Chronique

The Society of Invisibles
The Society of Invisibles

Babygrande Records / Geist Audio Records - 2006

Jusqu’ici, Phoenix a été plus connu pour ses cactus et son (ses) soleil(s) que pour ses MCs. Et, soyons francs, The Society of Invisibles (T.S.O.I.) n’y changera certainement pas grand-chose. Mais ce crew tentaculaire (16 membres !) a les atouts pour faire apparaître durablement la ville d’accueil de notre Bobo national sur la carte du rap, en un rouge bien dégueulasse qui tâche.

Disons-le d’emblée : les personnes exigeant que des artistes Hip-Hop soient un minimum responsables et censés dans leurs propos devront passer leur chemin en hâtant le pas. T.S.O.I., c’est le niveau zéro du bon sens et du discernement version rap, ce qui témoigne de la teneur abyssale du discours. Les limites du mauvais goût sont repoussées à l’extrême : « I’m down with the Ku-Klux, down with the satanists, I’m down with the Black Panthers, down with the rapists, bitch« . Les poncifs du genre « bête et très méchant » sont bien évidemment de sortie, même si certains membres du roster parviennent à explorer les registres gangsta et horrorcore de manière originale. Ainsi, le dénommé Sun Sun Slaughterhouse décline tout au long de ses apparitions une imagerie tellement malsaine qu’elle en deviendrait presque fascinante.

Pour ce qui est du emceeing, on appréciera la diversité proposée par les multiples intervenants au micro. Les crédits de l’album, réduits à leur strict minimum, ne précisent pas qui rappe quand. On identifiera cependant rapidement les différents flows et grains de voix, très distincts les uns des autres : les prestations hystériques de Sun, le ton sentencieux et rugueux de Gutta et le timbre nasillard d’Indrid Cold marquent particulièrement. On émettra toutefois quelques réserves quant au niveau de certains autres MCs du crew, aux couplets fleurant un peu trop l’amateurisme pour apparaître sur un album.

Afin de ne pas faire les choses à moitié, T.S.O.I. dispose de sa propre équipe de producteurs, subtilement baptisée « The Dead Beats » (Erel, Plan B et Eddie Satan). Tracklisting épuré oblige, impossible de mettre un blaze précis sur chacune des productions de l’album. Peu importe, pourrait-on dire, car le parcours tient presque du sans-faute. Dans des styles variés, le trio parvient à fournir des instrus faisant toujours mouche, même si certaines auraient mérité d’être plus structurées afin que les morceaux sonnent moins « freestyle ». Les influences, clairement affichées (Wu-Tang Clan, Jedi Mind Tricks, Non Phixion) ont été parfaitement digérées, au point de ne jamais apparaître flagrantes. Deux pépites sortent clairement du lot, la prod sautillante de ‘Dial M for Murder’, et celle de ‘Watching You’, employant des cuivres menaçants et une section rythmique très « soul ».

Ces deux morceaux, véritables hymnes du crew, sont d’ailleurs les moments les plus marquants de la galette. On regrettera même que le reste de l’album ne soit pas aussi abouti et bien travaillé : en effet, un mixage un peu léger par moment et un manque de structuration de certains titres (un seul refrain sur tout l’album !) créent un contraste entre les deux bombes ouvrant le disque et ce qui suit.

Malgré ses défauts, ce premier LP de T.S.O.I. a le grand mérite de nous faire découvrir un collectif très prometteur. T.S.O.I. dispose d’individualités fortes, d’une identité sonore et d’un univers particulier, parfaitement présenté à travers des clips vidéo très réussis. Reste désormais à rompre avec un certain amateurisme qui nuit à la prestation d’ensemble. Espérons que ce sera chose faite pour Episode 19, second album actuellement en préparation.

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