L’odyssée d’Oldpee
Interview

L’odyssée d’Oldpee

Suite à une glorieuse aventure en groupe et des débuts prometteurs en solo, Oldpee sort sa première mixtape Je m’appelle Sidi. Discussion avec un passionné de musique avant tout.

Photographies : Camulo James pour l’Abcdr du Son

La trap, le piège. Oldpee a longuement navigué entre les deux, plus commandant Cousteau en eaux troubles que marin d’eau douce. Que ce soit dans la musique ou dans la street, la débrouillardise est le maître mot dans une poudrière où les allers-retours en prison marquent une génération. Déterminé à ne pas rester le produit de son environnement, Oldpee laisse peu à peu la musique remplacer la rue accompagné de ses acolytes Stavo, Zed et Zefor. C’est au nom de 13 Block que l’équipage sevranais prendra d’assaut la trap française à partir du milieu des années 2010 avec des mixtapes à haut potentiel corrosif (Violence Urbaine Émeute, ULTRAP, Triple S), avant de sortir leurs blockbusters BLO et BLO II.

Les quatres mousquetaires continueront de tracer leur sillon séparément, phase inéluctable dans la vie d’un groupe sans pour autant annoncer la fin de 13 Block. Pour développer au mieux sa carrière solo, Oldpee reste à la maison et choisit V2V Industry, le label fondé par DA Uzi en 2018. Le rappeur alimente sa chaîne Youtube de freestyles et améliore sa recette déjà bien complète avec un flow singulier et des gimmicks bien particulières. Après deux EPs, Oldpee avait l’envie et le besoin de faire découvrir au public son univers à travers un plus long format. Échange sur une trajectoire authentique rythmée par la fraternité, la trap et la cité.


Abcdr du Son : Tu es d’origine congolaise et martiniquaise, un fort héritage musical. Est-ce qu’il y avait de la musique déjà bien présente à la maison durant ton enfance / adolescence ?

Oldpee : De fou ! Chez la daronne, c’était le côté antillais donc c’était du zouk qui tournait et chez le daron, c’était rumba congolaise. Je n’aimais pas les deux. Quand j’étais petit, je ne supportais pas. Tu connais les dimanches quand la daronne fait le ménage avec la musique à fond. Ça me foutait la haine de fou ! [rires] Quand je réécoute certains sons aujourd’hui, j’aime bien, ça me rappelle mon enfance. La première personne qui m’a fait kiffer le rap c’est ma grande sœur. Elle kiffait grave Eminem. Après je suis passé par Dr. Dre, 50 Cent, 2Pac, c’est barré en couilles.

A : À l’époque de 93Gang (duo composé de Oldpee et Stavo), tu rappes énormément sur des sonorités à l’ancienne. À quel moment tu passes à la trap ? 

O : Nous on faisait des trucs à la Mobb Deep à la base ! Je passe à la trap avec Waka Flocka. Je ne savais pas si beaucoup de gens allaient me suivre dans ce délire. Je rappais avec Stavo. [Il réfléchit] En fait on a toujours tous rappé ensemble. Stavo à l’ancienne, il rappait avec Zed. Et on a tous rappé avec Zefor, tu vois. Et la seule personne qui pouvait me suivre sur la trap c’était Zed. Je l’ai appelé, je lui ai dit « t’es chaud on fait un son dans ce délire ? » On a fait « Crible de balles le préfet » et un remix mais il n’est jamais sorti. À partir de là, c’est barré en couilles. On faisait encore des sons Mobb, on les kiffait mais on kiffait plus la trap. En fait, à la base on s’appelait Block 13, on était six. Il y en a deux qui sont partis, le côté Mobb. Donc il ne restait plus que le côté trap. On a inversé Block 13 pour devenir 13 Block.

A : Un street cd La frappe c’est cher mais la famille c’est plus cher est produit. Il se vend directement dans la rue à La Roseraie. Est-ce que le Ghetto Fabulous Gang a eu une quelconque influence sur toi ? 

O : Eh t’es chaud de fou ! [rires] Ghetto Fab de fou ! Je kiffais trop et la personne qui m’a mis à fond dedans, c’est Stavo. On rappait déjà en mode indépendant. On voulait faire nos propres cds, les vendre nous-mêmes on était déter’. Stavo avait les filons. Moi je bossais plus les covers. Quand on faisait des freestyles, c’est moi qui les montais. Stavo était plus dans la distrib’ de t-shirts, ce genre de choses. C’est un truc qui est resté même avec 13 Block, c’est nous qui nous occupions de trouver la bonne personne pour le merch’.

