Chronique

Pete Rock
The Surviving Elements

BBE - 2005

Aucune tromperie insidieuse de la part du label BBE : comme il est fait mention sur la jaquette de l’album, ces « Surviving Elements »
représentent le résidu des sessions studio du dernier album en date de Pete Rock, « Soul Survivor 2 ». Soit quinze instrumentaux originaux qui n’ont pas trouvés MC’s pour les habiter. Mais a-t-on vraiment envie à leur écoute de les voir investis par des rappeurs, se pose-t-on seulement une fois la question de savoir qui aurait pu ? qui aurait dû ? La réponse est non. Les sons du Soul Brother Number One bâtis pour des rappeurs se savourent (aussi) sans voix, et avec quel plaisir ! Un tel concept d’album mérite le détour, induisant ce constat d’une indéniable solidité autarcique des édifices sonores du producteur.

Si l’essoufflement d’une musicalité qui m’est chère chez certains producteurs de renom (RZA, Alchemist) me paraît manifeste, il n’en est rien de Pete Rock dont on ne s’étonne plus tellement des apparitions de génie à chaque nouvelle caresse du laser ou diamant sur ses disques. Entre 2003 et 2004, beaucoup de très bonnes choses dans « Lost and Found », « Soul Survivor 2 » ou « My Own Worst Enemy », l’album d’Edo G. Feignons tout de même l’étonnement pour parler de la joie procurée une nouvelle fois par sa musique. Aucun creux, temps mort, « trou d’air ». Au contraire, formes, compacité, souffle de vie sont toujours et encore (même sur un album prétendument non abouti) les mamelles de cette musique pourtant d’une somptueuse légèreté.

Prenez « The Surviving Elements » : ce nouvel album peut être envisagé comme une bulle, un cocon si soyeux aux tympans que peu d’auditeurs attirés en son sein ne s’extirperont sans difficulté. Sixième titre : ‘Flying’, et vole la bulle, vole. Bourlingue, haute, soufflée par le rythme, en des contrées idylliques où règne la douceur d’un court chant virginal répété en boucle. Change le temps : ‘Stormy Weather’ à la si originale sonorité virevoltante nous entraîne par dessous en ascension rotationnelle comme pris dans une zone de turbulence. Passent les heures : ‘Midnight And You’, minuit est là, autour des corps le soleil ne brille plus au son des notes nappées d’un synthétiseur hypnotique. Hypnotisme ? Peut-être. Sautez un titre, c’est alors une bonne part du charme qui s’en trouve rompue car si l’on ne peut pas alors parler de discontinuité musicale (a priori aucun agencement des morceaux par le producteur) il y a tout de même un fort « manque à gagner ». S’envoler avec Pete Rock et ses « Surviving Elements » c’est tout laisser derrière soi, s’attendre à bien des plaisirs en retour. Après
un premier morceau soulful euphorisant (‘You Remind Me’), c’est du bain moussant ‘Hop, Skip & Jump’ que, hop, a lieu le décollage.

A ma connaissance, aucun autre producteur que Pete Rock ne possède ce don d’élaborer des beats aux vibrations aussi irradiantes, chargés d’une telle intensité émotionnelle – une suavité débordante qui prend peut-être sa source au centre de « Soul Survivor 1 » ? Ceci est vérifié une fois de plus dans ce nouvel album, dans ‘Smoking Room Only’ ou ‘U Are What U Are’ par exemple. Ecoutez, au détour de chaque titre, entre les rythmes chauds, les petits apports grisants de Pete Rock à ses prods, comme il semble s’appliquer à rendre celles-ci toujours plus vivantes et animées en élargissant indéfiniment sa palette sonore à nulle autre pareil. On pourra à ce titre, et pour chipoter un peu, préférer la pochette de « Soul Survivor 1 » qui reflétait joliment la puissance érotique indéniable de sa musique à celle des « Surviving Elements » aux carreaux blancs, trop froids pour coller au son du producteur. 

Il faut de toute façon chipoter pour réellement trouver à redire à cet album certes en friche mais pourtant tellement riche. 

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*