Tcho, cinquante nuances de noir
Interview

Tcho, cinquante nuances de noir

Zone de Quarantaine n’est pas seulement le livre de Tcho. C’est une certaine esthétique du rap, étalée sur quinze années de photos et graphismes. Une vision avec au moins cinquante nuances de noir.

et Photographie : Hugo Aymar

Graffeur, graphiste, photographe ou réalisateur vidéo, Tcho a progressivement creusé ses propres sillons. En pur autodidacte, il a développé depuis une grosse quinzaine d’années une esthétique aussi affirmée qu’atypique, avec ses références éparses. Toujours sombre et chargée de zones d’ombre, elle sert un parti-pris riche de nuances et évolutions. Sorti il y a quelques semaines et disponible à l’achat sur le site de Hors Cadres, le livre Zone de quarantaine en dit très peu sur l’homme. Mais il regroupe une bibliothèque de photos, extraits de clips et graphismes pour certains inédits, mettant au passage la lumière sur ses collaborations avec Casey, Vîrus, Ali, La Rumeur, Cut Killer, DJ Premier ou Blaq Poet. De ses débuts à aujourd’hui, il y a à la fois une cohérence et une évolution. Une vision atypique et le regard d’une génération qui voit la quarantaine arriver à grands pas. Ses premiers travaux, ce sont aussi les débuts de l’Abcdr, avec l’innocence et l’outrance qui allait avec. Quand on retrouve Tcho sur le banc des Frigos, un terrain de création du treizième arrondissement parisien, ce sont toutes ces années qui nous reviennent à la gueule. Avec ses fulgurances, ses coups d’éclat et ses anecdotes de daron.


Parcours

Tout le monde sort des livres en ce moment, c’est une espèce de mode. Moi, je voulais faire un bouquin de graphisme. Je ne voulais pas raconter ma vie et mon parcours. Quand j’ai fait ce bouquin, cette page qui compile mes références, c’était un peu une page rustine. J’attendais la préface de Kenzy et je ne savais pas encore trop la longueur du truc. Cette page, elle aurait pu ne pas figurer dans le livre.

À un moment, j’avais imaginé faire une double page mosaïque, comme tu avais dans tous les albums de rap français à une époque. Tu sais le truc avec toutes les photos de quartier, de vacances cramées, dans le style des intérieurs de livret de Lunatic ou 113. Je m’étais même emballé à un moment, je me suis dit que j’allais mettre des photos de potes disparus pour leur rendre hommage. Bref, quand tu vois les ouvrages de graphisme, généralement c’est un truc assez particulier. Tu as des pages entières d’alphabets avec des suédois ultra-pointus qui t’expliquent des concepts. Je voulais placer le mien dans un certain contexte crasseux. Je voulais afficher le côté branleur de banlieue. [rires]

Cut Killer

J’avais d’abord rencontré son petit frère Samir, via Texaco de 360/Wicked, pour qui j’ai pas mal bossé. Il était un peu dans tous les événements de Paris. Un jour, il m’a contacté pour faire des visuels. À l’époque, je bossais exclusivement pour Anfalsh, j’étais assez fermé. Avec ce collectif de quatre rappeurs, au bout d’un moment, mon stock d’images de couteaux allait s’épuiser ! [rires] Je n’ai jamais voulu me spécialiser dans le super hardcore ou le gore. Ça c’est fait très naturellement parce que j’ai collé à leurs textes.