A : Comment tu passes de Pékao à OldPee ? 

O : T’es fort, t’es fort ! [rires] On a fait un renversement. Genre le blaze de Zed avant c’était Croco. Zefor c’était Zecat, renversement. Moi c’était Pékao, renversement, OldPee. Stavo c’était Zhédess ou Zayko, renversement, Deusté et encore renversement Stavo. On se renverse trop, c’est des verres qui se remplissent et qui se renversent.

A : Dès le début, tu arrives avec une musicalité singulière. Comment tu conçois tes morceaux à cette époque ?

O : On a toujours été grave instinctifs, on ne réfléchit pas. Ce que l’on pose, c’est ce que l’on vient de voir. Il y a bien sûr des moments d’enjolivement. Mais on racontait beaucoup ce qu’il se passait autour de nous. On voulait faire de la trap française sans être trop matrixés pour que ça reste assez vrai. Mais quand je réécoute, je me trouve archi guez sauf dans certains sons.

A : Dans « Relève », morceau de votre premier projet XIII, tu disais : « On est le futur mais pas la relève. » Quelle différence tu fais entre les deux ?

O : C’est complexe. À la cité, quand on était jeunes, tous nos grands étaient au shtar donc on ne se considérait pas comme des petits. Même mon blaze OldPee, j’étais matrixé à l’américaine mais j’allais pas mettre Lil au début de mon blaze, je ne suis pas un Lil donc OldPee. On est la relève de personne, demain c’est nous. Après, ça peut être à double tranchant de ne pas avoir de grands. Ça peut te rendre mature plus vite mais tu peux flamber aussi, tu vas croire que t’es un grand alors que t’es qu’un morveux. Ça peut te rendre insolent. Il faut respecter ses aînés.

A : On identifie vraiment 13 Block dans le milieu avec Violence urbaine émeute qui sort avec le label HotDefff Records. Qu’est-ce qui change à partir de ce moment-là ? 

O : Avant, on rappait entre parenthèses. On avait notre vie à côté. Le changement a été le fait qu’on pose sur des faces A et qu’on ait des gros clips. Au début, on ne sentait pas qu’on était signés. Parce qu’on allait au studio, on retournait à la cité, on ne faisait que ça. Donc on avait pas conscience que nos sons tournaient au-delà de notre secteur. Je sais qu’à partir de ce moment-là, on s’est donné des paliers à atteindre. Par exemple, la personne qui niquait tout au niveau des prods à cette période c’était Therapy. Donc nous on voulait absolument poser sur une prod de Therapy, on l’a fait. Pour le merch’, on ne mettait aucune autre marque que la nôtre, on ne mettait que nos vêtements. On s’était dit que si on mettait une autre marque ce serait par rapport à un deal et on en voulait un avec Nike. Par la suite, Nike ne nous a pas proposé de vrai deal mais on a eu des partenariats avec eux. À chaque album, on avait nos paliers. Le dernier c’était de certifier « Fuck le 17 » et « Tieks » en featuring avec Niska.

A : Tu te mets aussi des paliers à atteindre depuis que tu es en solo ? 

O : De fou ! Par exemple, avant de sortir la mixtape, j’avais vraiment envie de sortir des trucs. Je rappe mais je suis aussi un auditeur et j’ai remarqué qu’il y a des mecs qui sortent beaucoup de morceaux et qui sont attendus même si tu ne les vois pas. Quand ils sortent leur premier vrai opus, ça cartonne parce que les gens l’attendaient. Moi je ne voulais pas qu’on m’oublie après les deux BLO donc j’ai sorti énormément de freestyles. J’étais pas chaud pour le premier EP, je n’étais pas encore bien sûr de moi. Des fois, tu as besoin que ce soit les gens de ton entourage qui te parlent pour que tu t’ouvres. Quand j’ai vu le bel accueil du premier EP, ça m’a donné un peu plus de confiance. Donc un de mes paliers a été de vouloir sortir une mixtape de fou avant la fin de l’année.

A : Comment t’es venue l’idée du refrain de « Vrai négro » qui est un des morceaux phares du groupe ? 

