Interview

Myd, à la croisée des genres

Épanoui au sein de l’entité collective Club Cheval, homme de l’ombre des hits de Alonzo et SCH, le producteur lillois Myd est définitivement un artiste discret. En novembre il sortait son morceau « No bullshit » avec Twice et Lil Patt, deux rookies d’Atlanta. L’occasion pour nous d’aller à sa rencontre.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir ton investissement actuel dans le rap, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours jusqu’à aujourd’hui ?

J’ai commencé la musique quand j’avais seize ou dix-sept ans, dans un groupe d’électro-rock à Lille, d’où je viens. Le batteur de ce groupe était Panteros 666 de Club Cheval, et assez vite j’ai rencontré les autres membres de Club Cheval. On avait en commun de vouloir faire des trucs un peu plus excitants que ce que l’on voyait à Lille, que ce soit dans la musique ou en général. On voulait être un peu plus innovants, et c’est autour de ça que l’on s’est rencontrés. On n’avait pas forcément les mêmes goûts, Sam était à fond dans le baile funk par exemple, Panteros était à fond dans la techno belge. On s’est quand même dit « tiens, si on se retrouvait ! », dans l’idée de créer, plus qu’un groupe de musique, un clan de gens pour se faire écouter du son, se donner des conseils et avancer ensemble. Moi ce n’est qu’en venant à Paris que j’ai commencé à bosser vraiment ma musique en solo. À Paris on a rencontré Tekilatex par hasard, sur des dates, on s’est hyper bien entendus avec lui et c’est lui qui nous a présenté à tout le monde en fait. Il nous a introduits entre autres auprès de Para One et de Surkin qui avaient à l’époque monté leur label Marble, sur lequel j’ai sorti mon premier vrai EP. Je faisais des études d’ingénieur du son à la FEMIS, et quand je les ai terminées, en 2011, on s’est lancés à cent pour cent dans la musique, avec les trois autres Club Cheval. C’est-à-dire que ceux qui avaient un taff l’ont quitté, et le fait d’être une bande de potes et de se dire qu’on arrêtait tout pour se lancer dans la musique, c’était encore plus excitant. On avance là-dedans, et on rencontre Brodinski qui a le même manager que nous, Manu Baron. Brodi a une vraie vision sur la musique qu’il veut faire et un rôle de directeur artistique mais techniquement, ce n’est pas un mec de studio, donc à l’époque on produisait pour lui et parallèlement on a commencé à faire notre album en tant que Club Cheval. Brodinski voulait aussi faire le sien, mais bosser à quatre dessus était un peu trop lourd, du coup il m’a proposé qu’on le fasse ensemble. C’était mon premier projet de production solo du coup. En parallèle, avec Club Cheval on avait rencontré DJ Kore pour notre album. On était allés le voir en se disant que l’on avait besoin d’un mec qui sache finir un album et écrire les chansons de R&B dont on rêvait et que l’on ne savait pas encore faire. Kore a trop kiffé le projet et on était devenus potes avec lui, et je l’ai embarqué sur le projet Brava. En même temps je sortais des EP sur Bromance, puis on a terminé Brava et l’album de Club Cheval, et après ces deux albums, vu qu’on s’était installés au studio de Kore, je me suis mis à produire avec lui du son destiné au rap français.

Par rapport à la musique de Club Cheval, on ne t’associe pas du tout à des influences rap, et tu ne les évoques pas non plus d’ailleurs. À quel moment tu t’es dirigé vers ce style ?

C’est Brodinski qui m’a mis le pied à l’étrier, et si on ne parle pas de mes influences rap, en particulier dans Club Cheval, c’est parce que je n’en ai pas. J’ai du rap autour de moi parce que j’écoutais la radio quand j’étais petit, mais c’était plus des tubes de 50 Cent, Eminem ou Snoop Dogg. C’était ça que j’avais en tête dans le rap, des trucs commerciaux, mais je n’ai jamais été un fan de rap. Quand j’ai commencé à faire l’album de Brodi, qu’il m’a dit qu’on allait faire du rap et aller à Atlanta, je n’avais jamais fait de hip hop. C’est lui qui m’a fait découvrir ce milieu, et j’ai aussi découvert à quel point c’était un genre créatif et innovant, dans la manière d’inventer à chaque fois des nouveaux flows, de poser sur des beats hyper nouveaux, ou de chercher les meilleurs producteurs. Quand je suis arrivé là-dedans et que j’ai produit du rap, ça m’a excité.

