Hyacinthe
Diamond in the Rough

Hyacinthe

Il a à peine 20 ans, ne respecte pas grand monde, se trimbale en manteau de ski et est un sérieux candidat au titre de rappeur français le plus irrévérencieux du moment. Échange de bons mots avec Hyacinthe.

Photographie : Chroniques Automatiques

Des Hauts, des Bas et des Strings, sa mixtape sortie en 2012, nous avait surpris. Sur la Route de l’Ammour, le projet sorti le 25 février dernier, confirmait que Hyacinthe était un de ces garçons plein d’avenir avec qui il nous faudrait rapidement tailler le bout de gras. Quelques échanges de mails plus tard et le rendez-vous est pris un vendredi soir dans un bar du IVème arrondissement. Pendant que la télé est réglée sur un multiplex de Ligue 2 et que la radio enchaîne les tubes putassiers, Hyacinthe enquille les pintes de bière et les anecdotes avec une facilité déconcertante. Morceaux choisis.


Abcdr du Son : Comment as-tu commencé à rapper ?

Hyacinthe : J’ai commencé à faire du rap dès que j’en ai écouté. On est au début des années 2000, j’ai 10-11 ans et j’écoute Skyrock.Je reconnais que, quelque part, je suis un peu un enfant de cette radio. D’ailleurs, c’était cool d’avoir Aketo sur le dernier projet parce que « Gravé dans la roche » doit être un des premiers sons sur lesquels j’ai rappé. Je me souviens que je rappais là-dessus dans mon jardin… Je rappais mal mais j’ai tout de suite voulu en faire [Sourire].

A : Dans ton rap, il y a un côté très énervé, presque nihiliste mais avec beaucoup de second degré. A contrario, tu as l’air adorable quand on te rencontre dans la réalité…

H : Ça peut surprendre mais je pense être un mec sensible et il y a des choses qui vont beaucoup plus m’atteindre que les autres. Quand tu es adolescent, tu peux passer par une phase un peu dépressive. Chez certaines personnes, ça peut ressortir via des émotions assez tristes. De mon côté, j’ai évacué ça en disant « je vous emmerde, je vous nique ». Je n’étais pas du tout dans mon élément au collège, c’était une sale période. Le côté mélancolique et dépressif de l’adolescent est ressorti de façon très énervée chez moi.

A : Tu viens de faire référence au collège et tu parles notamment d’un épisode avec un certain Romain Le Per sur ton projet. Ça rappelle forcément le Slim Shady LP d’Eminem où il n’hésitait pas à sortir des noms d’anciens camarades de classe…

H : Comme tous les blancs nés dans les années 90, j’ai énormément écouté Eminem [Sourire]. The Eminem Show est le premier album de rap que j’ai écouté de A à Z. Pour la première fois, j’avais l’impression que le mec qui rappait était un de ces mecs chelous du fond de la classe… Comme moi ! Le mec qui n’est pas le plus beau, pas le plus populaire, qui ne sait pas forcément comment se positionner socialement… Aujourd’hui, j’assume complètement ce côté un peu « chelou » mais, à l’époque, je ne savais pas comment faire. Je n’étais même pas le geek qui allait lire des mangas, j’étais juste le mec perdu, un peu entre deux eaux.
En ce qui concerne Romain Le Per, c’est juste un fils de pute qui m’a mis une droite en quatrième [Sourire]. En fait, j’ai toujours fait du rap pour insulter les gens qui m’avaient cassé les couilles avant. Au moment de la première mixtape, je sortais d’une rupture assez douloureuse avec une meuf et c’est d’elle dont je parle tout le long. Même quand je dis « je te nique Rue du Paradis dans le Xème, trois heures du mat’, devant l’école maternelle » [Rires].
C’est le côté revanche sur la vie qui me pousse à faire du rap. D’ailleurs, j’ai peur que, le jour où j’aurais pris toutes ces revanches, je n’aie plus rien à dire.

A : C’est quoi le processus d’écriture chez toi ? Est-ce que t’es à la recherche de la punchline ?

H : Je ne sais pas, j’ai peut-être plus de facilités pour trouver des images fortes parce que je ne les recherche pas à tout prix. Il y a des degrés d’émotion bien connus dans le rap français et ce qui est intéressant c’est que, dès que tu t’en écartes un peu, tu sors des trucs que les gens n’ont pas forcément l’habitude d’entendre, tu retiens leur attention.
Après, je n’écris jamais sur des thèmes, je privilégie l’ambiance. Je n’aime pas trop le terme de punchline, mais j’essaye toujours de partir d’une phrase forte. Sur « Benetton music », je commence en disant « Le cœur de l’automate dans la paume, je le sens battre ». C’est pas une punchline mais c’est une image assez marquante visuellement. Dans mon écriture, j’essaye de ne pas utiliser de ficelles trop connues, de ne pas tomber dans une certaine forme de facilité… C’est pour ça que je déteste le name-dropping. Même quand c’est fait par des gars comme Ill, ça reste s’appuyer sur des gens super connus pour donner un sens à ta phrase. J’essaye de faire en sorte que ce soit mes mots ou la construction de mes phrases qui soient forts, pas les noms que je vais citer.