O : [Il réfléchit] C’était le premier son où on voulait chanter. Le son était trop mignon. [rires] On faisait beaucoup de freestyles dans les voitures. Avec Zed et Zefor, on en avait fait un où on disait toutes les origines dans le refrain et « Vrai négro » est sorti. Nous en studio on délire beaucoup et des fois les refrains viennent sur des trucs de zimba comme on dit chez nous. « Ils sont là les vrais négros. » [Il chante] Je me suis dit « la tête de oim je le fais au refrain ». Dès qu’on a fait le son, on était très contents. Même l’ingé son avec qui on était nous a dit qu’il était très lourd. Sur le moment on n’y croyait pas, on pensait que les gens allaient se moquer de nous. Quand on le faisait en concert, il pétait sa mère le son. C’est des drôles de surprises. Comme je te disais, on ne sortait pas, c’était studio, cité, studio, cité. Nous on pensait que c’était les sons où on bougeait comme des gue-din dans les clips qui tournaient. Des fois, c’est même pas ça. « Vrai négro » ressort toujours.

« On voulait faire de la trap française sans être trop matrixés pour que ça reste assez vrai. »

A : Qu’est-ce que ça fait d’avoir un premier album (BLO) certifié disque de platine ? 

O : C’est stylé. C’est une fierté, c’est comme un diplôme ! Pour tous les membres du groupe je pense. Nous on a que le permis de conduire. On redémarrait de zéro même si Triple S nous avait aidés. Pour Triple S, on s’était ouverts. Pour BLO, on s’est beaucoup recentré sur nous quatre même s’il y avait le manager et la maison de disques bien sûr. La plupart des sons qu’on a fait, c’était instinctif, c’était nous, on a suivi aucune direction artistique. C’est le dernier projet du 13 Block en mode instinctif. Dans BLO II, c’était comme ça mais on préparait déjà nos suites en solo. Dans BLO, quand on fait « Petit coeur », c’est nos habits, les scénos on les écrit avec Zed en voiture avant d’aller en répétition, « Zidane », on s’est occupés nous-même d’appeler tout le monde à Vran-Se pour faire le clip. C’est pour ça que BLO est plus une fierté que BLO II même si il est certifié aussi. BLO II est plus individualiste. À part sur deux, trois sons, on est pratiquement jamais les quatre ensemble. Triple S a permis au gens de bien connaître le groupe. À BLO, les gens ont bien retenu le blase des gars du groupe. À BLO II, ils ont compris l’univers de chacun, « Stavo il est comme ça, Zefor il est comme ça, Zed il est comme ça, Oldpee il est comme ça .» Il faut savoir qu’avant Triple S, on avait déjà un album coffré mais il n’est jamais sorti. Comme par hasard, dernièrement je suis retombé sur les sons. J’ai cru que j’allais me faire pipi dessus, c’est une dinguerie. [rires] Ça faisait trop chelou. On dirait qu’on avait mélangé Triple S et BLO.

A : Mais c’est une dinguerie ce que tu dis là !

O : Ah ouais ouais, l’album il est lourd ! Tu connais avec Internet, peut-être qu’un jour ça va fuiter…

A : Comment as-tu vécu les censures pour « Fuck le 17 » et dans le même temps que ce morceau cartonne en concert ? 

O : Je ne l’ai pas pris mal plus que ça parce que le son tournait déjà. Avant qu’on annonce la sortie du projet, on faisait déjà le son en concert, à la Yard, tout ça. Les gens connaissaient déjà et le son a été censuré six mois après à la sortie, c’était déjà mort. Tu veux mettre des bâtons dans les roues mais le mal est déjà fait. Même censuré, il a été certifié, le combat est gagné. Quand on a fait le son, on voulait qu’il se passe ça, on était en mode NWA, on voulait avoir des problèmes avec les keufs. Mais quand ça s’est réellement passé, c’était relou. Et il y a des gens qui n’ont retenu que ça qui ne nous connaissent pas. Quand ils nous voient, « fuck le 17, fuck le 17. » Une fois, en concert, Stavo a embrouillé un gars pour ça : « attendez les gars, wesh cousin, fuck le 17, fuck le 17, vous êtes des gue-din, y a d’autres trucs aussi », il a commencé à péter les plombs. [rires]

A : Est-ce que des proches ont pu changer de comportement envers toi suite au succès ? Il est souvent question de trahison dans tes thèmes abordés.

