Chronique

Tree
Sunday School

Gutter City Entertainment - 2012

Depuis quelques temps, la ville de Chicago reprend petit à petit ses lettres de noblesse. Il y eut la période faste des cracheurs de feu comme Twista, Do or Die ou Crucial Conflict. Puis est venu l’avènement de Kanye West, et par là même, la renaissance du rap cool de Common et No ID. Depuis, la ville des Grands Lacs s’est faite plus discrète. Or depuis quelques mois, aux travers des faits d’armes de jeunes fous comme Chief Keef, Lil Reese ou King Louie, Chicago reprend du poil de la bête, renouant avec sa renommée de cité violente et créatrice.

Parmi toutes ces nouvelles têtes de l’Illinois se trouve un loup solitaire à tâche blanche nommé Tree. Sans parrainage ou ami bien placé, il rencontre le groupe Project Mayhem au sein de son quartier de Cabrini et fait un bout de chemin avec eux. Tout droit sorti des antres brûlantes de la ville balayée par les vents, ce nouvel artiste se démarque facilement de ses pairs, produisant et promouvant sa musique lui même. Après un EP, deux mixtapes et plusieurs collaborations, il propose un nouveau projet en mars 2012, Sunday School, qui fait tout de suite bande à part. En effet, Tree y a forgé un style différent, créant une nouvelle variation de rap qu’il nomme lui même “Soul Trap”. Celui ci pourrait être défini comme un mélange personnel de thèmes de rue récurrents et d’un retour à la soul et au blues mis en musique avec brio. C’est d’ailleurs ce qui marque rapidement la différence, la qualité des productions, cette façon très particulière de boucler les samples et de faire sonner les batteries. Ce qui se traduit souvent par l’emprunt classique de boucles ou de voix pitchées utilisées de façon nouvelle, en découpages très courts et complètement adaptés aux batteries Trap sautillantes, virevoltantes. Ces voix ont déjà été utilisées de nombreuses fois, pourtant Tree les triture différemment, en extrait une nouvelle essence. Il place finalement les Amy Winehouse, Aretha Franklin, Curtis Mayfield ou Etta James comme invités surprises de ses morceaux. D’autres fois, l’originalité vient d’un harmonica étrange, vengeur et étourdissant, sur “All”. Elle peut même prendre la forme d’incantations blues enflammées, reprises telles quelles, copiées-collées sauvagement avec effets kaléidoscopiques sur le court brûlot “50’s”. Urgent et criant de vérité.

Cette production instinctive est entièrement ciselée sur mesure. Certains choix qui pourraient paraître galvaudés ou complexes s’avèrent naturels quand ils sont accompagnés de la voix de Tree. Avec cet éraillement caractéristique, toujours à la limite de la rupture, il crée une vraie proximité dans l’interprétation, une approche émotionnelle qui touche l’âme directement et rappelle les meilleurs du genre comme Scarface, Z-Ro ou même DMX. La maîtrise technique est impressionnante, avec un sens de la retenue et du rythme quasi équilibriste. Cette régularité parfaite sévit jusque dans les refrains, toujours simples, directs et entêtants. Le résultat final prend plusieurs directions, pouvant parler à des publics différents. Il mérite sans problème cette nouvelle étiquette de “Soul Trap”, un blues modernisé par le sampling sauvage – Young Jeezy et Muddy Waters dans un même corps. Le côté artisanal, direct sorti du coffre, ajoute une authenticité toute fraîche et salvatrice. D’ailleurs, Sunday School est réédité en version deluxe, augmenté de deux morceaux, peu de temps après avoir été sélectionné par MTV Hive comme une des mixtapes de l’année 2012. Le début de la consécration pour un artiste complet qui présente une nouvelle facette de la musique rap et ne compte pas s’arrêter là. Et Chicago renaît de ses cendres.

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