Chronique

La Rumeur
Nous sommes les premiers…

EMI - 2003

Une année après la sortie de son premier album, « l’Ombre sur la mesure », la Rumeur fait de nouveau entendre sa voix avec cette nouvelle sortie : un maxi vinyle comportant quatre titres inédits. Une année riche en évènements, réjouissances et épreuves pour le groupe. Le succès des nombreux concerts (avec en points d’orgue les Transmusicales de Rennes et les Eurockéennes de Belfort), l’accueil élogieux et quasi-unanime de la presse spécialisée contrastant avec les accusations et procès menés par Skyrock, pour incitation et la violence, et le ministère de l’intérieur, pour délit de diffamation publique ; après les articles respectifs de Ekoué « Ne sortez plus sans votre gilet pare-balles » et Hamé « Insécurité sous la plume d’un barbare » publiés dans le fanzine promotionnel sorti en même temps que l’album.

‘Nous sommes les premiers…’ premier titre de cet EP pose d’emblée le ton. Brut, direct et sanglant. Sur une production sourde et minimaliste du duo Soul G-Kool M (à l’origine de l’élaboration sonore de l’ensemble ce maxi), Ekoué et Philippe fustigent une nouvelle fois Skyrock mais aussi les groupes avides et aveuglés par la politique castratrice et purement commerciale des auto-proclamés « Premiers sur le rap ». Les perdants ont une voix et ils s’en servent aujourd’hui pour rétablir une vérité toujours bonne à entendre. « Combien de mecs se défroquent pour passer sur Skyrock ? » Un titre hautement concentré en vitriol et aucunement dilué à l’eau.

‘Le dortoir des grands’, second morceau de la face A est plus anecdotique. Si le Bavar et le Paria placent quelques bonnes rimes, le refrain, omniprésent, déçoit. La production aux relents d’électro manque elle aussi d’éclat et ne nous laissera pas un souvenir impérissable.

Cette légère déception passée, nous entamons la face B de ce maxi pour arriver au brillant ‘A minuit l’égorgeur’, justifiant à lui seul l’achat de ce maxi. L’ambiance lugubre et presque apocalyptique est saisissante, le propos imagé et troublant. Dans la lignée de l’excellent ‘Moha’, ce morceau solo met une nouvelle fois en exergue la fine plume acerbe et aiguisée d’Hamé. Ce court extrait en témoigne assez justement « …un silence aride et l’alphabet du vide entre les bras calcinés du premier enfant effacé, le temps d’un cri et d’un crime, c’est leur anthropophage où les visages prennent l’age des cratères à fleurs d’orages… »

‘La théorie du tonton’, quatrième et dernier morceau vient conclure cet EP sur une note plus enlevée. Ekoué, prédateur isolé devant l’éternel, s’acquitte seul de cette tâche, d’une voix toujours aussi rauque et grasse. Si ‘La théorie du tonton’ oscille entre mise au point et pur égotrip, elle demeure avant tout diablement efficace, à l’image de ces rimes pleines de sens « Dans ma main droite un livre, dans l’autre un calibre et l’hexagone rigole jaune, va bientôt se sentir vaciller de son trône ».

Ce maxi quatre titres s’inscrit assez clairement dans la lignée de l’album, « l’Ombre sur la mesure » (à la seule exception du ‘Dortoir des grands’). Et si le principe de la réédition de l’album est contestable, la sortie de ce maxi viendra faire taire les sceptiques. Le reste n’est que palabre…

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