Je bossais aussi avec La Rumeur et au fur et à mesure j’ai eu d’autres sollicitations. C’est à ce moment-là que j’ai créé Antidote. Pour avoir mon propre truc, pour pouvoir bosser avec d’autres personnes, sans associer Anfalsh à tout ce que je pouvais faire. Pour revenir à Cut, quand il m’a demandé de faire des trucs pour lui, j’ai naturellement accepté. C’était un putain de DJ et j’ai bouffé un paquet de ses mixtapes. J’ai sorti quelques premiers trucs, des pochettes assez sombres, et j’ai eu d’excellents retours. Il me disait que ça tuait. On a continué comme ça de fil en aiguille. J’ai été à un moment dans son circuit, je faisais des flyers pour des soirées en club. Je n’étais pas super convaincu par ce que je sortais, je voyais les limites du truc. Il vendait des prestas en boîte et moi je lui sortais des visuels un peu ambiance « tunnels de gares désaffectées » donc voilà…. [rires]

Anfalsh

Anfalsh, c’était la base de tout. Et c’est encore la base de tout. Je suis toujours lié à Anfalsh et on m’associe toujours à Anfalsh. À la base, c’était Spécial Homicide avec Casey. On était un peu dans une approche de collectif à l’ancienne avec des mecs qui faisaient un peu de tout. Avec le Special Homicide, on avait un mec il était rechercheur de sons. En vrai, le mec, on ne savait pas ce qu’il faisait, il n’a jamais rien fait, il était juste là pour fumer du pilon. [rires] Tu peux avoir un danseur sans en avoir besoin. On ne va peut-être jamais faire de concert mais c’est pas grave, viens avec nous. [rires] Il y avait une géométrie variable. Le modèle, c’était NTM. Graphiquement parlant, tu n’avais que des pointures dedans : Colt, Mode 2. C’était un bon modèle, où tu rassemblais des grosses énergies.

Anfalsh, c’est ma base, c’est le giron avec lequel j’ai commencé. J’étais dans un collectif de graffiti de la banlieue sud, P19, et Casey traînait pas mal avec nous. On a toujours été en bons termes alors forcément quand des trucs se sont présentés, ils sont venus vers moi. Ils m’ont toujours fait super confiance, même si, au départ, il n’y avait pas forcément d’enjeux. À part sur le premier EP de Casey vu qu’elle avait déjà fait des apparitions ici et là. Au départ, Casey était pas mal en retrait, elle poussait beaucoup Sheryo. C’est l’époque de Ghetto Trip et du maxi Je reste underground. Elle a embrayé après sur ses projets perso’.

Sheryo

J’ai pu m’essayer à plusieurs trucs avec les projets de Sheryo. Il m’avait dit clairement : « je veux un dessin. » Quand il me parlait de mangas, je ne réussissais pas à le suivre. Il sortait des trucs très précis quand tu parlais avec lui et il faisait la même chose dans ses textes. Pour la pochette de Ghetto Trip, il voulait un gars qui sorte des souterrains, avec un côté un peu crade à la Redman. Moi à cette époque-là, j’aimais bien le style Marvel mais travaillé avec du volume. Je me mettais à faire des mises en couleur avec un stylet, en plus de la bombe. On avait essayé de faire un clip pour « Ghetto Trip ». Il n’est jamais sorti. Je me souviens de la scène : [NDLR : il joue le truc] « Bon, c’est l’été. Ça promet d’être long et chiant. J’ai pas l’impression qu’on soit tous partis pour bouger, venez, on va essayer un truc ! » [rires] On avait rassemblé Nassim, un proche de La Rumeur qui faisait une école de cinéma et un pote à moi, Lazhari, qui faisait des photos. On avait tenté de faire un clip. On l’a fait mais le rendu n’allait pas, on a lâché l’affaire du coup.

Casey

J’avais un pote qui était un peu dans la vidéo : Malik. Il avait déjà bossé sur des trucs pour Dontcha, notamment avec Paguano sur le clip de « La rue c’est Bang Bang ». Le clip avait bien tourné à l’époque. Mon pote avait aidé d’un point de vue logistique. Du coup, avec ce même pote, on s’est dit qu’on allait essayer de faire un truc. J’avais loué un studio sur mes deniers et on avait trouvé un monteur pour caler ça. On avait fait notre truc et le clip avait bien plu. Même moi, j’étais surpris et satisfait du résultat final. « Dans nos histoires », c’est le premier essai concluant. Le premier où tu te dis : « je ne vais pas tout arrêter là. » Ce clip, c’est l’époque de Seven, tu retrouves un peu les mêmes teintes dedans.

