Interview

Marvo

Ne vous fiez pas à son air juvénile. Du haut de ses 20 ans, Marvo a un enfant et un objectif : décrocher un contrat au sein d’une major. Originaire de Chicago, ce « 80’s Baby » compte bien prouver que dans sa ville, il y a une vie après Kanye West et Lupe Fiasco. Vous avez dit ambitieux ?

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Abcdr du Son : Comment tu te présentes à ceux qui ne te connaissent pas ?

Marvo : Je suis un artiste universel. Je suis un mélange de tout ce qu’est le hip-hop mais mes influences principales sont des gens comme Biggie et Jay-Z. J’ai envie de ramener cet état d’esprit dans le game et dans la musique. Beaucoup de gens cherchent à faire des disques qui vont marcher commercialement et sur lesquels les gens vont danser mais personne ne cherche à faire de la très bonne musique. Moi, c’est exactement ce que je veux : faire de la très bonne musique, riche en émotions et à laquelle les gens peuvent s’identifier.

A : Tu viens de Chicago c’est ça ? Dans quel contexte as-tu grandi ?

M : Chicago est l’une des pires villes américaines. Pas mal d’artistes célèbres viennent ici et se font voler. La misère est présente partout et le taux de criminalité est très élevé. Grandir d’où je viens est compliqué. C’est le genre de ville qui peut te permettre de te réaliser mais aussi de te casser en deux. Si tu réussis ici, tu peux n’importe où parce qu’ici c’est une jungle ! Tu marches dehors et tu ne sais pas si tes amis vont te tuer ou ce qui est susceptible d’arriver. Tu fais un pari quand tu franchis la porte de chez toi. Vivre dans cette ville, spécialement pour un jeune Noir n’est pas une chose facile. La première chose à laquelle on est en contact, ce sont les gangs. Tu cherches les gens qui ont les plus grosses jantes ;  ceux qui font figure d’exemple dans le ghetto. Le schéma ne fait que se reproduire encore et encore.

A : Chicago est l’une des villes les plus en vue actuellement. Avec notamment Kanye, Lupe, Consequence, Rhymefest…

M : [il interrompt] Ouais, tu as des artistes qui sont des backpackers mais le truc c’est que la partie ghetto de Chicago ne va pas faire naître des gens comme Kanye West ou Lupe Fiasco. Le ghetto va faire naître des gens qui sont en symbiose avec les rues, des mecs comme moi. Kanye vient du ghetto mais il n’a pas vraiment vécu la vie du ghetto. Kanye a été à la fac. J’ai été à l’école avec Lupe et on se connaît. Lupe n’était pas vraiment un mec de la rue et c’est pour ça qu’il ne parle pas de ce qui s’y passe. Il est plus le genre de personnes qui va te montrer comment t’en sortir, en partant loin du ghetto.

Des artistes comme Lupe, Kanye et Common ne reflètent pas la partie la plus importante de la population de Chicago. Ils reflètent seulement une partie des gens de Chicago qui les apprécient parce qu’ils portent l’étiquette « rappeurs conscients ». Il n’y a pas beaucoup de gens avec cet état d’esprit en ville parce qu’il y a beaucoup de crimes. Ces gars là ne prennent pas un flingue pour tuer quelqu’un qui vit dans le même quartier qu’eux. Je pense que l’industrie de la musique veut donner une belle image de Chicago en mettant en avant des artistes comme Kanye West et Lupe mais ça ne ressemble pas à la réalité de Chicago. Je ne sais pas si tu connais Bump J…C’est à ça que ça ressemble dans le Chi ! Ce genre de musique reflète ce qui se passe réellement à Chicago : cambriolage, vol, meurtre, prostitution et macs. Cette ville est parfaite pour l’éducation. Mon fils sera élevé dans le ghetto parce que ça te rend plus fort. Si tu t’en sors ici, tu peux réussir n’importe où.

A : Je voulais te demander si tu penses que le succès de ces artistes t’a aidé à attirer l’attention sur toi ?