Mais si on en reste à ton niveau d’auditeur, hormis les hits tu n’avais aucune influence particulière dans le rap, même parmi les beatmakers ?

Si, quand j’aimais un hit de rap, je diggais à partir de là. Avant de rencontrer DJ Kore, on était fascinés par le côté hit. On était hyper excités par un mec comme Timbaland par exemple, on regardait toutes les vidéos possibles, pareil pour les Neptunes. Mais du coup ce n’était que des producteurs mainstream. C’est pour ça qu’on est allés vers Kore aussi.

Et en France, DJ Mehdi reste un artiste que vous avez écouté ou même pas ? Car c’est le premier nom qui vient en tête lorsque l’on pense à un rapprochement du rap et de l’électro, avec peut-être Tekilatex, qui reste plus confidentiel.

Tekilatex est plus confidentiel et a toujours été plus pointu. DJ Mehdi a réussi à faire des morceaux que tout le monde a écoutés, qui étaient quand même de bon goût, et que tous les DJ du monde ont joués en club. Quand il fait Carte blanche, cent pour cent des DJ ont joué « Gare du Nord » par exemple. Et oui, c’est une influence, après on ne l’a malheureusement pas connu, on l’a croisé quelques fois quand on est arrivés à Paris. Mais à travers Brodinski, je ressens un truc de DJ Mehdi aussi, qui l’a beaucoup influencé sur sa manière de faire de la musique, sur l’ouverture qu’il a. J’ai beaucoup écouté DJ Mehdi, le 113 aussi, et j’aurais beaucoup aimé le connaître, parce que je sais que l’on se serait entendus.

Comment se passe ta collaboration avec DJ Kore en studio ?

Ça va très vite. Déjà, Kore est très rapide et instinctif, et s’il y a bien un truc que j’ai appris de lui, c’est l’attention qu’il porte aux accidents. C’est-à-dire qu’il n’a pas une formule qu’il applique pour faire des hits. C’est tout l’inverse, il va me demander de lui faire écouter mes dernières démos de trucs techno, et ça va lui donner une idée pour repartir sur quelque chose d’original. Ou alors on va se mettre en studio quand on ne l’a pas du tout prévu, hyper tard le soir, qu’on doit partir et qu’on est morts, ou alors très tôt… Et c’est dans l’imprévu qu’il arrive à faire des vrais hits, parce qu’un hit ce n’est pas cheesy, plat et sans saveur, au contraire. Lui apporte l’émotion et l’ouverture, et il va chercher chez les gens avec qui il bosse la petite épice qui va faire du morceau un vrai tube. Mais la plupart des morceaux que l’on a faits ensemble partent d’un hasard. Pour « Champs Elysées » par exemple je suis dans une des salles de son studio et je teste un nouveau synthé que l’on venait d’acheter pour le live de Club Cheval. Lui passe, il me demande ce que je fais et il écrit tout de suite une mélodie, il prend son dictaphone de portable, et c’est parti… Et terminé en fait. Parce qu’il a le truc, il a la bonne boucle, et puis pour tout ce qui est structure c’est sa petite recette pour le coup, mais c’est secondaire par rapport à la force du hook.

Mais concrètement, ton rôle sur un morceau comme « Champs Elysées » par exemple, quel est-il ?

On fait la musique à deux, c’est comme un duo, dans un studio, on est assis, moi par exemple sur « Champs Elysées » j’ai cette ligne de synthé, on y ajoute des drums, Kore va taper un beat. On va le garder moi je vais dire « ah j’adore ça, attends, laisse-moi faire un petit truc » et je vais ajouter un effet dessus. Avec Kore on peut vraiment dire qu’en studio aujourd’hui on communique en wi-fi, il n’y a plus de blabla. Un morceau fait des ping-pongs entre nous, lui il écrit la mélodie, c’est sa spécialité, c’est vraiment un tueur là-dessus, et après on est bons. Puis au-delà de ça, Kore sait comment raconter l’histoire d’un artiste et c’est dans ce sens qu’il est comme un producteur à l’américaine. Il ne se contente pas de faire la musique, il raconte toute l’histoire ensuite, et il va suivre la musique jusqu’au jour de la sortie . Quel morceau on sort ? Pourquoi on le sort ? Il peut même aller jusqu’à faire réécrire une phrase à un rappeur.

