Chronique

Gang Starr
The Ownerz

Virgin / Gang Starr productions - 2003

« Real Hip-Hop« . L’ex-duo inoxydable Guru-DJ Premier en a fait une raison d’être et un état d’esprit décliné pendant plus de quinze ans. Six vrais albums au compteur – comprenez hors compilation – et une place clef sur un échiquier musical pas tout à fait propice à la stabilité. The Ownerz, dernier album en date de Gang Starr, remonte à 2003 soit une quasi éternité. Et sauf retournement de situation improbable, ce sixième long format restera sans suite, chacun étant parti depuis sur ses chemins de traverses et projets annexes. Cinq années se sont déjà écoulées depuis. Cinq années soit bien assez pour prendre du recul et porter un regard neuf sur l’ultime livraison labélisée Gang Starr.

« Stakes is high » dirait De La Soul. Attendu comme un aboutissement, The Ownerz suscitait avant même de voir le jour d’énormes attentes. Des attentes objectivement trop élevées. Alors oui, il n’est pas ce disque référence portant haut la croix d’un rap conscient obsédé par l’intégrité et la droiture. A défaut, il offre une vraie constance qui fait écho aux albums précédents. Même description des réalités new-yorkaises, même conscience sociale, même volonté de fustiger le faux pour mieux encenser le vrai, même conclusion hommage aux disparus (‘Eulogy’ rappelle le ‘In memory of…’ de Moment of truth). On ressent bien parfois les grosses ficelles avec cette impression qu’il est futile de rappeler des évidences. En somme, on pourrait reformuler ici ces éternels reproches qu’on met en face des récits un minimum moralisateurs. Incrédulité et naïveté pour certains, réalité pour d’autres. Mais l’essentiel est ailleurs.

En grand mégalo devant l’éternel, le Gifted Unlimited Rhymes Universal déroule ses récits, pour le coup plutôt bien ficelés avec cette voix à la fois brute et charmeuse. Si Guru n’a pas toujours été le point fort du groupe, ici il apparaît clairement en belle forme. Ce qui n’est pas forcément le cas de tous les membres de la Gang Starr Foundation cuvée 2003 (Big Shug, Freddie Foxxx, Krumb Snatcha, NYG’z…) sonnés au rappel pour l’occasion. Les proches que sont Fat Joe ou M.O.P. dynamitent bien un ‘Who got gunz’ qui résonne comme des coups de fusil à pompe dont les douilles s’entassent au sol à chaque inflexion du beat. L’apparition surprise de Snoop sur ‘In this life…’ aurait pu être marquante mais le ton laid-back du D.O.G.G. colle mal avec les beat de Preemo, transformant l’évènement en anecdote.

Entièrement produit par Premier, The Ownerz développe une vraie esthétique musicale, cohérente et dans la droite lignée du sillon creusé depuis quinze ans par le boss de Year-Round. Pas de renouveau brutal, plutôt des retouches à une alchimie éprouvée centrée autour du sample. Ces compositions labellisées Preemo sont enrichies par un flot régulier de scratches et autres cuts. Mention spéciale au cut reprenant Method Man sur ‘Who got gunz’, une nouvelle montée d’adrénaline sur un morceau qui n’en manquait déjà pas.

Mais le sommet de cet album est ailleurs. ‘Peace of Mine’ apparait comme LE gros banger à l’alchimie ravageuse. Le morceau qui aurait été un premier extrait tapageur à la place de ce ‘Skills’ un peu mièvre. Preemo bien remonté pour une introduction gueularde, Guru le mors aux dents crachant d’un trait – sans refrain – un long couplet délivrant une bonne leçon sur l’intégrité et l’authenticité – on y revient.

« Cats be buying up SoundScans to beef up sales

Niggaz wanna crossover, wanna be upscale

Fuck that, that ain’t hip-hop, that’s something else

You’re better off back on the ave’ doing something else

All you suckers claiming that you are, thug or gangsta

You disrespect the game by dry-snitching you prankster »

Le discours est connu, même convenu, mais quand le grand prédicateur est aussi convaincant, on a forcément envie d’y croire. Avec cet état d’esprit et cette alchimie DJ/MC Gang Starr aura toujours le respect de la base. Institution respectée des puristes, voire des intégristes du Hip-Hop, Gang Starr n’aura jamais été assez cross-over pour obtenir cet énorme succès populaire transgressant les genres musicaux. Semi-échec commercial, The Ownerz n’est pas l’aboutissement espéré, il mérite néanmoins mieux que ce statut d’album vite oublié, vite mis au placard. Il pose enfin une question essentielle, restée sans réponse : comment Guru a-t-il pu délaisser une légende vivante comme DJ Premier pour reconstituer un duo avec Solar, cet obscur producteur de troisième zone ?

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