Chronique

Large Professor
Professor @ Large

Fat Beats - 2012

En 2011, Large Professor n’avait pas chômé : il avait notamment cosigné un disque avec son collègue de longue date Neek the Exotic. En 2012, il aura été au four et au moulin. On l’a vu sur les devants de la scène, avec sa participation au Life is Good de Nas, qu’il avait invité sur deux de ses albums précédents et dont on sait qu’il a été en quelque sorte le mentor. On l’a aussi aperçu dans les coulisses, avec sa collaboration avec Gensu Dean, et ce clip où le professeur s’occupe de l’éducation musicale d’une jeune fille désabusée en lui relatant l’âge d’or du hip-hop. Il apparaît même, en tant que rappeur, sur « Catch The Throne » (suivez leur regard…), dans le premier des deux nouveaux albums de Public Enemy à sortir cette année. À quoi il faut ajouter ce nouvel opus en son nom propre, qui fait suite à The LP, sorti officiellement en 2009 mais enregistré en fait pas loin de quinze ans plus tôt.

Tout (sauf peut-être sa pochette, une réussite peu ordinaire) ramène évidemment Large Pro aux années 1990, de ses beats à son flow, de son travail de sampling à ses interludes instrumentaux (trois « instroludes », bizarrement concentrés dans la seconde moitié du disque d’où un certain déséquilibre). Tout, y compris une liste de featurings qui convie quelques vétérans du Queens, allant des valeurs sûres de l’exercice (Busta Rhymes, déjà présent sur 1st Class en 2002), à d’autres laborieusement sur le retour (Tragedy Khadafi, dont le blaze prend maintenant une résonance encore plus curieuse…), certains carrément disparus de la circulation (Mic Geronimo), d’autres jamais vraiment partis (Cormega). Le gros atout que ce bon vieux (pas tant que ça en fait, car malgré ses cheveux grisonnants il ne fait que friser la quarantaine) Xtra P a dans sa poche, c’est son sens de la boucle. Un sens toujours aussi malin, y compris quand il tape dans du classique pillé mille fois, comme le « Night on Bald Mountain » de Bob James, ou quand il puise dans une source qui rappelle aussitôt un classique du rap, comme le « E.V.A. » de Jean-Jacques Perrey (dont on retrouve ici un bout sur « Back in Time ») immortalisé par DJ Premier il y a vingt ans grâce à « Just to Get a Rep ». Si le New-Yorkais n’a jamais été un grand lyriciste, sa voix grave est accrocheuse et sa présence au micro plus qu’honnête, nettement supérieure à celle de la plupart des grands producteurs (de DiamonD à Pete Rock) s’étant risqué sur ce terrain. Il le prouve notamment sur « Straight from the Golden », exercice de style dans lequel il fait un solide sparring-partner à Busta Rhymes.

Xtra P fait donc ce qu’il sait faire : du boom-bap soigné et chaleureux. Sans excentricité, mais avec un savoir-faire bien rodé qui conjure tout ennui. Professor @ Large démarre ainsi en fanfare avec « Key To The City », rehaussé par le scratching de Rob Swift et accompagné d’un assez chouette clip. Il se termine par un posse cut plutôt efficace, sans être mémorable, qui semble là pour signaler que le pilier de Main Source n’est pas un has been aux yeux de générations plus fraîches, personnifiées par Action Bronson, Roc Marciano et Saigon. Personne ne doute que la légende de Large Pro est derrière lui ; et être l’un des producteurs les plus influents et respectés de l’histoire du rap, c’est quand même pas mal. Mais ce n’est pas seulement par charité envers la longévité et l’intégrité de Large Pro qu’on peut saluer cet album. C’est parce qu’il est, sans être enthousiasmant, tout simplement bon – au moins autant que ses solos précédents.

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