Pour Tragédie d’une trajectoire, on ne savait pas trop où on allait aller. En sachant que c’était une époque où tu avais beaucoup de plans serrés, de la photo propre de beau gosse. On a voulu partir sur une approche avec un vrai gros plan sans aucune typo. Mais on voulait ramener un autre truc, qui colle avec la personnalité de Casey. On avait déjà la photo de base avec son expression. J’ai eu cette idée des balafres et des trucs comme ça. J’ai fait des essais et on a vu que ça fonctionnait bien. Mon interprétation de Tragédie d’une trajectoire c’était ce côté amoché avec un parcours difficile. Les visuels de cicatrices que tu retrouves dans le bouquin, ce sont les bases de travail de tout ça. Quand je suis retombé là-dessus, je me suis dit que j’étais obligé d’en faire une mosaïque et de l’inclure. Parmi tous les trucs que j’ai pu faire, cette pochette, ça reste aujourd’hui un des trucs que je préfère. Je me rappelle qu’un pote m’avait appelé pour me demander : « mais Casey, elle s’est mangée en moto ou quoi ? » [rires]

Libérez la bête, c’était une autre expérience. Mais je suis toujours très content de cette pochette-là. Avec ce côté superposition de couches. Une nouvelle fois, on ne savait pas trop où on allait au départ. On avait fait des photos et trouvé un profil qui dégageait un truc. Un peu comme un lion de profil, c’est quelque chose que tu peux retrouver régulièrement dans l’imagerie rasta. Peu de temps avant, j’avais été voir Mirrors [NDLR : film d’Alexandre Aja] et j’avais vraiment kiffé le délire de jouer avec les reflets. J’ai voulu jouer avec ça. Après, tu as un vrai confort de travail avec Casey. Elle a une personnalité « entière » et les gens ne savent pas trop comment la prendre mais ça tue. Son allure, son rap, son côté bestial en live. Tu as plein de choses avec lesquelles tu peux jouer. J’ai vraiment un bon souvenir de l’album Libérez la bête. C’est un projet vraiment réussi, l’album a bien vécu et elle avait pu faire des beaux concerts.

Zone Libre

J’avais écouté le premier projet : L’Angle Mort. Je me prends une tarte pas possible. J’entends « Purger ma peine », je me dis : « après ça, je ne vois pas ce que tu peux faire de plus fort Zec’. » À l’écoute, Hamé m’avait proposé de bosser sur l’image mais au final ça n’avait pas pu se faire. Pas de souci, ça arrive. Après, l’anecdote, c’est que je découvre la pochette du projet par le distributeur qui me dit : « j’ai un souci avec la pochette : elle est dégueulasse, je te l’envoie. » Le gars qui nous avait dit ça, c’était le boss de Musicast. Et ce mec il est aveugle. C’est un souvenir qui marque : « même pour les aveugles, la pochette pue. » [rires]

Bref, moi j’arrive juste après le départ de Hamé, le groupe sort tout juste d’une période vraiment délicate. J’avais fait des photos de presse vite fait parce qu’ils n’avaient rien. J’étais passé à leur résidence à Angoulême, j’avais rencontré Sergio [NDLR : Serge Teyssot-Gay] à ce moment-là. Pour la pochette des Contes du chaos, Sergio m’avait dit : « je voudrais un truc de charbon noir qui absorbe la lumière. » J’avais fait une espèce de mélange de mains, de regards dans le noir, mais ça ne collait pas. Sergio et sa compagne avaient fait une photo et une cover de leur côté mais là… c’est Casey qui m’avait appelé pour me dire : « bon, trouve un truc, ça ne va plus cette histoire de pochette. » Au final, j’ai réussi à jouer avec les textures pour sortir ce visuel très sombre. Bon, c’était la volonté de départ. Du charbon noir.