M : Ouais clairement ! A Chicago, tout le monde aime Kanye mais c’est juste qu’il ne représente pas la réalité de Chicago. Il te raconte une partie de l’histoire seulement. Quelqu’un comme moi va te raconter l’histoire dans son ensemble. Kanye West sait qui je suis, Lupe Fiasco aussi, Common pareil. Tous ces gens me connaissent personnellement. Tous les rappeurs savent ce que je peux apporter. Ca fait dix ans que je rappe. J’avais décroché un contrat dans une maison de disques par le passé et ça ne m’a amené nulle part. Je sais que la question n’est pas là. Je ne suis pas le genre de mec qui une fois qu’il a un contrat va dire ensuite « la promotion c’est le boulot du label« . Non ! Je vais aller sur le terrain avec le label. Je vais au front avec eux pour m’assurer qu’ils font leur boulot. Voilà ma vision des choses.

A : Dirais tu que l’expérience que tu as eu lors de ta précédente signature t’a aidé ?

M : Le deal que j’ai eu, ça m’a appris des trucs sur le côté business… et en même temps j’ai développé mes qualités. Cette situation a contribué à faire de moi un meilleur artiste que beaucoup d’autres qui arrivent dans le game juste comme ça. Je suis là dedans depuis des années. J’ai passé du temps avec les meilleurs.

«  Mon album ne sera pas un album rempli de chansons pour les clubs. J’aurai 4 ou 5 singles dedans mais le reste de ma musique sera éducative. »

A : Tu es jeune, qu’est ce qui te donne envie de consacrer ta vie à la musique ?

M : J’aime la musique ! Je ne suis pas seulement un rappeur, je joue du piano, je lis la musique, j’écris la musique et je fais des beats. Je suis tombé amoureux de la musique tout petit et j’ai été signé à 15 ans, quand j’étais au lycée. Tout est arrivé si vite que je savais ce que je voulais faire.

A : Comment comptes tu t’imposer dans le milieu ?

M : Ça commence en faisant de la musique de qualité. Si tu fais de la bonne musique ensuite tu vas attirer des vrais gars du milieu. Un gros producteur comme Buckwild, qui a fait des morceaux pour B.I.G, Jay Z, Nas, m’a contacté après avoir entendu un de mes morceaux appelé ‘Dreams of kidnapping an Industry Exec.’ Il prend normalement 30 000 à 40 000 $ pour un morceau et là il m’a donné 4 beats gratuitement parce qu’il était genre : « Ce mec va devenir le prochain Jay Z ! Alors laissez moi lui donner quelques beats comme ça je pourrai dire qu’il a rappé sur mes beats et que je suis l’une des personnes qui l’a découvert. » C’est en faisant de la très bonne musique que tu atteints les sommets. Tous les sommets. C’est le point de départ de tout, et ce qui fait que les gens vont te rejoindre. Quand les gens entendent ma musique, ils entendent la qualité, l’effort et le temps que j’ai mis dedans.

A : Quel était ton état d’esprit quand tu as écris des morceaux comme ‘Dreams of kidnapping an Industry Exec’ ?

M : Quand j’étais en train d’écrire ce morceau, j’étais frustré parce que beaucoup de gens venaient me voir et me disaient qu’ils avaient de l’argent et qu’ils voulaient investir dans ma carrière, qu’ils allaient faire ceci et cela pour moi. Ils jurent qu’ils vont faire toutes ces choses pour moi mais ne font rien du tout. Ces gens de l’industrie à Chicago ne me donnent pas la reconnaissance que je mérite, les rotations en radio etc. Toutes ces choses ont joué un rôle et m’ont poussé à écrire ce morceau. Alors j’étais genre « qu’est ce que je dois faire pour que quelqu’un reconnaisse mon talent ? » Et je sentais que ce qui devait être fait était ce que mon co-manager m’a dit « Mec, tu dois kidnapper un boss de l’industrie ! » A cause de ça, on savait déjà que Jay-Z était la cible parfaite parce qu’il est devenu président de Def Jam à cette époque. Beaucoup de personnes sont venues vers moi pour me dire « Oh t’es en train de t’attaquer à Jay-Z !« .

