Redman
Interview

Redman

Rencontrer Redman, c’est croiser la route d’un pan de l’histoire. En vingt minutes, avec nos yeux d’enfants grands ouverts, on a quand même eu le temps de revenir avec lui sur une sélection de ses nombreuses collaborations. Et sur son prochain album « Reggie », la famille Gilla House et son concept des « Party on Blast ».

2Pac – « Got my mind made up » (All Eyez on me, 1996)

Redman: J’avais rencontré 2Pac pour ce morceau, grâce à Daz Dillinger. Daz avait produit le morceau, il m’avait invité et avait aussi ramené Method Man dessus. Je me souviens qu’on s’était rencontré dans la baraque de Daz. Kurupt était là aussi. On a vraiment passé un bon moment avec eux. A la base, le morceau devait être pour Daz. On a enregistré et je pense que Pac a tellement kiffé ce titre qu’il a voulu l’avoir sur son album. A la fin du morceau, on entend Inspectah Deck qui dit “INS The Rebel”… A l’origine, il était sur le morceau. Il s’est passé tellement de trucs depuis tout ça, je ne sais plus pourquoi il n’a pas fini dessus.

J’adore 2Pac pour ce qu’il peut représenter. J’appréciais son état d’esprit et ce qu’il cherchait à accomplir, mais je n’étais pas pour autant un vrai fan de 2Pac. J’étais fan de Biggie. Je l’ai toujours été. Et je dis ça, je ne veux surtout pas retirer du crédit à 2Pac. Je me fous de toutes ces conneries sur les histoires d’East Coast/West Coast, en plus j’aime beaucoup de rappeurs de la côté ouest. J’ai beaucoup de respect pour 2Pac, pour le mec et les films qu’il a pu faire. Il aurait vraiment tout cartonné s’il était encore en vie.

Redman ft. Eminem – « Off the Wall »  (Nutty professor II soundtrack, 2000)

R: Eminem avait déjà quasiment bouclé son texte quand j’ai entendu la production pour la première fois. J’ai vraiment dû tout donner sur ce coup pour ne pas me retrouver à la rue. Il y avait un vrai esprit de compétition, vraiment positif sur ce titre. Em’ me cite toujours dans ses interviews, dans ses albums. Il m’avait aussi cité dans sa liste sur « Till I collapse ». Aujourd’hui, il fait des albums que tout le monde veut entendre, mais « Off the wall » c’était vraiment à ses débuts. L’enregistrement de « Off the wall » c’était un grand moment. Il y avait une putain de bonne vibe et aucune animosité entre nous. L’esprit du truc, c’était plus « Je sais pourquoi tu es là, et je suis là, moi aussi. » Big up à Eminem.

Redman ft. Method Man – « Whateva Man » (Muddy Waters, 1996)

R: Celui-là, c’est un des premiers morceaux que j’ai fait avec Meth’. En fait, le premier c’était sur « Doc’s da name » [NDLR : On soupçonne notre Funk Doctor d’être un peu fatigué sur le coup, vu que Doc’s da name est sorti après le génial Muddy waters.]

L’esprit du clip avec toute cette histoire autour des Blues Brothers déboîtait. On est les putains de Blue Brothers du rap. Le clip avait été réalisé par Diane Martel qui cartonne toujours aujourd’hui, et qui à l’époque était encore un cran au-dessus. Elle avait eu cette idée, et le clip était mortel. C’est à partir de ce moment qu’on a vraiment débuté ces conneries de Meth & Red.

Je sais qu’on répète ça constamment mais il y a une putain d’alchimie entre nous. Un truc inexplicable. On fait chacun notre bout de chemin dans notre coin, mais quand on se retrouve tous les deux, ça donne un truc énormissime. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi, ni comment. C’est comme ça. Ça fait un moment qu’on traîne ensemble et je crois que ça nous a permis de rester à la page. On dit qu’on s’en sort toujours mieux à deux que tout seul. Pour le coup, c’est très vrai.

IAM ft. Redman – « Noble Art » (Revoir un printemps, 2003)

R: Je me souviens très bien des moments passés avec toute l’équipe, et je me rappelle super bien de ce morceau. Ils étaient venus à New York et il y avait une très bonne ambiance quand on a enregistré le morceau. Ils fument beaucoup les mecs ! [il se marre] Mais vraiment. Non, on a passé des bons moments. Le titre était mortel mais je n’ai jamais vu le clip au final. Je n’ai jamais eu de mauvais retours sur ce titre. C’était bon esprit.

MC Eiht ft. Redman & Spice 1- « Nuthin’ but the gangsta » (We come strapped, 1994)

R: Au départ, on voyait les rappeurs de New York comme ceux qui arrivaient avec des sujets super sérieux et les gars de la côte ouest comme des gars plein d’humour. Moi, j’ai toujours eu cet esprit West Coast même si je ne viens pas de L.A.

C’était tranquille à l’époque, avant cette guerre Ouest/Est. Quand j’ai commencé à venir sur la côte ouest, j’allais souvent du côté de Compton. Je me sentais vraiment bien là-bas, j’avais plein de contacts avec des rappeurs du coin et on a commencé à monter des trucs ensemble. Avec des mecs MC Eiht, mon pote Mellow qui était signé chez Def Jam… On était putain de proches. MC Eiht était venu, tranquille, on avait bien fumé et ensuite on a enregistré le morceau. C’est cette fois-là que j’ai rencontré Snoop, les mecs de Luniz… Ah, et j’ai même enregistré un titre avec eux ! Je l’avais oublié celui-là ! [rires] On avait fait le clip aussi, et j’avais rencontré des rappeurs de la Bay Area. C’était cool tout ça.