A : Pourquoi ce surnom de Hyacinthe ?

H : J’ai pris ce pseudo il y a trois, quatre ans dans une période où j’étais en mode babtou qui lit… Je lis pas beaucoup hein mais j’ai lu Baudelaire. Un jour, je choisis une page au hasard, je trouve un mot stylé et c’était Hyacinthe.
Avant, j’utilisais mon prénom, Marin. Quand j’ai vu un peu ce que voulait dire Hyacinthe, je me suis dit que ça me correspondait bien [Sourire]. Ça a deux significations apparemment. Tu as une forme de jacinthe qui naît dans les marécages et qui bouffe les tentacules de toutes les autres… Je trouvais ça marrant, le côté « j’vais tous vous aspirer, j’avais tous vous niquer ». La deuxième signification, c’est que c’est une figure mythique, je crois que Hyacinthe est l’amant d’Apollon. Ce qui est marrant c’est qu’il meurt à la suite d’un lancer de disque par Apollon. Je mourrai peut-être une fois qu’on aura pressé mon premier album.
Bon, il ne faut pas oublier que ça a été choisi au hasard. Après, c’est pas une coïncidence que ça vienne de Baudelaire parce que je pense partager le même côté écorché, déprimé, “j’vous nique tous, vous êtes toutes des putes”. Toutefois, j’emmerde très fort tous les rappeurs qui se prennent pour les nouveaux poètes des temps modernes.

A : En tant que rappeur, est-ce qu’il y a des gens qui t’ont influencé ?

H : Pas trop. J’ai des goûts qui changent très rapidement et je suis incapable de te citer un modèle, un acteur fétiche, un album de chevet…J’aime plein de choses mais je n’ai jamais eu une référence. Ceci dit, Booba est probablement ma plus grosse influence. J’essaye de m’en détacher mais c’est vrai que, sur le premier EP, il y avait quelques placements volés à Booba.

A : Booba a cette voix un peu forcée, trafiquée et c’est un reproche qu’on pourrait également te faire. Est-ce que tu vas chercher à t’en détacher au fur et à mesure ?

H : Je trouve que cette histoire de « voix trafiquée » est un débat de merde. On fait de l’art et ça n’est pas censé correspondre exactement à la réalité. Les peintures abstraites, c’est pas la vraie vie ! On peut s’inspirer de la vie mais l’idée c’est aussi de proposer autre chose, de tourner autour des émotions… Je ne marche pas par thèmes mais par champ d’émotions. Dans le dernier Tarantino, quand Django monte sur son cheval et que tu entends Rick Ross derrière, ça te fout la pression, c’est beau ! C’est ça que j’aime dans la musique, ces moments où ça te fout la pression. Chez Booba, il y a toujours eu ce côté-là. Finalement, ça n’aurait pas dû marcher pour lui, à la fois trop et pas assez caillera… Et il a toujours gardé son cap en criant qu’il les baisait tous.

A : Comment tu expliques le fait qu’il parle aussi bien à toi qu’à des mecs de cité justement ?

H : Parce que tu peux t’identifier à lui. Les gens qui n’aiment pas Booba sont ceux qui se sentent visés quand ils l’entendent dire « Je te baise ». Quand j’entends ça, c’est moi qui baise les gens ! C’est aussi pour ça que j’aime autant le rap américain, ce côté au-dessus de tous les autres. Juste après avoir découvert Booba avec 0.9, je me suis pris Himalaya de Mala et c’est la première fois que j’entendais un album de rap français qui correspondait à ce que je voulais entendre. Je n’écoutais pas beaucoup de rap cainri à l’époque mais il y avait dans cet album tout ce que j’allais aimer par la suite : les sonorités un peu froides, ce côté énervé, loin de tout… Je me souviens de la première fois que je l’ai écouté, j’étais avec ma meuf, je venais d’acheter le disque, on était arrivé dans sa maison de merde au fin fond du 91… Ça la faisait trop chier que je veuille l’écouter mais je m’en foutais, j’étais complètement fou à côté. Je me disais que c’était exactement ce que devait être le rap ! Et puis sa voix ! On parlait de Booba mais Mala m’a peut-être davantage influencé là-dessus. Quand Mala rappe, on a l’impression qu’il est à moitié en train de dégueuler…C’est quelque chose que j’ai retrouvé chez Young Jeezy après. Sortir sa voix rauque, l’étirer au maximum jusqu’à ce que la grosse caisse de la mesure d’après se fasse entendre… Et Boum !

