Chronique

Onra
Chinoiseries

Label Rouge Prod' - 2007

Souvent précédé de commentaires enthousiastes, le nom d’Onra circule depuis maintenant quelques mois grâce à ses collaborations avec Quetzal sur « Tribute » et surtout pour l’album « The big payback » sorti avec le pianiste américain Byron. Dans cet élan le beatmaker parisien continue tranquillement les présentations avec un premier solo : « Chinoiseries ». Album entièrement instrumental, mais d’abord conceptuel et personnel.

Réalisé au retour d’un voyage dans le pays d’origine de ses grands parents, le Vietnam, « Chinoiseries » a été composé à partir de disques traditionnels des années soixante et soixante-dix dégottés sur place. Qu’ils viennent du Vietnam bien sûr, mais également de Chine ou de Singapour. Si on ressent directement les ambiances et les influences de ces pays tout au long du disque, celles d’Onra n’en sont pas moins dissimulées pour ce qui est de la production. Difficile en même temps de parler Hip-Hop et autres chinoiseries sans penser à RZA et au Wu-Tang, qui marie depuis quinze ans ces deux composantes d’apparences antipodiques. On retrouve donc ci et là une multitude de petits détails, comme l’utilisation d’extraits de film (‘Eat dog’ ou ‘Lesson with the master’) faisant immanquablement penser aux combats mis en scène par la Shaw Brothers et largement pillés par RZA. Les nombreux samples de voix (‘The anthem’, ‘Relax in mui ne’, ‘Phuoc dat’, ‘Welcome to Viet Nam’, ‘The vallée of love’, ‘The ritual’) sont une autre similitude avec Prince Rakeem, et on ne saurait s’en plaindre. Mais c’est bien l’interlude clin d’œil ‘Third sword’ en fin d’album qui atteste au mieux de l’influence du Wu sur Onra.

L’autre l’influence évidente, et déjà bien présente sur « The big payback », est évidemment Jay Dee, pour la construction des sons et l’utilisation faite des drums. Influence revendiquée et pas du tout usurpée au regard de la qualité des instrus. Même sur le court format de ces derniers on reconnaît des similitudes avec l’ami de Detroit.

Mais, que les références soient nombreuses, cela n’enlève en rien la personnalité de ces « Chinoiseries », qui demeurent avant tout un projet relativement personnel, unique. On sent véritablement l’intention d’Onra dans cet album. Entre hommages aux traditions (‘Relax in mui ne’), émotions (‘I wanna go back’) ou instants sombres (‘War’, ‘Dark sea’ ou ‘Apocalypse now’ pour continuer les références cinématographiques), Onra s’évertue à mettre en avant les multiples sonorités qu’il a ramené, faisant ainsi écho aux multiples sensations qu’imposent l’Asie de l’est : à la fois rude  dans le quotidien, onirique, gaie, mystérieuse, riche en passé et traditions, et un brin kitsh aussi. Avec la mélodie de ‘Take a ride’ en toile de fond, on se retrouve ainsi convié sur le porte-bagages du VéloSolex d’Onra pour une visite de cinquante minutes et 32 étapes à travers les rues et faubourgs d’Hô-Chi-Minh-Ville. Une véritable carte postale musicale de toutes les perceptions qu’aura eu son auteur, visiblement marqué par ce qu’il a découvert. Au point de l’y conduire à prolonger le séjour par le biais de ce disque, bien sûr, mais en en reversant aussi les bénéfices à l’association La goutte d’eau dont il a découvert le travail sur place.

« Chinoiseries » devenant ainsi et en tout point un véritable projet, dans le sens noble du terme, au sein duquel se mêle intention, art, découverte, partage et qualité. Rien qui n’empêche donc l’écoute de cet album, qui fait tout simplement voyager tout en restant immobile.

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