B.James, l’abominable
Interview

B.James, l’abominable

Rencontre express avec B.James. Des premiers pas d’Anfalsh à l’expérience électrique Zone Libre jusqu’à Acte de Barbarie, son premier album solo sorti le 6 février. L’abominable suit une ligne de conduite immuable.

Photographie : Tcho


Abcdr Du Son: Quel regard tu portes sur l’expérience avec Zone Libre ? Tu as rejoint Casey après le départ de Hamé et fait pleinement partie de la suite Les contes du chaos.

B.James : C’était une putain d’expérience. Après, mon arrivée était un peu chaotique. Je ne figurais pas dans le projet de base L’angle mort qui regroupait Casey, Hamé et Zone Libre. Ils ont sorti un album, ils ont commencé une tournée. Mais au milieu de la tournée, un des membres les a lâchés. A partir de là, soit ils arrêtaient la tournée, soit ils prenaient quelqu’un pour finir le taf’. Ils ont pensé à moi à ce moment-là.
On se connaissait déjà un peu avec Zone Libre. On avait fait quelques dates ensemble à Blanc-Mesnil et commencé à apprécier le taf’ de chacun. J’ai commencé par refuser leur proposition. C’était un contexte super particulier. Tu arrives sur une tournée, tu n’es pas sur l’album. Le public s’attend à voir sur scène ce qu’ils ont écouté sur disque. C’est un peu comme si tu allais voir Method Man et qu’au final sur scène tu te retrouves avec Kid Cudi. Finalement, j’ai accepté. On a fait une bonne trentaine de dates. Tout s’est très bien passé, du coup, on a eu envie de faire une suite. Ça a donné Les contes du chaos.

A : Jouer sur scène avec des musiciens, c’est une autre approche à tes yeux, ou finalement ça ne change pas grand-chose ?

B : C’est un peu des deux en fait. Quelque part, tu fais le même taf’ niveau écriture et façon de poser. Mais être avec un groupe c’est une autre énergie. Et alors jouer avec Zone Libre, c’est encore autre chose. Ils envoient un truc de ouf’. Sur scène, du coup, tu as encore plus tendance à pousser, pour ce que soit plus patate.

A : Casey a répété plusieurs fois qu’elle aimait beaucoup un certain style de rock. Toi, tu écoutais aussi du rock ?

B : Non, j’ai commencé à écouter Zone Libre en les côtoyant. Mais avant, je ne les connaissais pas. Et je n’écoutais pas trop de rock, à part deux-trois trucs ici et là. Je n’ai pas une grosse culture rock. On s’est vraiment découverts quand on a commencé la fin de la tournée de L’angle mort. A partir de là, j’ai kiffé leur musique.

A : Le public que vous avez pu rencontrer à travers toutes ces dates était très mixte…

B : Ouais, c’était un public hybride. Et ça m’a fait vraiment kiffer. Des vrais punks de la première heure et des mecs de tess’ en baggy-basket. Ça n’était pas évident de les faire se côtoyer.

« Snuff Muzik c’était une approche de mixtape.  »

A : Franchement, ce n’est pas trop dur de trouver sa place à côté de Casey – dont le charisme sur scène est assez évident ?

B : Non, pas du tout. Entre nous, il n’y a pas d’histoire de chef, de sous-chef. Aucune hiérarchie. Sur L’angle mort, c’était une situation un peu bancale mais après sur Les Contes du chaos, c’était clair. On avait des morceaux ensemble, chacun des morceaux en solo. Après, les gens peuvent trouver que Casey est plus patate, je n’ai pas de souci avec ça. C’est perçu comme c’est perçu.

A : Snuff Muzik, c’était une façon de t’affirmer en tant qu’artiste solo avant de sortir un véritable album ?

B : Ce n’était pas une volonté de sortir de la logique collective d’Anfalsh. On a toujours fonctionné en tant que groupe mais aussi à réaliser des projets à côté. Casey a fait ses albums, Prodige prépare aussi le sien. Cet album, j’y ai fait ce que j’ai voulu. Snuff Muzik c’était une approche de mixtape. Du home studio, avec du scratch, de l’animation et de la face B à part trois morceaux inédits avec nos sons.

A : Comment as-tu bossé avec les différents producteurs de ton album ? Vous vous connaissez tous depuis un moment…

B : Ouais, la plupart ce sont mes potos. On bosse souvent entre nous, en famille. Pour cet album, comme pour tous les projets passés et ceux à venir, on est passés les uns chez les autres. Très simplement. Hery, Laloo, Soul G ou Vinz Vega qui est un de mec chez moi aussi. Il n’y a pas d’impératif, de producteur du moment. On aime tel son, on le prend.

A : Tu évoques très régulièrement la banlieue nord, Blanc-Mesnil dans ton album. Tu te considères comme un produit de ton environnement ?

B : Grave ! Tu ne peux pas faire plus Blanc-Mesnil que moi. Ça fait trente-deux ans que je suis là. J’étais là avant le maire, avant celui d’avant et avant le précédent encore.