Kenzy

Kenzy c’est un vrai passionné. D’extérieur, tu peux le voir comme un homme d’affaires froid, avec une certaine répartie et un côté sulfureux. Mais quand tu lis sa préface, tu comprends que c’est un mec qui maîtrise très bien son sujet, à savoir la culture hip-hop. Quelqu’un qui peut te sortir des références très précises dans le graffiti. Et c’est ce qui me plait dans sa préface, tu ressens cette passion. Cette passion qui fait que tu peux avoir envie de persister dans le graphisme ou dans n’importe quelle autre discipline. Après, le timing de la quarantaine, il n’était pas calculé précisément. Mais ce livre, c’est aussi un modeste bilan de différents trucs que j’ai pu faire. Je ne sais pas du tout si je ne vais continuer à moyen terme à faire tous ces trucs là, comme je le veux.

J’avais rencontré Kenzy via Geraldo, à l’époque de 45 Scientific. À un moment, je bossais pas mal dans leurs locaux. D’ailleurs, j’avais fait la pochette de Tragédie d’une trajectoire là-bas. On se voyait de temps en temps là-bas. Il a eu besoin d’une pochette pour Ärsenik, pour la compilation qui terminait le contrat avec la maison de disque de l’époque [NDLR : Hostile]. J’ai aussi bossé avec lui sur différents événements qu’il essayait de monter en Afrique. C’est quelqu’un que je respecte, on a ce côté grande banlieue en commun. Pour lui, Paris c’était des branchouilles. Et lui, c’était un mec de banlieue. Quand tu te retrouves à trente, quarante bornes de Paris, tu te retrouves un peu dans les mêmes ambiances.

Vîrus

La première fois que j’ai vu Vîrus, c’était lors d’une soirée que Bachir organisait pour The Nonce [Bachir sortait alors The Only Mixtape, un projet qui retraçait le parcours du groupe californien The Nonce, NDLR]. Un petit mec distribuait des tracts. C’était Vîrus. Je vois sa tête cassée, il approche, il me donne un flyer et me dit : « hey ça va ?« . Je ne sais pas qui c’est, et dans ma tête je me dis : « lui, c’est un cassos. S’ils l’ont mis au tract, c’est qu’il y a un truc ! » [rires] C’est quand Bachir m’a fait écouter « Saupoudré de vengeance » que j’ai fait : « ah ouais, chaud. »
Vîrus ce sont des textes sombres, parfois très sombres, mais dans sa manière d’écrire, tu retrouves des bribes de son humour. Le cynisme qu’il y a, tu sais que le gars se marre, ce n’est pas possible autrement. « Des fins » c’est autre chose, là ça te plombe. Mais sinon, tu sens de l’humour, de l’autodérision. Il t’envoie une photo avec un gros gars qui tient un poisson en te disant : « on prend ça pour le flyer de « Saupoudré de Vengeance » ! »

Si j’avais été plus jeune ou naïf, en écoutant Vîrus, je me serais sûrement attendu à rencontrer un gars sapé comme The Crow. [rires] C’est comme quand Casey disait dans votre émission [NDLR : émission avec l’Asocial Club diffusée l’année dernière]: « je ne dors pas dans une tombe. » Je vois pas d’opposition entre l’humour et cette noirceur, sauf dans certaines thématiques.