O : C’est la vie qui est comme ça. Dans la musique, il y a le succès mais demain t’es avec tes potes, tu traînes tous les jours avec eux. Tu trouves une petite racli, tu trouves un taff, tu trouves un appartement, tu les vois moins, il y en a qui vont comprendre, d’autres non. C’est à peu près la même histoire. La musique, c’est beaucoup un truc de jaloux. Les gens pensent que t’es riche parce que t’as un disque d’or, ils te voient avec des nouveaux vêtements ils pensent que c’est les tiens alors que des fois c’est le styliste. Les gens te jugent à l’apparence. C’est sûr qu’il y a des gens qui ont changé mais je pense qu’il y en a qui avaient changé bien avant. 13 Block, on était que entre nous quatre, on avait notre vie donc on ne voyait pas forcément les conséquences du succès autour de nous. Même moi tout seul je ne le vois pas, je marche partout. Mais je sais qu’à un moment donné si je pète à mort, je ne vais pas aller à quinze heures sur les Champs. Les gens qui vont rester sont ceux qui ont la même vision de vie que toi, qui n’ont rien à t’envier, ceux qui vont te laisser sont ceux qui n’avancent pas.

A : BLO II bénéficie d’une image encore plus léchée que l’album précédent. Comment cela s’est travaillé ? 

O : Après BLO, la maison de disques veut pousser le truc. Le clip avec Niska, gros budget. « Babi », c’était plus esthétique en termes d’images aussi.

« Il faut savoir qu’avant Triple S, on avait déjà un album coffré mais il n’est jamais sorti. »

A : En parallèle, tu fais tes premières armes en solo en apparaissant dans divers projets d’autres artistes et en sortant « Fer », ton premier gros morceau solo quelques mois avant la sortie de BLO II. Qu’est-ce qui change dans la conception de ta musique ?

O : Dans ma tête, je m’étais fait un reset. J’étais sur ma voie à me barrer en solo, je ne savais pas où j’allais mais je voulais me faire remarquer avec une stabilité musicale. Dès que j’ai signé avec V2V, je me suis trouvé. Quand tu sors d’un groupe, vu que tu comptes sur tes potes, tu as l’impression de ne pas te connaître, tu ne sais pas trop ce que les gens kiffent chez toi. Avant de sortir mon premier EP, ça faisait déjà un an ou deux ans qu’on taffait, j’avais grave des sons. Mais en réécoutant certains sons, je n’avais pas l’impression que c’était moi. Un jour je vais au studio, je suis avec des mecs de l’équipe qui me disent : « tu te prends grave la tête quand t’écris, les gens ce qu’ils kiffent, c’est ça, c’est ça. » Je me suis dit « de ouf, je suis en train de faire des trucs, ça se voit que ce n’est pas moi donc je vais rapper comme je veux, comme j’ai toujours eu envie de rapper. » On dirait que c’est là que j’ai retrouvé l’amour de poser. Parce qu’à un moment donné je posais mais je me disais qu’il fallait que je chante, je n’avais plus envie de faire de sons trap parce que c’était trop facile alors que c’est ce que je kiffe. Donc pour les morceaux des EPs et de la mixtape, je n’ai jamais réfléchi, je n’ai fait que des sons que je kiffe. Après je ne suis pas le seul à choisir, on est tous ensemble. En tout cas, il n’y a pas un son des trois projets que je n’aime pas. Je les aime tous. Il y a peut être des sons auxquels j’étais réticent et qu’en fait après écoute, je les trouvais grave stylés. Quand je le fais, je le fais naturellement. Je ne me dis pas par exemple « là, il faut que je fasse de la mélo. » Je le fais instinctivement. En fait, je me suis retrouvé en moi-même. Je ne me suis posé aucune question, si je kiffe le son, les gens vont kiffer. Le truc qui m’a fait remarquer qu’on dirait je n’ai pas changé de ligne directrice, c’est quand je suis retombé sur les sons enregistrés entre Triple S et l’album perdu, je me suis dit que les sons pouvaient sortir aujourd’hui sauf que la voix n’est pas la même mais je revendique les mêmes choses. Et ça suit dans BLO et BLO II. L’essentiel pour un artiste, c’est de ne pas se perdre et moi je trouve que je ne me suis pas trop perdu.

A : Ta signature solo chez V2V Industry (label fondé par DA Uzi) est annoncée avec le morceau « 123 ». C’était important pour toi de rester dans la famille sevranaise ?

