Chronique

Eminem
The Eminem Show

Interscope Records - 2002

Depuis The Slim Shady LP et le début de la fructueuse collaboration entre l’ex-NWA implacable producteur Dr Dre et le rappeur blanc de D-12, Eminem, la réputation de ce dernier n’a cessé d’enfler. Aujourd’hui perçu comme la voix blanche la plus populaire d’une musique majoritairement noire, Marshall Mathers jouit d’une popularité hors-norme, allant bien au delà du cadre musical. Du coup, on en viendrait presque à comparer notre phénomène de société, et modèle pour l’adolescent Américain moyen, à un certain Elvis Presley. Notre rappeur s’amuse d’ailleurs de ce parallèle sur ce quatrième album, intitulé The Eminem Show ; il lâche sur ‘Without me’ un ironique « though I’m not the first King of controversy, I’m the worst thing since Elvis Presley, to do Black music so selfishly, and use it to make myself wealthy. » Epoques différentes, mais avouez que nos compères partagent quelques similitudes troublantes.

‘White America’, premier morceau de cet album, aborde d’emblée ce thème pour le moins bouillant. Notre nouvelle idole des jeunes se montre à la fois lucide sur son nouveau statut, conscient du soutien populaire dont il peut désormais bénéficier ‘‘It’s like a fuckin’ army marching in back of me », mais aussi critique envers ceux qui voient en sa couleur de peau l’unique raison de son succès. Il leur adresse une piqûre de rappel bien sentie: « When I was underground, no one gave a fuck I was white,no labels wanted to sign me, almost gave up I was like, fuck it – until I met Dre, the only one to look past, gave me a chance and I lit a fire up under his ass, helped him get back to the top, every fan black that I got,was probably his in exchange for every white fan that he’s got. » Rien à rajouter.

Non, Eminem n’est pas Vanilla Ice, et son énorme succès commercial repose, entres autres, sur son indéniable talent en tant que MC. Mais pour cette quatrième longue représentation notre blond platine commence à manquer d’imagination. Il ressasse une nouvelle fois les même thèmes, la haine envers sa mère (‘Cleaning out my closet’), l’amour pour sa fille (‘Hailie’s song’), sa description d’une Amérique à deux vitesses ou encore sa vision un rien misogyne de la gente féminine (‘Superman’). La provocation a toujours fait partie du jeu d’Eminem, et on la retrouve tout au long de ses différents opus. Il le dit lui-même, et non sans une certaine lucidité, sur le solide ‘Soldier’ « Motherfuckers know that I’ll never be Marshall again, full of controversy until I retire my jersey« . Cet album ne fait bien entendu pas exception à la règle et comporte son lot de provocations en tout genre, question d’apporter un peu plus d’écho à sa musique. Moby et Canibus viennent ainsi se rajouter à la liste des habitués. Les soudaines poussées de folie, de haine et cet étonnant sentiment de persécution font aussi parties du spectacle. Elles sont calculées et justement entretenues. Eminem contrôle son affaire bien plus qu’il n’y paraît.

Musicalement, si The Eminem Show s’inscrit dans la lignée des albums précédents, il demeure tout de même qualitativement un ton en dessous. Dr Dre se contente de trois malheureuses et médiocres productions laissant Eminem en charge du reste; et force est de constater que sur ce terrain l’élève est encore loin de dépasser le maître. Si  »Till I collapse’ ou ‘Soldier’ tirent l’ensemble vers le haut, on trouve aussi quelques très mauvais morceaux (les très irritants ‘Superman’ et ‘Say what you say’ en tête) pour un ensemble juste correct. Quant aux tentatives de morceaux chantés (le refrain de ‘Cleaning out my closet’, ou encore le surprenant ‘Hailie’s song’), elles laissent une impression plus que mitigée.

Bien qu’un ton en dessous de The Slim Shady LP et The Marshall Mathers LP, ce quatrième épisode musical n’en reste pas moins un album de relativement bonne facture, qui recevra à n’en pas douter un exceptionnel succès commercial. Le spectacle est terminé, vous pouvez baisser les rideaux.

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