Avec Vîrus, on parle plus de choses drôles que de tristesse. Je pense qu’il est arrivé avec un vrai truc en plus. Et ça, dès qu’il s’est mis avec Banane [NDLR : producteur de tous les derniers projets de Vîrus depuis sa trilogie]. Au moment de « Zavatta rigole plus », il avait pourtant de gros doutes. Mais il m’a laissé essayer. On est toujours dans l’échange. Un morceau comme « Champions League », on n’y arrivait pas. Il me parlait de  foot et moi ça ne me parlait pas. Moi en écoutant le morceau, je voyais des gens cramer. On n’a pas pu le faire, c’était compliqué. On voulait des plans comme ça : des manifestants qui avancent au ralenti, tout le monde croit qu’ils se prennent de la pluie. Mais en fait, pas du tout, ce sont des petits roms qui leur pissent dessus depuis un pont. Pareil, les petits qui courent en souriant, comme s’ils étaient poursuivis pour des conneries, et en dézoomant, on se rendait compte qu’en fait c’était eux qui coursaient un type en feu. On était parti là-dessus. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’on s’est aussi rendu compte que plus on faisait marrer, plus on attirait la sympathie. Et à un moment on s’est dit qu’il fallait que les gens se disent : « ah ouais, mais là non ! » [rires] On voulait que la personne qui mate le clip se dise : « Non mais moi, je ne suis pas dans ces conneries là. Autant la branlette sur Christophe Maé, oui, mais là, non. » [rires] J’étais allé voir des petits près de chez moi, ils étaient chauds. C’était au début des polémiques sur les roms. Nous on s’en battait les couilles de la stigmatisation. Eux aussi. On voulait montrer des gens qui s’en battent les couilles, vraiment et de tout. Dans la tête de Vîrus, c’est ça : champ libre.

DJ Premier

Je l’ai suivi à un moment quand il passait par ici. À chaque fois qu’il venait, il m’appelait. Sur toutes les dates, c’était convenu que je vienne pour prendre des photos et filmer. Il voulait une espèce de banque d’images. Le soir même à l’hôtel je faisais le derush et ensuite je rentrais chez moi. Bon, après, Premier, c’était un vrai kif. J’ai pris pas mal de photos de live mais c’est vraiment un truc que je déteste. J’ai un déchet pas possible quand je fais ça, je trouve que c’est un travail super aléatoire. En fonction de la lumière de la salle, ça change du tout au tout. J’avais notamment pris des photos mémorables des retrouvailles avec Jeru à La Bellevilloise. Ça faisait dix piges qu’ils ne s’étaient pas parlé. Il y avait une lumière de merde, je n’ai rien pu faire de ces photos. Parfois, tu réussis des trucs, comme quand j’avais fait Archie Shepp [NDLR : Archie Shepp avait fait une date commune avec Rocé au Bataclan en décembre 2013.] Tu peux choper des expressions, mais il y a beaucoup de hasard.

Il pose sur cette photo mais c’est un ricain le gars, il fait un truc à la Gérard Darmon dans La cité de la peur ! [rires] Cette photo elle parlait, après j’en avais dix mille où il gueulait au micro. Je me souviens qu’il avait fait un show à l’Élysée-Montmartre, peu avant que ça crame. Il devait être 4 heures du matin quand il débarque, juste avant il y avait eu Alchemist et Just Blaze. Je me souviens qu’à 4 heures la salle était encore pleine à craquer. J’ai encore ces images. C’était peu après la mort de Guru. Il l’avait dédicacé et avait enchaîné par « Full clip ». Je me souviens qu’à ce moment-là tout le public avait sauté dans tous les sens. Le mec, tout seul, il avait retourné la salle.

45 Scientific

À l’époque où 45 était vraiment fat, moi, je bossais sur L’ombre sur la mesure. Au départ, je n’accrochais pas forcément à Mauvais œil. L’album était bien produit et tout, mais je ne me tuais pas à ça. J’arrive après le départ de Booba qui a bousculé beaucoup de choses en interne. Ils ont voulu ramener des nouvelles têtes, Lalcko, Escobar, mais bon… c’était difficile d’arriver après Booba. Quand tu es un peu plus bas, les gens ne sont pas compatissants du tout. Au contraire, ils sont contents de fou. Au moment où j’arrive, il y a un peu tout à refaire. Ali va sortir son premier album Chaos et Harmonie. À cette époque, Ali ne souriait pas forcément beaucoup. Mais bon, Ali, tu sentais direct le mec droit, avec un bon fond. On échange régulièrement aujourd’hui, on se parle de plein de trucs. Tu le vois maintenant, il est apaisé. Ali, c’est un mec bien. Et plus ça va, plus je veux évoluer avec des bonnes personnes.

