Chronique

Mhz
Table Scraps

Autoproduction - 2001

Au milieu des années 90, Camu Tao et Copywrite, jeunes habitants de Colombus (Ohio), créent Mhz. En 98, ils sortent leur premier 12″ World Premier/Camu, chez le mythique (le plus grand de tout les temps ?) label de Bobbito Garcia, Farewell Fondle’em. Le buzz monte peu à peu, et entre scènes et street corner battles, dont il se sont fait une spécialité, les deux compères prennent le temps de se rappeler de l’adage : « Plus on est de fous, plus on rit » : rejoignent donc le groupe Tage Proto, MC originaire d’Atlanta, le désormais célèbre DJ RJD2 et Jakki da Motamouth, redoutable battle rhymer, également ami d’enfance de Copywrite. Cette évolution sera jalonnée par la sortie de différents maxis, qui constituent la trame de Table Scraps.

En effet, on trouve là une sélection qui se veut représentative de ce que fut Mhz de 97 à 2001, agrémentée d’une poignée d’inédits. Certains diront qu’il manque les deux titres phares des membres fondateurs (‘Camu’ pour Camu Tao et ‘Tower of Babble’ pour Copy), mais il n’en demeure pas moins que Table Scraps est un outil parfait pour se familiariser avec le crew Mhz et ses membres, dont on entendra assurément reparler dans les années à venir, ne serait-ce que par le biais de leur appartenance au collectif Weathermen.

Le style du groupe ne s’encombre pas de fioritures : pas de prods grandiloquentes, pas de grands noms en invités, pas d’envolées lyriques, ni même de message particulier (si ce n’est que le r’n’b c’est de la merde, et qu’un bon wack est un wack cocu, sodomisé ou mort) : seuls les flows et les punchlines font la différence…et quelle différence. Mhz nous offre tout au long de Table Scraps un feu d’artifice de battle rhymes dans lequel Copy s’avère être le pyrotechnicien le plus efficace : « I’ve been rhymin’ way before Dr Dre had a dogg and even before the Source became a fashion catalog » figure parmi les nombreuses phrases chocs du MC, dont la créativité atteint son apogée sur le déjanté ‘Holier than’ Thou. Jakki fait lui aussi des étincelles dans le genre : « Every time your attempt to throw a line I’ll restrict’em, your words are like a whore fucked in advance, cuz’ I pre-dicked them » ou encore « I’m only friend with you cuz I wanna fuck your sister« . Le tout ne plaira probablement pas aux mouvements féministes et autres ligues de défense des homosexuels, néanmoins ça demeure spectaculaire.

Que ceux qui ne parviennent pas à mettre une définition sur le mot ‘flow’ se penchent sur la prestation de Camu Tao tout au long de l’album : accélérations, décélérations, ruptures, variations de ton, style chanté, off-beat, gueulard ou posé, le def-jukie étale toutes les composantes du flow avec une aisance déconcertante. Ce n’est pas aussi époustouflant que les débits project-blowdiens, mais ça nécessite assurément une maîtrise tout aussi importante. Les trois autres MCs, se défendent également pas mal, en développant des phrasés propices au festival de punchlines dont ils sont les instigateurs. Mention spéciale à Tage Proto qui livre un second couplet ébouriffant sur ‘This Year’.

Comme dit plus haut, les prods ne font pas dans la grandiloquence : elles ne visent pas à la création d’une atmosphère spécifique ou à une quelconque recherche d’innovation, mais servent essentiellement de support au MCs. Elles n’en demeurent pas moins efficaces, souvent très mélodiques, tranchant ainsi avec les paroles acérées des rappeurs. Les instrus de ‘Widespread’, ‘This Year’, ou le riff de guitare de ‘Rocket Science’ sont destinés à trotter dans les têtes un bon bout de temps après l’écoute.

Certes, tout cela n’efface pas les lacunes présentes sur Table Scraps : l’aspect très lo-fi de certains morceaux (notamment les inédits) en rebutera certains, et l’écart entre les dates d’enregistrement est à l’origine de pas mal de défauts, notamment le gros manque de cohésion au sein de ce qui est quand même considéré comme un album. On regrettera également de n’entendre le groupe au grand complet qu’une seule fois, sur le médiocre morceau de clôture ‘Counseling’. Néanmoins, ces petits ratés auraient tendance à rendre l’opus encore plus attachant, et lui qui n’avait d’emblée pas les propriétés musicales du chef d’œuvre intemporel, acquiert tout de même une durée de vie certaine grâce à la fraîcheur et à l’énergie déployées par les MCs, ainsi qu’à la présence de perles telles ‘Widespread’, ‘This Year’, ou encore ‘Rocket Science’. Le crew Mhz ayant été mis dans un sommeil qui pourrait s’avérer définitif, il est indispensable de jeter une oreille à ce qui pourrait être l’unique opus d’une formation dont les membres semblent destinés à marquer l’histoire du Hip-Hop.

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