Redman ft. Method Man, DMX & Limp Bizkit – « Rollin » (Fast & Furious soundtrack, 2001)

R: J’étais là-dessus moi ? Ah, ouais, « Rollin » ! Nick m’avait appelé, il voulait que je sois sur ce morceau. Il avait déjà fait un titre avec Meth’ et il me connaissait déjà plus ou moins grâce à lui. Cet enculé de Meth l’avait joué « Yo, je dois aussi être sur ce putain de morceau ! » Du coup, quand j’ai enregistré, je l’ai appelé et il est venu au studio. On a fait le morceau tous les deux mais je n’avais pas encore entendu le couplet de DMX. Il l’a fait dans son coin. On a ajouté les nôtres et voilà, le morceau était bouclé.

Je m’intéresse toujours à l’univers du cinéma mais aujourd’hui, je veux faire de la réalisation. Je veux diriger des films et j’ai un paquet d’idées pour ça. Je pourrais faire des sketches, des courts métrages… On m’avait proposé des trucs comme ça, pour voir si je voulais me lancer là-dedans. Ouais, j’ai l’intention de gérer des films et de faire de la télévision. Et j’ai envie de me pencher là-dessus très sérieusement. Je veux être le mec dans les coulisses qui dirige tout ça.

Redman ft. Luniz – « Hypnotize » (Lunitik Music, 1997)

R: C’était à l’époque où j’avais les couilles de rapper et de produire des morceaux. J’avais même fait un remix pour EPMD à l’époque. Personne ne savait qu’il venait de moi ce remix mais il défonçait bien. J’étais dans un esprit « Je gère tout ! ». Je pourrais toujours faire ça aujourd’hui mais les choses ont bien changé. Pour être un producteur reconnu, faut que tu bosses énormément. Ouais, si tu veux faire les gros titres, faut que tu y consacres toute ton énergie et aujourd’hui je n’ai plus le temps pour ça. La production c’était juste une autre façon de m’amuser.

A : Ce soir tu vas jouer les DJs à Paris… [NDLR : l’interview a eu lieu le samedi 11 septembre] D’ailleurs ton premier surnom c’était Cut Killa – ça rappelle vaguement quelque chose ! Comment tu présenterais ton approche du deejaying ? Tu joues encore régulièrement le DJ ? 

R : Je fais vraiment ça pour le fun, et franchement je ne m’entraine plus pour ça. Ça bouffe trop de temps, particulièrement si tu veux faire des passe-passe un peu spéciaux. J’ai avant tout envie de passer de la bonne musique et de la partager avec le public.

J’ai fait quelques soirées à l’étranger et le public ne me lâchait pas les couilles ! [rires] Non, sérieusement, tout le monde a adoré les soirées que je peux animer et mon pote Carlos a commencé à bosser sur autre chose qu’une soirée où je suis sur scène à rapper. Je me suis dit que ce serait cool aussi de faire des after parties et on a eu pas mal de propositions. Puis, de plus en plus. Et maintenant c’est P.O.B ! P.O.B pour « Party On Blast ». P.O.B, c’est l’autre face de Redman, et ça n’a rien à voir avec Redman, Method Man… c’est juste P.O.B.

A : Tu as un album solo qui arrive ?

R : Oui, mon prochain album s’intitule « Reggie ». Il devrait sortir en novembre prochain. Je vais en profiter pour mettre en avant Gilla House, mon crew. Tu vois le mec là-bas, c’est mon neveu ! [NDLR : il montre un des gars qui forme son entourage] Il a un album de prêt et son single va sortir début d’année prochaine. Gilla House c’est mon équipe, et on a plein de trucs qui vont sortir. De la musique, des films, plein de trucs….

A : Quels sont les producteurs de ton album ?

R : Pas mal de mecs d’un peu partout, notamment d’Europe. Mon pote Nastykutt qui vit en Norvège. Il avait déjà produit « City lights » sur The Blackout 2. Ce morceau avec Bun B était vraiment mortel. « Coc Back » le single, était produit par mon pote d’Amsterdam : ThreeSixty. Je n’ai pas de producteurs français sur l’album, pourtant j’aimerais bien ! Faites-moi écouter vos sons les mecs.

A: Tu as vendu un paquet d’albums dans ta carrière. Aujourd’hui, ça devient très compliqué de vendre des disques. Le business model se casse franchement la gueule. Quel regard tu portes là-dessus ?

R : C’est assez simple. Je suis avant tout un énorme fan de hip-hop. Je suis content que l’industrie musicale et que le hip-hop soient toujours en vie. Comme je suis content de voir des rappeurs sortir des rues, sortir de taule et commencer une carrière musicale. Au final, il n’y a pas des millions de façons de réussir. Voir que le hip-hop file du boulot à quelques mecs, ça me fait toujours très plaisir.

Mais le respect aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que c’était dans les années 90. Je suis franchement content d’être arrivé à cette époque-là. Les années 90 sont la meilleure époque du hip-hop, je te le dis, ça combinait les années 80 et la nouveauté. Et tu sais, dans une famille de trois enfants, être le second c’est toujours quelque chose de particulier. On était vraiment à part. Aujourd’hui, la musique est très associée au business. Dans les 90’s, on avait vraiment des limites. Si tu ne défonçais pas au micro, tu ne représentais pas le hip-hop à fond, et tu ne pouvais pas prendre le micro. Aujourd’hui, tu peux débarquer de nulle part, avoir un morceau cool et être au sommet du hip-hop. Ouais, c’est juste du business. Franchement, le respect se perd.

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