Chronique

DJ Quik
The Book of David

Mad Science / Fontana - 2011

Mine de rien, cela faisait un moment que « l’autre » chef d’orchestre de la West Coast n’avait pas sorti d’album solo. Depuis 2005 exactement, avec Trauma. Un bon album au demeurant, bien qu’un peu impersonnel et loin des sommets atteints par le passé. La gloire et plus simplement la carrière de DJ Quik semblaient s’être à peu près arrêtées avec le début des années 2000. Depuis le classique Rhythm-al-ism, il y avait eu quelques albums moyens, un live et des best of. Une période de creux musical accompagnée, et parfois causée, par divers problèmes personnels. Apparemment, la messe était dite. Mais c’était sous-estimer la passion et l’inépuisable talent du Quiksta. En 2009, Blaqkout, son projet commun avec Kurupt, avait été l’une des belles surprises de l’année. Il y expérimentait un son plus moderne, mais toujours aussi funky. Cette année, il revient seul aux commandes avec The Book of David, album longuement mûri au titre à la fois intimiste et messianique.

Avec cette nouvelle livraison, DJ Quik ne dément pas sa réputation : l’album est parfaitement produit. Les instrus, tout en étant accrocheurs dès la première écoute, recèlent une profondeur et une finesse appréciables. C’est dans cette combinaison de l’efficacité immédiate et de la richesse musicale que réside le génie de David Blake. Que l’ambiance soit légère ou plus rentre-dedans, les morceaux donnent l’impression d’avoir été ciselés. Pas un élément n’a été choisi au hasard. À ce titre, le travail sur les percussions est exceptionnel. Le beat syncopé de « Fire and Brimstone » en est le meilleur exemple. Évidemment, pour compléter le tout, le mix est impeccable et apporte au son toute son ampleur. La basse ronfle, le beat claque et l’on ressent comme une envie de se déhancher en faisant des W avec ses doigts. Une fois de plus, DJ Quik offre un album cuit au soleil de la Californie. Toutefois la partie plus clairement estivale se fait un peu attendre, tous les sons les plus funky étant regroupés à la fin de ce Book of David. C’est que, loin d’être une compilation de bons morceaux, l’album suit une progression logique qui va crescendo. Les dix premiers titres alternent entre règlements de compte et moments plus posés ; puis s’enchaînent quatre morceaux à l’ancienne, terriblement funky, tous construits autour de guitares chaudes ; après ce feu d’artifice « Time Stands Still » calme le jeu avec son atmosphère apaisée. Enfin, le disque se clôt par deux pistes essentiellement instrumentales, comme si les musiciens revenaient sur scène après un rappel pour donner un dernier bœuf. The Book of David porte la vision de son auteur, c’est un ensemble savamment élaboré, complet et harmonieux.

Libéré de toutes contraintes auprès des maisons de disques, pas pressé par des besoins financiers, DJ Quik avait tout son temps et toute liberté pour faire de son album exactement ce qu’il voulait, et cela se voit. Il ne fait aucun appel du pied vers les grandes ondes, il fait seulement ce qu’il sait faire le mieux et il continue de surprendre. Bien sûr les sonorités restent globalement les mêmes que par le passé, mais Quik ne s’est pas encroûté dans une routine. On peut notamment remarqué un usage plus fréquent et plus poussé des synthés et du piano. Ailleurs c’est un sample de Grease qui nous étonne sur « Hydromatic ». Et puis il y a toujours ce groove de folie qui plane sur chaque piste. On retrouve avec plaisir cet éternel G-funk, que Quik a su faire évoluer aussi bien musicalement que lyricalement. Au micro, le représentant de Compton se fait tour à tour menaçant, matérialiste ou charmeur, mais d’une façon plus adulte et plus légère. Il offre un gangsta rap classique, sans surjouer son rôle. Il n’a pas besoin de donner dans la surenchère. Bien conscient de sa stature, il se pose avant tout en patron et multiplie les phases égotrip sur le sujet. À ses côtés, d’autres légendes de la côte Ouest comme Ice Cube ou K.K. viennent lui prêter main forte. On notera aussi la présence du vieux complice Suga Free sur l’incroyable « Nobody ». DJ Quik aligne les couplets avec son air malicieux et sa voix typique, un peu nasillarde. Son flow est toujours élégant, même quand il rappe des rimes plutôt énervées. Il ne cesse jamais de s’amuser avec son instru. À l’opposé d’un débit froid, mécanique, son rap est toujours vivant et varié. S’il est surtout loué pour ses talents de producteurs, il est encore adroit quand il s’agit de passer derrière le micro.

Ce qui est le plus frappant à l’écoute de ce Book of David, c’est le sens du détail avec lequel il a été conçu. Les morceaux fourmillent de petits éléments qui font toute la différence, qu’il s’agisse de quelques tintements en retrait sur « Luv of my Life » ou encore du doublement jouissif de la caisse claire à 2 min 13 sur « Nobody ». Un véritable travail d’orfèvre. Avec cet album, DJ Quik réalise un trait d’union entre tradition et modernité. Il perpétue le son de l’ancienne école de L.A. en le faisant évoluer le plus naturellement du monde, sans revirement brusque. The Book of David est un disque chaleureux, léger, riche, autant de caractéristiques intrinsèques à la musique de Quik. Rien n’y est contrefait, David Blake n’applique pas une formule. Il ne suffit pas de gros claps et d’un riff de guitare pour atteindre cette funk renversante, il faut aussi cette maîtrise qui tient presque de la magie. Pourtant, cet album-ci n’est pas tout à fait un sans-faute, on y trouve bien quelques redondances et quelques morceaux moins marquants. Les deux titres avec Bizzy Bone notamment sont moyens. Le « Quik’s Groove 9 » est également un peu décevant au regard des précédents. Hormis ces petites nuances, il y a très peu à redire sur cet opus. Le temps dira s’il mérite ou non le statut de classique ; en attendant une chose est certaine, c’est un excellent disque.

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