« Oui je suis noir, oui je suis un ex-détenu, oui je viens du 93. Après… qui m’aime me suive. »

A : Les mêmes thèmes reviennent sur ton album : les flics, la banlieue et une envie incessante de vengeance. Quelque part tu colles à un cliché. Tu en as conscience ?

B : Je parle de ce que je connais, de mon environnement, de choses qui arrivent vraiment. Quand je te dis qu’un petit frère s’est encore fait tirer dessus par les flics en bas de chez moi, je ne l’invente pas. Après, oui, ça peut paraître cliché de dire ça à l’heure où un paquet de rappeurs te disent ça juste pour se faire mousser et ne vivent même pas ce qu’ils décrivent. Je ne m’invente pas de vie, et c’est facilement vérifiable. Ce sont des vérités ce que je peux décrire. Tu peux toujours me dire que ça ne te plaît pas, que c’est déjà entendu, ce n’est pas grave. Mais ne me dis pas que ce n’est pas vrai.

A : Tu le répètes régulièrement dans ton album, notamment sur « B.James » quand tu dis « B.James dans la vie comme en studio, c’est le même« . Et pour celui qui t’écoute depuis les premiers pas d’Anfalsh, on sait que tu es attaché à cette idée d’authenticité. Ton discours n’a pas changé du tout.

B : C’est déjà assez compliqué comme ça. Je ne vais pas commencer à m’inventer un rôle parce qu’aujourd’hui dans le rap pour marcher il faut être comme ci ou comme ça. Les gens dans mon quartier te le diront, je suis le même sur disque et en dehors. Et même en donnant l’image de ce que je suis vraiment, je pourrais être perçu comme un cliché. Oui je suis noir, oui je suis un ex-détenu, oui je viens du 93. Après… qui m’aime me suive.

Acte de Barbarie correspond aux sons que j’avais à une époque et aux évènements que j’ai pu vivre à un moment donné. Le prochain album, s’il y a une suite, sera probablement différent. Notamment en termes de musique. Après, ça ne va pas changer radicalement. Je ne vais pas devenir David Guetta.

A : Qu’attends-tu de cet album ?

B : J’avais envie de réaliser ce projet qui maturait depuis longtemps. Si certains textes sont assez récents, d’autres datent plutôt de l’avant Zone Libre. Après, je n’attends rien en termes de ventes ou de notoriété. Je suis en indépendant, pas chez Sony Music. Ce disque c’est juste moi. Ceux qui se sentent concernés et intéressés par le propos qu’ils l’écoutent et l’achètent. J’en serai ravi. Après, si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave.
Acte de Barbarie c’est aussi un prétexte pour faire du live scène derrière. J’aimerai défendre cet album sur scène. C’est un projet en cours de discussion.

A : On parlait de Blanc-Mesnil, quelles sont tes autres sources d’influences ?

B : Tu as des termes plus globaux comme la prison ou les violences policières qui font pleinement partie de moi. Et dépassent le cadre de Blanc-Mesnil. C’est mon vécu dans sa globalité. Quand je me refais les quinze morceaux, je me dis que l’album est vraiment très inspiré de ma personne.

A : Tu écoutes ce qui se fait aujourd’hui en rap, en dehors de la famille Anfalsh ? Quelqu’un comme Vîrus par exemple.

B : J’aime bien Vîrus. Putain de plume. Humainement, c’est un putain de mec aussi. J’écoute de plus en plus de rap français. Tout simplement parce qu’il y a de plus en plus de choses qui me plaisent.

A : La Rumeur ?

B : On s’est un peu perdus de vue ces derniers temps. Je ne les ai pas écoutés depuis un moment mais ça reste des putains de rappeurs. Ils savent écrire, rapper. Et même si on ne se fréquente plus, il ne faut pas tout mélanger. S’ils étaient talentueux il y a cinq ans, ils le sont encore maintenant.

A : Vous avez un projet collectif dans le viseur avec Anfalsh ?

B : On a envie de faire un album ensemble depuis tellement d’années. Depuis nos premières mixtapes. Les hasards, les opportunités et les rencontres font parfois que tu repousses certains projets. Zeyk [NDLR : Casey] a sorti son premier album et enchaîné assez vite sur le suivant. Le mien était en cours depuis un bon bout de temps, celui de Prodige aussi. On va déjà essayer de finir ces trucs-là et on va s’y mettre après.

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4 commentaires

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  • *milka*(r),

    l’album est vraiment bon! j’ai bien kiffé le seul regret c’est qu’ils ne côtoient plus trop la rumeur

    quelqu’un sait ce qu’il s’est passé entre eux?
    en tous cas ont voit qu’il ont toujours du respect entre eux.

    Ils se sont justes éloignés comme de vieux amis qui ne se voient plus trop ou est-ce qu’ils se sont embrouillés?

    atmosphère securitaire; la police assasine (decouvert en extrait dans represaille);ni honte ni fierté;le couteau dans la playlist sont mes préférées

    et j’ai une question que représente « 212 » que B.james cite des fois (même une musique 2.1.2 sur représailles)?

  • Brother Mekki,

    Que du bon ! B.James a son propre univers et un flow bien spécifique… le meilleur mot pour le caractériser serait AUTHENTIQUE. Peace

  • AlecRamsey,

    Les vrais gars font de vraies choses…