé par un single réalisé pour Freddie Dredd, « Oh Darling », [rappeur canadien au style phonk, ndlr], il avait pas mal tourné à l’époque en 2019. J’ai réalisé aussi des titres pour des rappeurs français, comme 8ruki, notamment les titres « Benz » et « Roule un shit ». Avec WiFiGawd [rappeur de Washington D.C., ndlr], cette fois, je me concentre sur un projet entier pour un rappeur américain, mais à distance. Dès 2019, c’est lui qui souhaite collaborer avec moi. On commence donc à bosser ensemble sur cinq morceaux. Mais je ne réussis pas à récupérer les pistes pour les arranger comme je voulais et, entretemps, il est passé à autre chose. Trois ans après, en 2022, il me recontacte : « Envoie-moi des prods, je suis chaud pour refaire un projet ». Connaissant un peu le gars, j’envoie des prods sans trop y croire, en me demandant s’il va poser dessus. Trois mois passent et il m’envoie 6 morceaux finis sur mes prods, il me dit : « Renvoie des prods ». C’était parti, on a fait le projet. J’ai pu tout arranger et l’album est sorti, 36 Chambers Of Pressures. On ne s’arrête pas car on a enchaîné, on a aussi sorti le second volet, 36 Chambers Of Pressures Volume 2.
« Dans la communauté phonk, c’est hyper commun de collaborer. Ça fait vraiment partie du délire. »
A : En écoutant ce deuxième album, je me demandais comment tu organisais le placement des couplets de WiFiGawd et tes prods. On entend des moments où tes prods sont assez libres, avec de l’espace pour qu’elles déroulent.
S : Souvent, j’envoie des prods, puis WiFiGawd pose un peu comme sur une démo. Et ensuite j’arrange vraiment le morceau en rajoutant des pistes, j’embellis. Je lui demande d’ailleurs d’envoyer les voix sur une piste à part, comme ça je peux rebosser sur le titre, je mixe si on peut dire. Comme je passe énormément de temps à ne faire que de la production musicale, des instrus, je n’avais pas forcément l’idée de l’espace que prenait une voix. Du coup, souvent, j’avais tendance à trop en mettre quand je lui envoyais des prods pour qu’il pose. Alors, rapidement, j’ai fait l’inverse. J’ai beaucoup allégé les prods de base pour pouvoir laisser de l’espace à WiFiGawd. Et derrière, je rajoutais des choses quand c’était nécessaire. Il y a des moments où la prod peut tourner.
A : Dans ta construction d’une prod, comment équilibres-tu entre compositions et samples ?
S : Je sample énormément. Je pense qu’un bon 90% de mes productions se basent sur du sampling. Quand je suis sur un projet, je passe ma journée à faire ça, découper des samples, sans produire, pour me constituer des banques de sons.
A : Avec l’exercice obligé d’utiliser le Triggerman [sample utilisé fréquemment par la scène Sud du rap américain, ndlr] pour coller au son de Memphis ?
S : Oui, bien sûr, il y a quelques classiques à placer, ça fait partie du genre. Je l’utilise.
A : Tu places aussi beaucoup de voix samplées, j’ai remarqué que c’est particulièrement le cas sur l’album Xrrtified Posse 2 avec Lil Xelly sorti l’année dernière.
S : Je tape hyper large dans les voix du rap de Memphis, je les mets en fond, derrière le flow de Lil Xelly. Les gens ne soupçonnent pas le nombre important de rappeurs à Memphis qu’il y a dans la décennie 1990, j’en découvre encore à l’heure actuelle. J’essaye de viser très large, dès que le grain de voix ou le flow me plaît, je vais essayer de me l’approprier.
A : Comment es-tu rentré en contact avec Lil Xelly d’ailleurs ?
S : WiFiGawd et Lil Xelly étaient très proches, ils viennent de la même région. Après le deuxième album avec WiFiGawd, Lil Xelly me contacte et me dit qu’il veut faire pareil. J’ai pu établir de super relations avec ces deux gars, et malheureusement j’ai appris le décès de Lil Xelly via les réseaux. Je suis tombé sur un post, le soir même de sa mort. Horrible. On bossait sur un troisième volume des Xrrtified Posse. Quelques heures avant que j’apprenne son décès, on s’envoyait encore des messages. Ça fait vraiment bizarre, ça me paraît toujours un peu irréel d’ailleurs. C’était particulier cette relation, je n’avais jamais eu encore l’occasion de le rencontrer dans la vraie vie, mais c’était tout comme, avec la musique. On avait créé de vrais liens. Quand on s’allie pour faire des projets comme ça, ça dépasse une conversation sur Internet.
