Chronique

Kohndo
Tout est écrit

Ascetic Music - 2003

Membre du Coup d’état phonique aux cotés de Egosyst, Lumumba et Raphaël au début des années quatre-vingt-dix, et donc par la suite de La Cliqua, Kohndo, anciennement Doc Odnok, s’émancipe de toute entité collective en 1998. Fort de trois maxis, Prélude à l’odyssée, Jungle Boogie et J’entends les sirènes, plus une multitude d’apparitions sur différents albums et compilations (citons entre autres Eastwoo (EP posthume de East), Extralarge (Ol’Tenzano), La fin du monde (NAP) ou encore La bible du soldat (IMS)), Kohndo balise depuis maintenant cinq années le chemin vers son premier album solo. Un travail de fond, rêve devenu aujourd’hui réalité à l’heure où le rap français, majoritairement dénué d’âme et de sens, paraît plus que jamais toucher le fond. Tout est écrit, premier long format fait donc son apparition dans les bacs, en caressant l’espoir de redorer le blason bien terne du rap hexagonal.

Alors qu’en est-il ? Et bien une fois n’est pas coutume nous n’entretiendrons pas plus longtemps ce suspense insoutenable pour admettre d’emblée le postulat suivant : Tout est écrit s’avère une franche réussite. En marge des tendances musicales du moment où beaucoup de rappeurs bafouillent quelques rimes sur des sonneries de téléphone portable et d’horribles refrains chantés, Kohndo a su de son coté, développer une démarche artistique propre. Entouré d’un pole de producteurs encore peu connu composé de Stix, Yvon et Jee2Tuluz, Kohndo évolue au sein de cet album dans un univers musical aux accents de Soul et de Jazz, rappelant les atmosphères concoctées par DJ Spinna, Fat Jon ou Jason Rawls. Les boucles de piano et de cuivres se mêlent à des beats plus ou moins posés, le tout dans une atmosphère harmonieuse. Et si cet ensemble musicalement homogène connaît parfois quelques baisses de régimes, plusieurs morceaux tirent l’ensemble vers le haut. C’est le cas notamment du très laidback ‘La Partition’ (produit par Yvon) dressant un parallèle entre vie et musique ou dans un autre registre, plus brut et égotrip, ‘Quand la vie te capte’ et ‘J’arrive phat’ (signé Jee2Tuluz). Ce dernier est à l’origine du morceau le plus brillant de cet opus, ‘Amour et Peine’, une production enchanteresse aux relents de Soul chargés d’émotion. Kohndo excelle sur cette composition et réussit à toucher directement son auditeur, sans prêcher maladroitement la bonne parole mais plutôt en laissant transparaître une sincérité immédiatement perceptible.

Kohndo se fait donc l’écho d’un rap positif, porteur d’espoir en ses heures obscures à l’image de ‘Loin des halls’ « loin des halls, tous, un jour peut-être, on ira plus loin que les avenues qui peu nous reflètent, plus loin que nos rues juste pour trouver l’issue, changer de point de vue pour s’évader des murs voir au-dessus. » Les écrits sont appliqués, le point de vue souvent juste et nuancé, à la rencontre des sentiments, entre mélancolie, espoir, frustration et passion à l’image de ‘Quand la vie te capte’. L’extrait suivant en témoigne assez justement « Des claques ainsi j’ai vécu, constamment j’ai reçu des coups sans garder le dessus j’ai même perdu bref, je l’ai pris en face comme la plupart des gens j’ai grandi et bien compris que ce monde s’apprend sur le temps… »

L’ex- Doc Odnok a effectué au fil des années tout un travail technique sur le phrasé et la maîtrise du flow. Celui-ci transparaît tout au long de cet opus. Parfois incisif, souvent posé, Kohndo réussit à se fondre au sein des différentes atmosphères de cet album avec un certain brio. Le couplet matraqué en compagnie de La Cliqua sur le grandiose ‘Rap Contact’ il y a plus de six ans apparaît toujours d’actualité, « j’ai l’art de maîtriser la technique microphonique, monte la garde, j’assène mes mots comme des coups de poing« .

Le rap français peut encore réserver de bonnes surprises, preuve en est cet album. Puisse-t’il désormais rencontrer la reconnaissance qu’il mérite. Inutile d’en rajouter. Tout est écrit.

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