Mais si tu écoutes attentivement, je ne m’attaque pas à lui. Le morceau dit simplement que si tu recherches la prochaine bombe dans le hip-hop, alors tu dois me signer parce que beaucoup de ces nouveaux artistes ne vont avoir aucune longévité dans la musique. Ils suivent juste la tendance ! Je ne fais pas ce genre de musique. Je fais de la musique pour l’âme. La musique est la bande son de ma vie. Je vais te dire quelque chose : 95 % des gens vont en soirée pendant 10% de leur vie. Pourquoi 95% de la musique est de la musique de soirées ? Les gens peuvent se reconnaître dans des morceaux qui parlent d’être en retard sur le paiement de leurs factures, de travailler dur pour payer leurs factures, de vendre de la drogue contre leur propre volonté seulement pour survivre parce qu’ils ne peuvent pas trouver de boulot vu que l’économie est complètement foutue. Il ne s’agit que de ça. C’est le genre de musique que je fais. De la musique à laquelle les gens peuvent s’identifier.

Je crois qu’une grande partie de la musique est faite pour la destruction de la communauté noire parce que la musique qu’on entend est la musique qui nous encourage à tirer sur nos frères et à appeler nos sœurs des putes. La musique qu’ils diffusent nous fait clairement du mal culturellement parlant parce que les mecs écoutent ça. A la fin de la journée, tu dois éduquer les gens. Ma musique parle d’éducation. C’est ça le hip-hop. Le hip-hop a toujours éduqué les gens à travers des morceaux et des rimes dont tu peux te souvenir facilement. J’ai un titre qui s’appelle ‘Just breathe’ ; il est censé inspirer les gens. Beaucoup de gens critiquent parce que je fais de la musique pour la rue mais je dois faire de la musique pour mes gens avant toute chose.

A : Est ce que tu penses que tous ces éléments te distinguent des nouveaux talents qui débarquent ?

M : Oui et non. Un artiste comme Lupe Fiasco parle également d’éducation mais moi, je suis jeune, et la jeunesse se reconnaît en moi. Lupe porte son attitude de Nerd, c’est son image mais la majorité de la population pense qu’être un Nerd c’est ringard et pas cool du tout. Personne ne pense que le type qui porte des lunettes c’est LE mec cool ! Malheureusement, tu dois parler au plus grand nombre. Je dois faire des compromis et faire de la musique pour les clubs. Kanye est un génie mais des gens comme Lupe…ne suivent pas les tendances. Je sais comment l’industrie fonctionne et je dois faire des choses qui plaisent aux personnes qui vont dans les clubs. Tu dois leur donner le CD simplement pour qu’ils comprennent le vrai message derrière ta musique. C’est une façon détourner de contribuer à éduquer le public. Mon album ne sera pas un album rempli de chansons pour les clubs, J’aurai 4 ou 5 singles dedans mais le reste de ma musique sera éducative, elle emmènera les gens dans Chicago, permettra aux gens de savoir quel type de vie on a et pourquoi on fait les choses comme ça.

A : Tu as mentionné la frustration comme une de tes inspirations pour l’écriture. Quelles sont tes autres sources d’inspiration ?

M : J’écris à propos de ce que j’ai vécu mais ma plus grande inspiration est mon fils. Il m’incite à en faire davantage pour être plus fort. Il ne s’agit plus seulement de moi maintenant, il s’agit de ma succession et de sécuriser son futur pour qu’il n’ait pas à rester dans la rue comme j’ai dû le faire. On m’a déjà tiré dessus, poignardé et j’ai fait un certain nombre de choses dans ma vie dont je ne suis pas fier. Je ne m’en vante pas. Je ne veux pas que mon fils vive la même chose.