O : Ouais, quand même ! Enfin, pas n’importe quels Sevranais. Parce que si j’avais été avec des Sevranais que je ne connais pas, ça n’aurait pas été la même chose. L’entourage de V2V, je les connais. C’est pas comme si je ne les connaissais pas et qu’à un moment on peut s’embrouiller. On est de la même cité, c’est comme quand Zed signe avec LDS [label fondé par le producteur Diosang en 2017, NDLR]. Pour nous, les mecs de Vran-Se, c’est la meilleure chose qui ait pu nous arriver. T’as vu, les labels tout ça, des fois c’est des babtous qui te gèrent, tu les connais pas, ils s’en battent les couilles. Ça nous rendait gue-din des fois. Il y a certaines choses que les gens ne vont pas comprendre. Quand tu grandis, il faut toujours que t’aies ce truc qui te rappelle ton cocon. Il faut que t’aies des gens qui puissent te rappeler d’où tu viens. Des fois, je suis concentré sur moi-même, je peux avoir tendance à oublier le « blo. » Si j’étais allé autre part, je ne pense pas que j’aurais fait les deux EPs et autant de clips. On a fait du chemin pour arriver jusque là. C’est le noyau, c’est important.

A : Ensuite, tu enchaînes très vite avec tes deux premiers EPs WSHHH et SDK. Quels ont été les retours ?

O : J’ai eu des bons retours mais on a pas fait la même promo pour WSHHH et SDK. Le premier EP était un peu plus large, j’avais des featurings dessus, il y avait Josman, Hamza et Green Montana. Le deuxième c’était très sous-sol, underground, c’était que de la trap. Les mecs qui n’aiment pas trop les vibes du morceau avec Hamza [« À TON AVIS ? », NDLR] ont kiffé SDK. Après je me suis dit, même si le deuxième EP ne fait pas trop de bruit, j’ai envie de le sortir, c’était un plaisir personnel. En préparant la mixtape, j’ai vu qu’en fait il y avait grave des morceaux à moi qui tournaient. Au début, je me disais peut-être que les gens sont passés à côté alors qu’en vrai y en a qui écoutent. Des fois tu peux être surpris des sons que les gens écoutent. Dernièrement, j’ai grave reçu des snaps de « TOUT D’ABORD » et de « SIDIBOO » alors qu’ils sont sortis l’année dernière, c’est grave stylé. Ça veut dire que ça tourne, que je touche ma cible.

« Quand tu grandis, il faut toujours que t’aies ce truc qui te rappelle ton cocon. Il faut que t’aies des gens qui puissent te rappeler d’où tu viens. »

A : Tu sors ta première mixtape solo Je m’appelle Sidi. J’ai l’impression que tu as voulu faire évoluer ton style, il y a certains morceaux où l’on peut penser que tu es en featuring juste avec le changement de ta voix dans des morceaux comme « Escorte », « Cette soirée-là » et « X4 » notamment.

O : Je suis instinctif, je n’essaie pas de comparer mes différents projets mais par exemple sur les morceaux que tu m’as cités, sauf « Cette soirée-là », j’ai voulu refaire les trucs de 13 Block, tu sais quand tu pars en solo, c’est comme ça, tu vas à droite à gauche. Après c’est comme un footeux, plus tu vas à l’entraînement, plus tu fais de matchs, plus tu deviens performant. Je trouve que je me suis trouvé avec cette mixtape. Avec les autres, je ne dis pas que je ne me suis pas trouvé, je voulais montrer ce que je savais faire, que j’étais toujours là et que j’étais ouvert aux featurings pour le premier EP WSHHH. Par exemple, un son comme « Cette soirée là », je n’aurai pas pu le sortir à l’époque de WSHHH, les gens n’auraient pas compris. Step by step. Dans le deuxième EP, j’ai voulu faire que de la trap pour montrer que je n’avais pas changé. Dans la mixtape, c’est tout moi. Parce qu’au début, les gens vont me voir comme un trapper alors que moi je suis un rappeur. Je crois qu’il y a plus de sons rap que trap. Après pour moi, rap et trap c’est la même chose. Quand je te dis rap, je te parle de « Condamné », « Sidi », « Fin » ou du son avec Dinos et Zed [« Tant de signes », NDLR]. C’est ce truc-là que j’avais envie d’amener aux gens parce que quand tu restes dans une catégorie de sons, tu n’avances pas. Je n’ai pas envie que les gens disent juste que je suis un trapper mais que je suis un artiste.