Est-ce que du fait de ta formation d’ingénieur du son tu préfères être présent pendant l’enregistrement et le mix d’un morceau que tu produis ?

Pour le rap français je ne suis pas là en mix, parce que les codes de mix me ressemblent moins. La voix est très en avant, il y a un truc très brillant et aussi un formatage radio pour un hit de rap ou un hit pop. Un Alonzo par exemple, ils le mixent d’une manière qui n’aurait pas été la mienne, mais je leur fais totalement confiance. Donc non, je ne vais pas en mix. Pendant les prises, j’essaie d’être là, mais pareil, ce n’est pas trop ma spécialité et je préfère rester concentré sur ma musique.

Parmi tous les morceaux français que tu as produits dernièrement, y en-a-t-il un auquel tu es particulièrement attaché, ou qui a été un déclic ?

« Champs Elysées » bien sûr, c’est incroyable. Je n’en ai pas trop parlé au début, et j’ai moi-même été surpris par son succès. Tu ne sais pas que t’as fait un tube et je n’avais jamais vécu ça de ma vie, car je n’en avais pas fait. Même avec Club Cheval, on a eu des morceaux en radio mais ça n’a jamais été aussi énorme que ça. Quand on a fait le morceau, on l’adorait, c’est sûr, on le trouvait vraiment trop stylé et on en était fiers, mais on n’aurait jamais pu imaginer que ça deviendrait ce que c’est aujourd’hui. C’est-à-dire que moi je peux aller dans un club techno à Clermont-Ferrand, jouer « Champs Elysées », et tous les gens vont chanter quand même. C’est devenu un phénomène. C’est magique.

N’est-ce pas frustrant par moment d’être derrière d’énormes tubes, sans profiter de l’exposition ?

Non ce n’est pas frustrant. Ça fait longtemps, depuis l’époque de Brodinski, que je signe des trucs sur lesquels je ne suis pas en avant, et c’est mon choix en tant que producteur. Particulièrement pour le travail avec Kore, demain je n’ai pas envie de faire ma carrière comme un producteur de rap. Ma vie c’est d’être en studio, oui, mais ma vie d’artiste c’est d’aller mixer dans les clubs, essayer de faire des tournées avec Club Cheval. Mon milieu c’est celui de l’électro, je ne me vois pas demain aller faire des showcases dans des clubs de rap, parce que ce n’est pas chez moi.

La posture des rappeurs français a longtemps été de rejeter l’électro en bloc, on se rappelle de la phase de Rohff sur la techno, « musique de drogués », est-ce que depuis que tu fréquentes des rappeurs en studio certains sont surpris par ta présence, ou penses-tu que ce clivage est dépassé ?

[Rires à l’évocation de la phrase de Rohff] Je la connais, elle est bien ! Les rappeurs sont surpris évidemment, mais déjà, j’ai la chance d’être introduit, soit par Kore, soit par Brodinski, et même quand je suis en studio seul avec des rappeurs, maintenant ils savent qui je suis, comment je suis, et ils savent que ça va le faire sans aucun soucis. Je n’ai jamais eu de mauvaise expérience en studio. Et surtout, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, c’est l’inverse, en particulier aux Etats Unis, ils sont plutôt chauds de bosser avec des gens de l’électro en se disant qu’avec l’impact que ça a aujourd’hui, il y a un truc bankable, et qu’un tube peut se produire. En plus, je vois que les rappeurs aujourd’hui sont hyper excités par des beats chelous. J’ai vu des mecs à Atlanta me dire « cette instru est bizarre mais si je n’arrive pas à poser dessus, c’est que je suis une merde ! » Ils sont dans un challenge, par exemple Brodi est allé à Atlanta avec des beats de Gesaffelstein, de la techno ralentie, bizarre, des trucs complétement cassés, et pourtant les mecs sont chauds. Et en France, les rappeurs qu’on a croisés, je ne vais pas dire que ce sont des potes parce qu’on se voit juste au studio. Mais que ce soit Sadek, Lapso Laps ou tous ceux qui squattent au studio, on est trop contents de se voir et on a des trucs à se raconter.