A : Tu penses que les rappeurs sont les nouveaux leaders de la communauté noire ?

M : Clairement ! Traditionnellement, les leaders étaient les dealers de drogue ou les leaders de gang mais maintenant les rappeurs sont les nouveaux leaders de la communauté noire et je crois que le message véhiculé par notre musique y contribuera. Il faut qu’on prenne conscience de la responsabilité qu’on peut avoir quand on dit certains trucs. Beaucoup des rappeurs qui sont sur le devant de la scène ramènent un délire gangster alors qu’ils n’y connaissent rien. C’est juste du paraître. Mais ils encouragent tous les gamins qui écoutent leur musique à devenir un gangster. Les vrais gangsters ne rappent pas !

A : Comment réagirais tu si ton fils te disait qu’il voulait rester dans le ghetto ?

M : Je ne serai pas surpris. Je ne ferai que l’éduquer. La vie est une question de choix et je veux que tu comprennes les conséquences de chacun des choix que tu fais. Les conséquences de ce choix là seraient la prison et la mort et je le laisserai suivre ce chemin.

Mais je ne pense pas que mon fils va mener cette vie là parce que j’ai bien l’intention de réussir, et ce avant même qu’il ait à faire des choix. Son choix sera le suivant : est-ce que je veux gérer l’entreprise de mon père ou ma propre entreprise?

A : Est ce que tu penses que l’avenir de la communauté noire sera meilleur si Obama est élu ?

M : Je pense que le futur de la communauté noire ne peut être meilleur si Georges Bush est réélu. Ça commence avec nous. Nous n’éduquons pas nos enfants, nous laissons la radio et la télévision le faire et ça explique l’état actuel du monde. Parce que les gens sont tellement occupés à essayer d’avoir 2 jobs en même temps pour survivre qu’ils n’élèvent pas leurs familles. C’était le plan ! Le plan est de diviser nos foyers. Quand ton père passe son temps à bosser dur, qui est là pour enseigner la discipline ? Quand une mère et un père ont un fils, la mère est là pour apporter de l’amour et le père est là pour t’enseigner la discipline. Quand tu brises des foyers, tu fragilises l’avenir des enfants. C’est pour ça qu’ils appellent un enfant qui n’a pas de père un bâtard. Si tu regardes les statistiques en Amérique, la plupart des enfants qui finissent en prison n’ont pas eu de père durant leur vie. Ils n’ont pas reçu la discipline qui leur aurait fait réaliser les conséquences de leurs actes. Il y a une conséquence pour tout ce que tu fais. Quand tu récompenses  un enfant, tu participes aussi à son éducation.

A : Tu as récemment sorti « Respect and Live volume 2 ». Comment ça se passe pour ce projet ?

M : Ça se passe plutôt bien mais nous n’avons pas encore fait de promo. On l’a mis en ligne mais il n’y a pas beaucoup de promotion derrière.

A : Qu’est ce que tu en attends ?

M : Un deal avec une major !

A : Quel genre de deal ?

M : Je ne peux pas vraiment en parler parce qu’il y a beaucoup de paperasse derrière mais je ne me précipite pas pour obtenir un deal parce que beaucoup d’artistes sont bloqués en major et ne sortent rien.

A : C’est sorti sous le label Supreme Money Maker. Qu’est ce que tu peux nous en dire ?

M : Supreme Money Makers est un label indépendant et un mouvement qui va encourager chaque jeune homme et chaque jeune femme, peu importe ta race ou ton sexe, à devenir le meilleur dans ce que tu fais. C’est pour ça que le Supreme vient avant Money Makers. Il s’agit de faire comprendre aux gens qu’ils ont le choix entre être quelqu’un d’important ou un anonyme. Le choix est entre tes mains. Nous sommes simplement en train d’essayer d’influencer la jeunesse à devenir des gens importants.

A : Quels sont tes projets pour les prochains mois ?

M : Nous sommes en train de rechercher un deal et je pense signer très bientôt.

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