A : « Il me reste des souvenirs, ceux de la belle époque qui se mélangent avec toute la peine que j’évoque. » Est-ce que tu es quelqu’un de nostalgique ?

O : De ouf ! Il faut savoir d’où tu viens pour savoir où tu vas. Pour être quelqu’un demain, il faut déjà savoir qui t’es aujourd’hui. Le moment où j’écris cette phrase, je me rappelle des anciens délires et souvenirs.

A : « Fin » sonne comme les dernières vibes de Detroit et Flint. C’est une scène qui t’influence ?

O : Je ne sais pas si il fait de la Detroit mais je kiffe beaucoup Mozzy. Il a fait un featuring récemment avec un mec que j’aime beaucoup, il a des locks aussi [Shordie Shordie, NDLR]. Par contre, des fois je peux écouter des sons de Mozzy mais je ne me vois pas dedans. Quand t’entend « Fin », c’est pas rodav que c’est de la Detroit parce que je l’ai pris comme une prod grave mélancolique.

A : Du coup, tu es plus trap d’Atlanta ou bounce du Michigan ?

O : Tu connais, je suis toujours ATL, ça ne change pas ça ! [rires] Moi je suis un baisé de la musique, je peux saigner un son pendant un moment, mais ça ne va pas forcément me donner envie de faire la même chose. C’est comme la jersey, quand c’est arrivé, je kiffais mais je ne me voyais pas en faire. Il y a un mec qui s’appelle 2Rare qui a fait un son avec Lil Durk [« Q-Pid », NDLR] et à partir de là je me suis dit que tout le monde pouvait le faire. Un jour on va en studio, je bloque sur une instru qui sonne jersey mais un élément me dérange. Donc on modifie la prod et ça a donné le son jersey de la mixtape. [« Qui T’es », NDLR]

A : Avec quels beatmakers aimes-tu travailler ? 

O : Sur la mixtape, c’est un mélange parce qu’il y a des sons que j’ai fait en même temps que l’EP SDK. C’était un séminaire où il y avait grave des beatmakers. La seule personne que je regrette de ne pas avoir sur la mixtape et les autres projets, c’est Ikaz. Parce que sinon, j’ai fait des sons avec Binks Beatz, DST, Amine Farsi, Tarik Azzouz entre autres.

A : Sur une des photos de l’album faites par Fifou, on aperçoit un vinyle de Public Enemy (Night Of The Living Baseheads). C’est un groupe que tu as beaucoup écouté ? 

O : Franchement, je n’ai pas écouté Public Enemy plus que ça, c’était plus pour la déco ! Mais je connais, je les ai connus avec Flavor Flav, je me demandais c’était qui ce mec chelou avec une horloge, grand respect pour le travail. J’étais plus NWA.

A : Je trouve que la collaboration avec So La Lune sur « Tranquille » fonctionne à merveille. Comment s’est faite la connexion ?

O : C’est une dinguerie parce que de base je ne le connaissais pas. Pourtant je suis un mec qui écoute tout mais So j’écoutais pas. Je voyais quand même son blase passer. C’est un mec de l’équipe qui m’en a parlé. On va au studio mais moi je ne connais pas donc je suis un peu gêné. Donc j’écoute ses sons avant d’aller au studio, je comprend pas trop, je me demande quel genre de son on va faire. Dès que je suis en studio avec lui, on s’entend grave bien, il est grave niya, il est trop stylé. On parle, on parle. Le truc que j’ai retenu de lui c’est sa voix qui est chelou mais stylée de baisé. Au début, je ne savais pas sur quoi on allait partir donc on a fait chacun nos couplets et quand j’ai entendu son couplet, je me suis dit qu’il fallait qu’on fasse un refrain de fou. Il trouve une topline bizarre qui me rappelle un son de zouk donc j’ai l’idée de faire le passe-passe comme on l’a fait et j’ai grave kiffé le son. Ce n’est qu’après ça que j’ai grave entendu parler de lui. Genre je suis avec Zed en gov’, je lui dis « tu connais So la Lune ? », il me dit « ouais je le connais, en plus je viens de faire un son avec lui, il a fait un son avec SCH aussi. » Donc après je me suis mangé ses sons, je suis un gue-din de ne pas avoir écouté avant. En plus, on sort nos projets le même jour, méchant de fou.

A : Tu as l’habitude de faire beaucoup de clips. Ce sera le cas pour Je m’appelle Sidi ?