C’est d’autant plus fort que les rappeurs en question appartiennent à une frange de rap très connotée « rap de rue » à la base, un artiste comme Lapso Laps par exemple, c’était peu probable de le retrouver un jour dans les mêmes studios que toi ou qui que ce soit issu de la scène électro.

Ça ne m’étonne pas. Après il y aussi Kore, il est tellement à l’aise avec le mélange ! J’ai l’impression qu’il a envoyé un message en France qui dit « maintenant on s’ouvre ». Et si tu ne t’ouvres pas, c’est toi qui te tape la honte en fait. Il a réussi ce truc-là. On est allé mixer ensemble à la soirée de lancement de Viceland, qui est pourtant un truc cent pour cent hipster, dans le bon sens du terme, et tout le monde était excité par le fait que l’on y aille à deux. C’est devenu normal et ça fait des mélanges hyper efficaces.

Revenons sur l’album Brava de Brodinski, et sa conception. Comment cela s’est-il fait ?

C’était l’aventure, on a fait plein d’allers-retours aux Etats Unis avec Kore et Brodi, pendant trois ans, pour aller découvrir comment on bossait là-bas, et comment on bossait avec des rappeurs, pour aller à fond dans la passion de Brodi, puisque ce projet lui était dédié. On a d’abord fait le plus simple, c’est-à-dire que l’on a passé un mois à Los Angeles aux studios Redbull, en se disant « voilà, on est aux Etats Unis, on va demander à la maison de disques de nous envoyer des rappeurs et puis on va voir ce qui se passe. » On a aussi profité de ce moment-là pour chercher le son que l’on voulait pour l’album. C’est comme ça que l’on fait, nous, pour les albums, on cherche la palette sonore d’abord, et en fait les rappeurs qui venaient, ce n’était jamais ce qu’il fallait. C’était des rappeurs de maison de disques je dirais, un peu formatés. Brodinski est tellement pointu en rap, il savait ce qu’il voulait, et au bout de trois semaines on s’est dit qu’on n’allait jamais trouver ce qu’il voulait si on restait le cul collé à Los Angeles au soleil. Donc on a décidé d’aller à Atlanta, où on avait un plug, Dereck, qui connaissait tous les rappeurs là-bas, et qui par chance connaissait aussi le projet de Brodi. Il a accepté de nous aider pour peut-être rencontrer des gens. Il nous a dit « là-bas, les mecs n’ont pas de téléphone, pas de mail, il faut que vous y alliez, vous louez un studio, et puis vous verrez. » On a donc pris l’avion pour Atlanta, et on s’est posés en studio. On avait pris une semaine de studio, on pensait qu’il y aurait du monde le premier soir, et il n’y a eu personne. Pas de nouvelles, les mecs ne répondent pas, on s’est demandés ce qu’on allait faire. Mais à deux on est toujours plutôt positifs, donc on s’est dit que ce n’était pas grave et qu’on allait faire des beats. Le deuxième soir, Rae Sremmurd et Mike Will se ramènent, parce qu’ils n’étaient pas loin et qu’ils avaient entendu parler de Brodi. Ils nous font écouter du son et petit à petit, en faisant nous-mêmes écouter nos instrus, les mecs se sont dit « ah tiens, il y a un Français qui est là, il paraît qu’il fait des trucs intéressants et nouveaux » et ils se sont ramenés. Du coup les mecs qu’on voulait sont venus aussi, par exemple Brodi voulait absolument bosser avec Peewee Longway, qui s’est ramené au studio et a posé. Et petit à petit ils sont tous venus comme ça, plus on allait à Atlanta, plus c’était devenu un rendez-vous d’aller au studio bosser sur le projet de Brodinski. C’est là qu’on a eu des surprises de fou, comme bosser avec Bloody Jay ou voir venir IloveMakonnen. Tous les mecs de l’album sont venus au fur et à mesure, et plus on avançait, mieux c’était. Nous, on était plus à l’aise en studio, et eux savaient exactement ce qu’ils venaient faire. Quand on a eu toutes les voix qu’il fallait on est rentrés en France et on a terminé l’album ici, pour avoir exactement le résultat de ce qu’est Brava aujourd’hui.