A : Il y a trois ans, tu as aussi sorti un morceau pour RXKNephew et Rx Papi, avec DJ Smokey, “Who Am I”. Tu peux nous expliquer le contexte ?
S : Avec DJ Smokey, on est deux grands fans de ces deux gars. Quand je vois DJ Smokey en 2022, il finit son arc phonk et lance son concept de Nuke Music [sous-genre de phonk avec une influence 2-step, ndlr]. Il est encore en train de tâtonner sur quelle espèce d’expérimentation sonore il va faire de son concept. Du coup, on fait des productions hyper excentriques avec plein d’éléments, plein de trucs, ça part un peu dans tous les sens et on finit par faire « Who Am I ». Je trouve alors que cette prod est un tube, on veut vraiment des rappeurs dessus. RXKNephew nous semble évident, il a un côté hyper éclectique, il est capable de rapper sur tout. Il est en même temps hyper gangster et hyper drôle. DJ Smokey est à ce moment-là connecté avec son manager, il nous dit que RXKNephew est en studio avec Rx Papi qui vient de sortir de prison. Il nous dit qu’on peut avoir les deux sur le morceau, tout de suite, pour cinq-cent balles chacun. On les paye et DJ Smokey me rappelle quinze minutes plus tard : c’est fait ! On a les couplets en a cappella ! Les mecs ont enregistré à la vitesse de l’éclair, mais apparemment, c’est habituel pour les deux. Ils font pratiquement tous leurs sons comme ça. Ils ont une capacité d’improvisation hors du commun, tu trouves plein de freestyles d’eux en ligne d’ailleurs. Tu les vois rapper des heures à se passer la balle, se repasser la balle, c’est incroyable à voir. Ce sont vraiment des rappeurs naturels, c’est en eux de rapper. Le morceau a été repris par TikTok, ça a donné un petit tube viral, grâce aussi certainement au tag complètement excentrique de DJ Smokey, #legalizenuclearbombs. Une super expérience.
A : Les pochettes de tes albums et de tes EP sont très travaillées. Comment développes-tu ce sens de l’image ?
S : Ça part de mes idées, des envies esthétiques que j’ai. Après je contacte des artistes, j’ai une idée précise de ce que je veux en termes de visuel. J’étais dans les cartoons au début, puis j’ai changé. J’ai toujours été un grand fan de l’esthétique des pochettes de musique metal, des covers de films d’horreur, tu le vois sur ma dernière tape Pirelli. Il y a aussi bien sûr le style Pen & Pixel qui fait partie du genre, comme la pochette de Game Is Tight II avec Roland Jones. Pour Trip Thru Hell, j’ai la chance que dmovdo fasse la pochette, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’influence sur l’esthétique de la phonk. Il a beaucoup bossé avec DJ Smokey, parmi d’autres.
A : Tu es aujourd’hui à Paris pour une soirée où tu vas mixer. Tu fais aussi pas mal de scènes en plus de tes productions ?
S : Je faisais surtout de la scène au début de ma carrière, vers 2017-2018. Il y avait une forte demande. Je pouvais faire des concerts deux fois par mois. C’était des petites scènes, surtout en Allemagne. J’en ai aussi fait pas mal à Montpellier et Strasbourg. À Paris, c’est plutôt récent. Par la suite, j’en ai moins fait, c’est très éparpillé, peut-être une tous les quatre mois, quelque chose comme ça. Il n’y a plus énormément de demandes et je ne fais pas beaucoup d’efforts pour être booké, car à la base je suis très introverti. Je suis très dans mon monde, ce n’est pas forcément mon kiff de faire de la scène. Ça m’angoisse un peu, ça me rend plus anxieux qu’autre chose en fait. Mais si on m’invite, et une fois lancé, c’est toujours un plaisir. Ça me régale en vrai de voir les gens turn up sur ma musique, c’est indescriptible comme sensation.
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