Blaq Poet

Je l’avais rencontré via 45. En sachant que quand Poet discutait avec 45, il faisait ses affaires dans le dos de Premier qui venait de le signer sur son label, Year Round. [Il souffle] Non mais Poet c’est une crapule finie, un mec ingérable. Tu as beaucoup de gens qui parlent sur Geraldo, mais pour moi, de ce que j’ai vu, il a toujours été carré. Déjà c’était l’un des seuls indépendants qui donnait des avances. Il avait mis bien Poet pour l’album, il avait payé pas mal de trucs pour lui. Ensuite, dans le dos de Geraldo, il récupère l’album pas encore mixé pour le dealer à Traffic Entertainment. Du coup, tu as une autre version de l’album qui sort comme ça.
Avec Geraldo, on débarque à New-York avec l’artwork de l’album Déjà Screw, le truc fini. Les mecs de l’équipe de Preemo étaient déjà un peu saoulés par Poet. Ils avaient vraiment kiffé tout le graphisme de l’album. Ça faisait plaisir mine de rien, j’étais plus jeune, il y avait la barrière de la langue, c’était pas évident. Du coup, ils m’ont proposé d’autres trucs. J’ai pu enchainer sur NYG’z et tous les autres trucs dont ils avaient besoin. Bosser là-bas, faire du graffiti là-bas, c’était un gros kiff quand même. Des mecs de ma génération, tu leur parles de Preemo c’est quelque chose. Mais moi, je suis aussi entouré de gens qui s’en foutent du rap. Mes filles et leur mère, elles n’en ont rien à foutre. Les gars de chez moi, à l’époque du Boom-bap des années quatre-vingt-dix, ils écoutaient du funk, et maintenant, c’est de la Trap ou du rap français que j’écoute moins. À part quelques-uns, ils ne quantifient pas trop ce que tu fais. Et quelque part, c’est un bien tout ça.

Asocial Club

L’Asocial Club c’était un contexte assez particulier. Au tout départ, ils voulaient tous faire des plateaux. Mais finalement, c’est assez vite devenu un groupe. Et rien que pour sortir un visuel dès le début ça pouvait être compliqué. Comme dans chaque groupe, tu peux avoir des avis différents. Synthétiser tout ça, trouver le truc que tout le monde valide, ça peut être complexe. Je sais que les gens m’identifiaient un peu comme celui qui avait fait le groupe. Mais non, pas du tout. Je pense que c’est à ce moment-là qu’ils se sont aussi tous rendus compte que bosser ensemble, entre eux, ce n’était pas facile. Vîrus, c’est quelque chose, Al c’est encore autre chose, Anfalsh il y avait des mécanismes qui ne pouvaient plus forcément fonctionner ici. Rocé devait être dedans et finalement non. En plus, ils travaillent tous différemment. Certains écrivaient sur place, d’autres écrivaient bien à l’avance. Il fallait caler les emplois du temps, en sachant que Vîrus est à Rouen. Moi, j’étais au milieu de tout ça, normal, ce sont tous mes amis. Bref, à un moment, je leur ai demandé de m’appeler pour les visuels, mais c’est tout.

J’ai pu également contribuer car il n’y avait pas forcement de pépettes, et il fallait quand même de la promo, donc je leur ai proposé les logos détournés et le teaser « Happy » version Asocial Club, ils ont validé et on a balancé. Asocial Club c’est sorti discrètement à la rentrée, avec des galères de distrib’, c’est dommage. Dans le son, c’est pareil, ils ont tous pu mettre leur touche, c’est un album cohérent mais c’est clair que ça ne pouvait pas être aussi poussé que sur leurs projets perso’. C’était un projet pour faire de la scène et ce disque, il était surtout là pour valoriser le plateau. L’Asocial Club, c’était surtout un regroupement d’individualités, pas un groupe tout court.

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