Chronique

Xzibit
Restless

Loud Records - 2000

Si par curiosité ou simple errance dans les tréfonds de ce site, vous avez scruté la liste alphabétique des albums disséqués, vous remarquerez sans doute que la catégorie « X » est peu fournie. Pourtant, entre les X (Men) ou autres X-Ecutioners, il y aurait matière à chroniquer quelques albums. Et parmi ceux-ci, on pourrait prendre le temps de se pencher sur la belle discographie du plus illustre X du rap : Xzibit. MC, présentateur, acteur, « Mister X to tha Z » est devenu lors de la dernière décennie plus qu’un rappeur, une véritable icône.

L’histoire d’Xzibit est celle d’un mec de Detroit qui a quitté la grisaille de Motor City pour le climat plus clément de la Californie. Sous le giron de Sir Jinx, en compagnie des Alkaholiks, il sortira 40 Dayz & 40 Nightz et At The Speed Of Life, deux premiers albums de bonne facture, portés par des singles imparables (« Paparazzi », « Eyes May Shine », « What U See Is What U Get »). A la fin des années 90, il se rapproche de Dr. Dre. Après des apparitions mémorables sur 2001 (« What’s The Difference », « Some L.A. Niggas »), le bon docteur décide d’aider le transfuge du Michigan pour son troisième album, Restless, celui de la consécration critique et commerciale pour Xzibit. Un album qui a profité du double effet post-2001 : la popularité de ce son californien rénové, et un bouillonnement créatif pour une bonne partie de la décennie suivant sa sortie.

Musicalement, Restless est symptomatique du renouveau du G-Funk du début des années 2000. Supervisé par Andre Young et mixé par Richard « Segal » Huredia, l’album offre un son puissant, mélodieux, percutant, ensoleillé. La liste des producteurs réunit les pointures du son de L.A. (Soopafly, Battlecat, Quik, Mel-Man, Rick Rock) mais aussi des beatmakers de la côte est au diapason de leurs collègues (Erick Sermon, Nottz, Rockwilder). La force de l’album tient à une alchimie entre homogénéité et variété. Toujours léchée et frappante, l’ambiance est laid-back sur « Been a Long Time » avec un Nate Dogg impeccable, frondeuse sur « U Know », intimiste sur « Sorry I’m Away So Much », nocturne sur « Rimz & Tirez », nerveuse sur le blaxploitation « Double Time ». Mais c’est évidemment sur les morceaux les plus pêchus que le style d’Xzibit fait son meilleur effet, notamment les trois singles : « X » et son beat martial du combo Dre – Storch – Mel-Man, « Front 2 Back », hommage appliqué de Rockwilder au style californien, et surtout « Get Your Walk On », véritable hymne flamboyant à tous les west riders, composé de main de maître par Mel-Man et Battlecat.

Le mode de vie californien est d’ailleurs le fil rouge de cet album. Un lifestyle pas de tout repos (restless, tout est dans le titre), entre voitures (« Rimz & Tirez »), substances (« D.N.A. », « Alkaholik ») et femmes (« Fuckin’ You Right »). Xzibit apporte à cet esprit angelino la rugosité de Detroit, grâce son flow rude et âpre, et surtout à un élément unique : sa voix. Imposante, virile, expressive et rauque, elle est une signature immédiatement reconnaissable. Atout trop souvent ignoré par les rappeurs, jouant sur leur flow, leur plume ou leur aura, Xzibit a lui bien compris que le grain de ses cordes vocales est la meilleure porte d’entrée à son univers. Un outil polyvalent qui fonctionne aussi bien sur le funk détendu de « Loud & Clear », en égotrip (le « Kenny Parker Show 2001 », reprise d’un KRS-One invité pour l’occasion), ou en fronçant les sourcils avec Eminem sur « Don’t Approach Me ». On appréciera aussi particulièrement sa performance plus humaine sur « Sorry I’m Away So Much », message d’excuses à son fils et à un pote enfermé.

Entraînant, frontal et sans perte de régime, Restless a marqué un virage net dans la carrière d’Xzibit. Ce troisième album lui a d’une part ouvert de nouvelles portes, celles du grand et du petit écran, avec quelques seconds rôles dans des films musclés, et bien sûr l’émission Pimp My Ride. Surtout, en épousant pleinement l’esthétique californienne, il a trouvé une nouvelle dynamique artistique, qui trouve sur cet album sa meilleure expression, celle d’un G-Funk crossover sans dilution. Un équilibre que le rappeur a tenté de garder pour la suite de sa carrière, avec plus ou moins de réussite, du médiocre (Full Circle, 2006) au grandiose (Weapons of Mass Destruction, 2004).

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