A : Du coup, Young Jeezy est quelqu’un que tu as écouté ?

H : À fond et j’ai longtemps pensé que The recession était le plus grand album de tous les temps. Au début, j’aimais bien ce rappeur sans plus, j’écoutais ses tapes un peu à l’arrache et quand cet album est sorti, je l’ai écouté en boucle pendant tout un été. J’étais dans un village en Arménie où il n’y avait pas l’eau courante, où tu manquais de t’électrocuter dès que tu rebranchais une prise et Young Jeezy était presque mon seul point d’ancrage avec le monde « moderne ».

A : Tu es originaire d’Arménie ?

H : J’y ai des attaches puisque ma famille a quitté le pays au moment du génocide. En fait, mon meilleur ami est Arménien et il est beaucoup plus impliqué au sein de la communauté arménienne que moi. Il y avait une sorte de stage bénévole où tu pouvais aller là-bas pour construire une église et faire des fouilles archéologiques. J’y ai passé un mois mortel et j’avais ce sentiment de puissance en écoutant Jeezy. Pourtant, je ne comprenais rien à ce qu’il racontait mais ça me parlait. Il y a un côté un peu parfait dans ce disque. Je l’ai vu par la suite en concert et c’était un des grands moments de ma vie. Dans l’absolu, ça n’était pas un concert de fou mais je m’étais pris une grosse claque.
C’est compliqué pour moi de citer des albums référence parce que j’écoute énormément de nouveautés. L’album avec Institubes d’Alizée [NDLR : Une enfant du siècle], je ne sais pas si je l’écouterai encore dans six mois mais, au moment où c’est sorti, c’était mon album préféré [Sourire].

A : Des Faux Hipsters et Des Grosses Bites, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ce nom ?

H : Il y a un an à peu près, je faisais des petits freestyles sur Internet. C’était un délire où un mec filait une prod et un thème et tu balançais ton 16 une semaine après. J’étais avec une pote chez moi, on avait filmé ça et, même si je n’étais pas très fort, je commençais à montrer des trucs pas trop dégueus. On voulait mettre un nom de label marrant et on avait mis Des Faux Hipsters et des Bites Prod qui s’est transformé aujourd’hui en Des Faux Hipsters et Des Grosses Bites. Pourquoi ce nom ? Uniquement parce qu’on trouvait ça marrant. Et puis c’est un peu nous, le côté faux hipsters avec nos ganaches de petits blancs qui se font racketter leurs goûters dans la cour de récré mais qui vont baiser ta meuf après. On assume ce qu’on est et on n’est pas là à te dire « non mais quand même j’ai des problèmes dans ma vie »… C’était marrant et, pour le premier EP, on a décidé de le garder et d’avoir ça comme une sorte de nom de label. Ça nous fait marrer d’écrire Des Faux Hipsters et Des Grosses Bites présentent. À la base, on était un duo, Krampf et moi et, aujourd’hui, ça désigne aussi notre entourage.

A : Comment s’est faite la rencontre avec Krampf ? 

H : Au départ, on se parlait uniquement sur Internet et j’avais des premiers freestyles enregistrés dans ma chambre et super mal mixés. Du coup, il m’avait proposé de mixer un ou deux titres. Il m’a rapidement envoyé une prod qui est devenue l’instru de « Parapluie en peau de serpent ». J’ai écrit un truc dessus, on s’est capté et on a réenregistré le truc. On a tout de suite échangé et, au final, on a fait Des Hauts, Des Bas et Des Strings en deux mois. Il y avait une vraie effervescence et j’ai l’impression qu’on était tous les deux super contents d’avoir trouvé quelqu’un avec qui on s’entendait bien et où on prenait plaisir à travailler ensemble. On est de la même génération, on habite la même ville, on a un peu les mêmes goûts… Même si c’est lui qui fait en sorte que ce je fais soit cool. Sans lui, sans ses conseils, j’aurais posé sur des guitares mélancoliques. Krampf a principalement un rôle de censeur, c’est lui qui va dire « non, ça c’est pas bien », c’est un peu ma caution bon goût. Comme on s’est rencontré via la musique, on n’a pas ce côté « potes de longue date » qui va avoir peur de dire les choses. On ne s’engueule pas mais ça peut être très froid par moments, genre « non, c’est de la merde ».

A : Sur le titre du dernier EP, Sur La Route de l’Ammour, il y a une faute d’orthographe scandaleuse mais évidemment volontaire. Qu’est-ce qu’elle signifie ?

