Chronique

Nicki Minaj
Pink Friday

Young Money - 2010

Depuis la sortie de la mixtape Beam me up Scotty, le nom de Nicki Minaj était sur toutes les lèvres. En à peine deux ans, la New-yorkaise a réussit le tour de force de 1) se faire un nom alors que le gotha des rappeuses américaines voyaient leurs carrières dégringoler, 2) se faire adouber par Lil Wayne qui l’a immédiatement intégrée dans le crew Young Money, 3) collaborer avec quelques-uns des plus grands sans hésiter à les éclipser sur leurs propres titres (voir « Monster » de Kanye, « Up all Night » de Drake ou plus récemment « Bottoms up » de Trey Songs) et 4) façonner un personnage de Poupée Barbie à la sexualité ambiguë sur lequel le public rap n’en finit plus de fantasmer. La véritable différence avec ses illustres prédécesseurs féminins étant que Nicki n’est pas un simple atout marketing à la botte d’un rappeur plus doué qu’elle. Jouissant d’un véritable respect en tant qu’artiste, elle sort aujourd’hui son premier album, le bien nommé Pink Friday, et pousse même l’insolence jusqu’à investir les bacs le même jour que My Beautiful Dark Twisted Fantasy, le mastodonte de Kanye West.

S’il n’est pas complètement dénué d’atouts, ce premier disque comporte un défaut majeur : Nicki a voulu aller beaucoup trop vite en besogne. Au lieu de sortir un album de rookie et de capitaliser sur ce qui avait attiré l’attention sur elle, elle donne l’impression de vouloir d’ores et déjà s’affranchir de son personnage. Plutôt que de privilégier les démonstrations de flows et les punchlines absurdes qui avaient fait sa réussite, elle souffre du complexe du premier album inhérent à tant de jeunes rappeurs qui se sentent obligés d’organiser leurs disques autour de thématiques bien précises. Ici, il y a donc un morceau introspectif (« Dear Old Nicki »), un morceau où elle crie au monde sa volonté de réussir (« Fly »), des featurings tendance (Kanye West, Rihanna, Drake, Eminem) et même un titre dancefloor produit par Will.I.AM qui emboîte directement le pas aux derniers tubes des Black Eyed Peas. En sautant à pieds joints dans le mélange des genres qui fait actuellement fureur (« Here I AM »), Nicki Minaj livre un album bancal qui semble pensé par un directeur artistique en quête désespérée du single qui sauvera l’album.

Entre tentatives R&B ratées (« Right Thru Me ») et refrains chantés insupportables (Natascha Bedingfield sur « Last Chance » et l’irritante Rihanna sur « Fly »), il y a tout de même quelques couplets mémorables à se mettre sous la dent. Au premier rang d’entre eux figurent ceux rappés sur « Did it on’ em' », egotrip survolté produit d’une main de maître par un Bangladesh qui nous ressert ici sa recette favorite : gros ronronnements de basses et mélodie minimaliste diablement entêtante qui permet à Nicki Minaj de déverser sa bile avec une maestria imparable. Si Booba avait tendance à féminiser les rappeurs, elle masculinise ici ses rivales (“All these bitches are my sons” puis, plus loin, “You ain’t my son, you’re my motherfucking stepson”) et s’imagine même changer de sexe le temps d’une rime (“If I had a dick, I would pull it out and piss on em”). « Roman’s Revenge » et ses invités de prestige – Swizz Beatz à la prod et Eminem au micro – est l’autre véritable réussite de Pink Friday. On imagine déjà le clip dans une réplique de l’Arkham Asylum, Eminem et Nicki recouverts de camisoles pour échanger leurs politesses. En faisant jeu égal avec Eminem, la maîtresse de cérémonie est clairement là pour signifier qu’elle n’est pas une blague (son “Nicki Minaj is who you ain’t fucking with” à double sens est là pour le rappeler) et qu’elle doit être prise au sérieux.

Le sérieux, c’est sûrement ce qui plombe un album qui avait pourtant tout pour plaire. Exemple criant : la manie qu’a Nicki d’interrompre le beat avant de prononcer une punchline, comme si elle voulait forcer la réaction admirative de l’auditeur. On aurait assurément préféré retrouver son fameux second degré qui avait fait d’elle une des personnalités les plus fascinantes du rap américain. Pas grave, il y a fort à parier que sa prochaine mixtape sera d’un tout autre niveau.

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