O : Franchement, je ne crois pas. J’ai beaucoup envie de laisser la musique parler. Là tout de suite, c’est comme ça que je vois le truc. La rareté c’est bien des fois. Si tu remarques bien, plus les gens prennent du level, moins tu les vois. Quand ils arrivent avec un clip, c’est un événement. Imagine si je sors un clip toutes les deux trois semaines, les gens vont plus pouvoir voir ma gueule, ça va les saouler. Mais il y a quand même deux trois clips qui arriveront.

A : On a pas l’habitude de t’écouter sur des morceaux introspectifs, tu le fais dans le dernier titre de la mixtape, « Sidi ». Ça a été facile de le faire ? 

O : Trop facile. De base, je suis un rappeur, je sors de cette école. Les morceaux introspectifs, je m’en suis mangé à mort. Tu ne vas pas raconter toute ta vie en interview, ça passe par la musique. « Sidi », c’est le son le plus ancien de la mixtape qu’on a enregistré. J’étais avec Amine Farsi, on avait un petit local à Montreuil. Pour l’anecdote, j’avais guetté un freestyle de Guy2Bezbar dans une gov’. J’avais kiffé sur l’instru, je voulais qu’Amine essaye de me la trouver, on ne l’a pas trouvée donc il en a fait une dans le même style. Bam, j’enregistre, je fais le premier couplet comme ça. Quelques jours après, je retourne au studio, je fais le son entièrement. Après ça, on arrêtait pas de se dire qu’il fallait le sortir le 19 décembre. Ça fait deux ans qu’on doit le sortir le 19 décembre. [rires] À la base, le morceau s’appelait « Date de naissance ». Le moment où on terminait la mixtape, je me disais qu’il fallait qu’on le refasse bien. Amine vient avec Tarik Azzouz. Ils ont fait une mélodie au piano, j’ai pété les plombs ! On a tout enlevé ce que j’avais fait au début, je voulais tout re-poser. Je vais au studio à vingt-heures, à vingt-heures quinze, j’avais fini d’écrire. Je montre au poto, il me dit « va poser, ça me donne des frissons. » Je suis allé, BAM. Je ne sais pas si c’est le son le plus lourd mais pour moi c’est mon meilleur son parce que ça joue avec les émotions. Si je le fais écouter à quelqu’un de ma famille, la personne peut pleurer.

A : C’est là où ça marque les gens.

O : De ouf ! J’ai fait écouter à deux trois personnes, les gens se taisent quand ils écoutent. Je ne veux que ça. Il y a des sons, t’as envie de tout écouter sans parler. Comme dans « 3h36 », [issu de l’album BLO de 13 Block, NDLR] j’aime bien raconter. Ça ne veut pas dire que je vais devenir un rappeur conscient mais les mecs comme Kery James, je les ai écoutés à mort.

A : Est-ce que la rue est encore très présente dans ta vie ? 

O : Pas comme avant, c’est sûr. Mais je pense qu’elle sera toujours présente. J’ai toujours des potos qui sont dans le truc. Je ne suis pas à l’abri de te dire qu’il y a un pote à moi qui est bé-tom. Tu vois, j’envoie toujours des trucs aux gens au shtar. Je ne suis plus comme avant dedans, heureusement. Mais la plupart des gens de mon entourage sont dedans, que ce soit Sevran, La Courneuve, Pierrefitte, partout. Mais je pense que c’est pareil pour tous les mecs qui rappent et qui sont vraiment de la calle. Tu as toujours des trucs qui te rattrapent. Moi je n’ai pas envie de remettre un pied là-bas. Je ne sais plus au moment de quel projet c’était, BLO peut-être, j’avais encore des soucis avec la justice, des fiches, à l’aéroport on m’arrêtait, c’était relou. Depuis que j’ai réglé mon histoire avec ma fiche, les trucs comme ça, je n’ai plus d’affaires sur le dos, c’est loin, je n’ai même plus envie. Mais je suis toujours au courant des trucs.

A : Qu’est-ce que tu dirais aujourd’hui au jeune Sidi qui te regarde dans le miroir sur la cover ? 

O : Sois patient, prends du temps avec tes proches, ta famille, choisis tes priorités et sois un homme parce que vu que je suis toi dans l’avenir, je sais ce qu’il va se passer. Aie une directive sinon tu vas vite te barrer en couilles.

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