H : Le nom du projet était prévu depuis longtemps et, initialement, on devait le sortir pour la Saint-Valentin mais on a pris un peu de retard. En fait, le premier EP est entièrement dédié à une Norvégienne avec qui je suis sorti dans le passé. Toutes les choses que je raconte dans mes textes, toutes les anecdotes sur les meufs sont vécues. La mixtape Sur la route de l’Ammour, c’est sur une autre meuf [Rire].

A : Est-ce que tu as vraiment fait écouter « La connasse au refrain » à ta mère ?

H : Ma mère a écouté le premier EP. En fait, elle savait que je faisais du son, elle me voyait faire des scènes et rentrer à des heures impossibles, mais c’est quand j’ai eu une news sur votre site que je me suis décidé à lui faire écouter. Mine de rien, le rap est ma vie depuis quelques années et c’était important qu’elle comprenne un minimum ce que je fais. Et puis, quand je sortais avec une meuf enceinte et suicidaire, elle était là, elle a connu ces histoires. La meuf en question était ingérable, un jour elle est arrivée les yeux exorbités devant moi, en tentant de me planter avec une lame, pour une histoire à la con [Rire]. Et ma mère me voyait complètement hébété le lendemain, donc elle connaît ces anecdotes. Mon rap parle de ça, donc aucun problème à ce qu’elle l’écoute. Après, elle a du mal à comprendre pourquoi il y aurait des gens intéressés par mes histoires de nanas folles que je baise [Rire].

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10 commentaires

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  • Bouddha BaiseDieu Booba BasedGod,

    Putain vous êtes chauds les gars. Y a absolument pas un commentaire qui percute le délire ou qui soit pas à côté de la plaque. Si vos références c’est la Rumeur (que j’adore hein) ou la Cliqua vous êtes mort, c’est foutu, vous pouvez juste même pas écouter hyacinthe quoi.
    C’est comme passer de la cold wave au crust. Vous vous faîtes juste chier pour rien, essayez pas. A la rigueur, attendez ça viendra peut être tout seul…

  • […] maternelle” est une incontestable réussite. Vraie révélation sur la dernière tape de Hyacinthe au cours de laquelle il s’était incrusté sur trois morceaux, L.O.A.S s’affirme comme un […]

  • Gog,

    Je suis d’accord avec Ika Soup, faut stopper le délire avec les puristes. Pour quelles raisons les gens se sentent obligés de faire un rapprochement entre ce que le type écoute et ses perfs au micro? Je ne sais pas.

    Après, qu’il ait découvert le rap via Rapline en 1992, via Skyrock en 2006, ou en chiant dans la forêt à 17 ans, c’est de l’ordre du détail. Perso, je trouve ses rimes pauvres, ses placements forcés et en plus c’est pas comme si lyricalement, on pétait les essieux. Après la critique c’est positif pour les « artistes », faut juste que ça soit constructif.

    Cependant, il faudra me refaire le coup de l’explication quant à la faute d’orthographe « ammour », parce je ne vois pas le rapport entre le nom du projet et le retard pris sur celui-ci.  :O

  • Ika Soup,

    Franchement c’est chaud, il se prend pour un rappeur alors qu’il n’a même pas cité The Message de Grandmaster Flash dans ses références…

  • Pietroch,

    Hey Papi Badis, si on a moins de 20 ans, on fait comment pour découvrir Booba ? Il a eu une vie après Mauvais oeil et Temps mort tu sais, ça fait déjà 10 ans…

  • L.O.A.S,

    Bone Thugs-N-Arménie

  • Badis,

    j’en crois toujours pas mes yeux ‘apres avoir decouvert booba avec 0.9’ putain de putain de merde t’as appris a rapper avec ‘pourvu qu’elle m’aime’ c’est pas etonnant que ton rap soit aussi faible

  • Badis,

    le mec a decouvert booba avec 0.9 comment il peut pretendre faire etre un rappeur… retourne te faire voler ton gouter, encore un de ces psuedorappeurs qui sans internet ferait de la guitare pieds nus dans un champ de mais… je regrette l’epoque ou il fallait une street cred ou au moins s’y connaitre pour rapper. n’importe quel connard ignorant qui aligne des insultes se revendique rappeur maintenant, cousin vas prendre des cours, ecoutes tes classiques et reviens quand t’auras ecoute du rap

  • Dinosaurus Rex,

    C’est de la série Z son rap, par moment je le trouve vraiment drôle.

  • Bookosaurus,

    Soyons sérieux les gars, ce mec est nul à chier, un ersatz de Booba qui n’est déjà pas bien flamboyant… Je me permets de parler de lui comme ça vu qu’il a l’air d’avoir une très haute opinion de lui.