Quand on regarde les vidéos sur Atlanta, l’ambiance en studio à l’air très particulière, est-ce que tu crées différemment là-bas que tu pourrais le faire à Paris ?

Avant cette expérience, j’étais très sceptique sur ce truc de vibe, je me foutais plutôt de la gueule de ceux qui disaient qu’il leur fallait une vibe particulière en studio. Et en fait, une fois que tu arrives là-bas, t’es tellement face à des mecs passionnés, avec un outil qui est fait pour faire du rap, que ce soit dans la configuration des studios, ou les ingénieurs du son. Tu enregistres, et pendant que tu es allé boire un coup, l’ingé a déjà mixé ton morceau. Les mecs vont tellement vite, même pour les prises de son, et la vibe est folle. Par contre on ne se sent pas du tout en danger à Atlanta, même si les mecs sont extrêmement en danger, eux. Ils viennent avec des flingues, de la codéine, évidemment, mais nous on n’est pas du tout là-dedans, et ils ne nous y mettent pas. Ils savent qu’on est là pour faire de la musique, qu’on n’est pas une menace. Donc évidemment qu’aller là-bas pour faire du rap, dans ce que moi j’appelle le noyau du rap mondial, ça te met dans une vibe, et tu veux te dépasser. Et même en termes de son, aller aux Etats Unis pour faire du rap c’est très important, parce qu’ils ont une culture de la bass que l’on n’a pas en France. Dans les voitures, dans les studios, il y a de vrais subs, donc tu peux entendre tes tracks comme elles doivent sonner. Tu vas dans un strip-club, il y a d’énormes sub, alors qu’en France tu peux très bien aller dans un club où il n’y a pas de bass du tout, tu peux très bien aller dans la caisse de quelqu’un où il n’y a pas de bass… Ça n’existe pas aux Etats Unis.

Dans le dossier de presse qui accompagne le morceau «No bullshit » avec Twice et Lil Patt, il y a une phrase de toi mise en avant, dans laquelle tu dis qu’un moment viendrait où à Atlanta tu ferais un morceau qui te ressemble, tu considères que c’est le cas de celui-ci ? 

Oui. Tu parlais des reportages sur Atlanta, ils montrent beaucoup le côté sombre d’Atlanta, le côté trap houses, la nuit, les studios enfumés, mais Atlanta ce n’est pas une ville si sombre que ça en fait. Il y a des bois, il y a de l’espace, il fait hyper beau, c’est dans le Sud des Etats Unis. Donc c’est assez agréable, si tu n’es pas dans un gang, que tu n’es pas de là-bas, il y a un côté de la ville qui est lumineux. Je voulais montrer ce côté-là, et pour le clip on a filmé ça. On a demandé aux kids quelle était leur journée parfaite à Atlanta, et c’est ce que l’on a filmé. C’est aussi ce que je cherchais à Atlanta, mêler ce côté musique, créatif où les mecs acceptent de poser sur des beats différents de ce qu’ils font d’habitude, tout en racontant leur histoire, dans une ville qui n’est pas si dark que ça.

Lil Patt et Twice sont des newcomers, la connexion avec eux s’est faite comment ? Tu les avais rencontrés sur place ?

