Chronique

OC & AG
Oasis

Nature Sounds - 2009

Du boulot sans originalité ni imagination, mais agréablement prévisible et correctement exécuté : voilà qui pourrait résumer Oasis. La formule ne rend pas tout à fait justice à un aspect assez surprenant : la pochette flashy censée illustrer le nom du LP. Qu’on la trouve classe ou vilaine, elle a au moins le mérite d’éviter les clichés. Elle est aussi en phase avec un album plutôt « coloré » (pas sombre, quoi). Pour le reste, la construction de l’album ne va pas chercher loin : pas d’intro ni d’outro, pas d’interlude ni de featuring, et moins encore un fil rouge. ‘Oasis’ est un simple empilement de morceaux d’une durée moyenne de 3’30 – et roule ma poule.

Comme ni Omar ni André n’ont la réputation d’être des manches à balai au micro, c’est avec plaisir qu’on les retrouve en duo. Les flows sont carrés et grosso modo au même niveau (avec une préférence personnelle pour OC, pour son timbre de voix et une technique généralement un cran au-dessus, sur ‘Boom Bap’ par exemple). Pas de déception, mais pas de bonne surprise non plus: chacun débite son couplet à tour de rôle, et il n’y a guère que sur le troisième couplet de ‘Put in the box’ que les deux rappeurs se renvoient un peu le mic en entrecroisant leurs flows, sans conviction éclatante d’ailleurs. Pas de prouesse technique donc, AG et OC se contentent de camper sur leurs très solides acquis, ce qui est déjà bon à prendre. La même absence de surprise caractérise les lyrics : pas de risque de claquage cérébral à l’horizon, malgré des passages imagés (‘Contagious’, qui joue sur la gamme des noms de maladie, ou sur ‘Think About It’ sur les associations d’idées) et quelques passages plus introspectifs ou tirant un peu vers le storytelling (‘Reality is’).

Même chose côté production, où on note au passage que le français E-Blaze, qui produit environ la moitié de l’album, fait globalement jeu égal avec Show et Lord Finesse. Du très balisé, plutôt efficace, sans prise de risque ni sortie hors des sentiers battus. Globalement tout ça sonne bien, sans pour autant qu’on ait à un moment ou un autre l’impression de tomber sur la boucle qui tue ou sur un travail de sampling particulièrement inspiré – diggin’ in the crates, vraiment ? Le gros point noir, c’est qu’on a un peu l’impression désagréable de se faire enfler sur la marchandise avec les refrains. Ça commence très bien avec le refrain scratché de ‘Oasis’, qui débute et ponctue idéalement la bonne prod’ (et unique, malheureusement) de Statik Selektah et le très bon premier couplet exécuté par OC (jouant sur les cinq lettres du mot oasis), puis ça s’arrête ensuite pour laisser le champ presque entièrement libre aux refrains rappés ou chantés. On regrette aussi des fins de morceaux particulièrement expéditives (sitôt le dernier refrain, le son baisse rapidement puis s’éclipse, et le morceau suivant déboule sans transition) ; l’album se termine d’ailleurs brutalement.

L’enchaînement des trois derniers morceaux offre un résumé saisissant du déséquilibre dont souffre l’album. D’abord, ‘Get Away’ est plombé par un refrain sauce pseudo-R&B, qui en plus étire interminablement le morceau sur cinq minutes. Quand ‘Two for the Money’ prend le relais, on retrouve avec plaisir des flows plus nerveux, des bonnes boucles de cuivre mégalomaniaques et DJ Premier aux platines. Malheureusement, le morceau ne dure, lui, qu’à peine plus de deux minutes. Enfin, ‘Pain’, juste derrière, verrouille l’affaire en misant à nouveau sur un refrain bien soft.

Quand on prétend être un îlot de résistance hip-hop au milieu du désert, évidemment c’est un peu léger. Par rapport à un autre duo de choc, Del & Tame One et leur album Parallel Uni-verses sorti peu avant, OC & AG ne tiennent pas la confrontation. Oasis n’est pas non plus pour autant un mirage ; simplement une copie honnête, ni plus ni moins, des modèles du passé. Vu la qualité des deux MC’s, on remue la nuque avec plaisir, la piqûre de rappel est bonne à prendre, mais il y a peu de chances qu’on saigne un album répétitif à force d’être homogène, et qui souffre de ce son trop propre qui creuse toujours un écart infranchissable avec le son des années 90. Dans dix ans, on aura oublié ‘Oasis’, alors qu’on continuera à écouter Word… Life, Jewelz ou Runaway Slave.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*