Non, je n’étais pas là quand ils ont enregistré le morceau, puisque j’avais décidé de ne plus aller à Atlanta pour me concentrer sur Club Cheval, vu qu’on a passé un an à faire de la promo et à tourner en Europe. Mais du coup j’envoyais toujours des petits packs d’instrus à Brodinski, et j’avais fait celle-ci qui n’était pas du tout pour du rap à la base, mais pour une pote chanteuse. Je l’ai envoyé à Brodi parmi un pack de dix ou quinze instrus en me disant « on verra ce qui se passe ! » Le lendemain il me renvoie ce qu’est « No Bullshit », pas exactement dans la version actuelle, mais ça y ressemblait déjà. Et je me suis dit que c’était ça ! Les voix sont exactement celles que j’aime, parce que Brodi connaît mes goûts en rappeurs. Il sait que j’aime bien les refrains chantés, les mecs qui chantent, les hooks. Là avec « No bullshit » les mecs avaient exactement le rap que j’aimais. Puis après quand j’ai appris que les kids avaient entre dix-neuf et vingt-deux ans, que c’était des Slimes, toute cette bande de jeunes complétement fous, hyper créatifs, c’était trop bien ! Je ne suis pas sûr que j’aurais été très à l’aise de faire un morceau avec un artiste dont je ne partage pas les valeurs. Ce n’est pas du tout contre leur vie là-bas, c’est juste que des jeunes qui me racontent une chanson aussi positive que ça, c’était cool. Twice est maintenant en prison, on est allé tourner le clip deux jours après qu’il se soit fait arrêter. Donc on a tourné le clip avec Lil Patt et tous leurs potes, on a aussi été voir la mère de Twice, et on a raconté cette histoire en hommage à lui aussi, parce qu’a priori il va rester en prison un petit moment.

En parcourant ta discographie, il est difficile de passer à côté d’un nom : Kanye West. Tu as produit un morceau pour Teophilus London sur lequel il apparaît, quelle est l’histoire de ce morceau ? 

Toutes ces histoires se ressemblent, ce ne sont que des hasards, qui passent uniquement par la musique. C’est pour ça, tu me demandais si en studio les gens trouvaient bizarre que je sois là… Toutes ces histoires prouvent que s’ils trouvent ça chelou, c’est vraiment qu’ils sont hyper cons ! Le morceau que l’on a fait pour Teophilus avec Kanye, c’est sûr que Kanye n’avait pas entendu parler de Club Cheval avant, mais à un moment il a fait confiance à Teophilus qui nous avait choisis avec Brodinski pour produire ce morceau. Et même quand Teophilus est venu faire le morceau avec nous, il nous a fait confiance, parce que ça remonte à un petit moment, on était vraiment des bébés. On n’était vraiment pas sûrs de nous en studio, et pourtant on a fait ce morceau ! Puis deux ans après Teophilus nous dit « écoutez la nouvelle version, c’est Kanye qui a repris la direction artistique de mon album, et il a posé sur ce morceau. » C’est vraiment fou, et c’est uniquement basé sur la musique. C’est un peu cheesy de dire ça, mais dans la musique il y a beaucoup d’aventures comme ça… L’amour de la musique. Quand Kore n’aime pas un morceau, il me dit souvent « désolé je n’ai pas eu le frisson », il n’a pas eu les poils qui s’hérissent. Et moi je ne suis que là-dessus, à un moment tu écoutes une chanson, est-ce que tu as envie de la réécouter ? Est-ce qu’elle te rend heureux ? Est-ce qu’elle te donne envie de chialer ?

À titre personnel, dans un avenir plus ou moins proche, quels sont tes projets ? Ta formation à la Femis laisse imaginer que tu travailles sur des musiques de film un jour, qu’en est-il ?

Là je passe beaucoup de temps en studio, je refais de la musique, avec des guitaristes entre autres. Je prépare un prochain EP, et vu ce qu’il s’est passé avec « No bullshit » je suis assez excité de refaire des morceaux de rap. Ce ne sera pas exclusivement rap, mais j’ai envie de re-collaborer avec ces gars-là. Pour ce qui est musique de film, on m’en a proposée, mais c’est tout frais. Je peux être assez excité par ça, tester des nouveaux trucs, rencontrer de nouvelles personnes. Je ne suis pas du genre à manger des yaourts nature toute ma vie, au supermarché j’essaye les nouvelles marques. [Rires] Quand j’étais à Los Angeles je suis allé voir des groupes de folk, il y a une sorte de mode en ce moment, un revival pop-folk-rock, et il y a trop de jeunes à bloc là-dedans, des putains de musiciens, avec un côté fragile que j’adore. Je suis allé bosser avec eux, on verra ce que ça donne.

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