Chronique

The Game
L.A.X

Geffen - 2008

Sans être aussi symbolique que l’élection de Barack Obama, la carrière de The Game peut elle aussi symboliser une facette du rêve (afro)-américain. Du petit Blood criblé de balles au rappeur star qui vend des millions d’albums en une semaine, Jayceon Terrell Taylor peut être assez fier de sa légende personnelle. Le dernier gros coup de Dr Dre a d’ailleurs su se faire une place unique dans le milieu, devenant rapidement un incontournable du genre. L’histoire idyllique de ce fan de rap au passé trouble qui finit par côtoyer ses idoles a d’ailleurs été au centre de ses deux premiers albums, couronnés de succès critiques et commerciaux. Dernier volet d’une trilogie qui pourrait même rester sans suite, L.A.X arrive, lui, sans trop de polémiques rocambolesques pour le mettre en avant. Reste à savoir si l’abus de name-dropping, de références et d’autocongratulation ne finiront pas par desservir l’ambitieux gamin de Compton.

Inutile de faire durer inutilement le suspens : oui, L.A.X est un très bon album. Il faut dire que The Game s’est donné les moyens pour que son dernier opus fasse aussi bien que les précédents : des beatmakers au mastering en passant par le prestige des invités, tout sent bon la super production aux crédits illimités. Kanye West, Nas, Common, Ludacris, Keshia Cole, Cool & Dre, Nottz, Hi-Tek, Ice Cube… entre autres. Crise ou pas, la guest-list a de la gueule. Comme pour les précédents volets, les ambiances promettent d’être variées et Game va prendre le meilleur des tendances en vogue pour les adapter à sa sauce. Symbolique – ou symptomatique, au choix, ’My Life’ et son refrain vocodé par Lil Wayne: tellement prévisible, à la limite du parodique… mais si bien foutu et qu’il en devient imparable. Même chose pour ‘State of Emergency’, véritable catalogue de clichés californiens et accessoirement bande-son idéale des course-poursuites filmées depuis un ghetto-bird ; la présence nerveuse d’Ice Cube faisant, une fois de plus, toute la différence.

Game ayant une maîtrise totale de son produit, avec une vision très précise de ce qu’est un bon album, les fausses notes sont rares. Dommage que les morceaux les moins intéressants soient regroupés dans un ventre-mou un peu trop dodu pour un artiste de cette trempe. Les titres les moins bons s’entassent entre une entame sur les chapeaux de roue et un final épatant. Preuve que sans le coup de génie d’un producteur pour l’épauler, The Game perd facilement de sa superbe et de son intérêt. Ses limites sont claires, et sa dépendance excessive aux personnes avec lesquelles il travaille n’est pas sans rappeler le Real Madrid en 2004 : sans Makélélé, ce n’était plus la même équipe. Voilà donc le gros défi que The Game devra relever à l’avenir : exister par lui-même, sans se projeter constamment dans un âge d’or révolu ni évoluer dans les univers des autres. Ceci est la principale faiblesse de L.A.X : le manque de culot et de personnalité. D’ailleurs, des trois titres où Game officie en solo, seul ‘Money’ s’en tire convenablement. Touché.

Heureusement, le bonhomme doit sans doute être conscient de ce gros point faible qu’il compense avec habileté par une optimisation quasi parfaite de son principal atout : les invités. Qu’ils soient derrière les machines ou à ses côtés au micro, Game arrive toujours à faire en sorte qu’ils maximisent leurs prestations. Cela fonctionne à merveille depuis The Documentary, et cela continue ici de faire mouche en tirant l’album vers le haut. Comme pour ses deux ainés, L.A.X bénéficie de productions léchées, aux ambiances panachées : on retrouve des tubes imparables concoctées par Nottz, Kanye ou Cool & Dre, des ambiances old school – donc le très new-yorkais ‘Let Us Live’, voir des morceaux plus intimistes comme ‘Never can say goodbye’. Un large éventail de styles et de tendances, qui s’accordent plutôt bien – Game commence à avoir l’habitude. On retiendra tout particulièrement ‘Letter to the King’, vibrant hommage à Martin Luther et aux autres figures politiques afro-américaines. La prod d’Hi-Tek est juste parfaite, comme le choix d’inviter Nas très à l’aise sur ce genre d’orchestration délicate et mélodique. Le moment fort du disque, sans aucun doute.

Les albums de The Game pourraient avoir un lien de parenté avec les équipes de Rinus Michels : le pressing constant, l’écoute sans temps mort, tous les intervenants ne jouant que pour se surpasser, aller plus haut et proposer un spectacle continu. Ce parti-pris du « rap total » est entièrement assumé ; pas sur de toutes façons que le bonhomme puisse vraiment sortir du lot sans cet enrobage en or massif qui lui va finalement si bien. Et tant pis si parfois cela frôle la caricature, dans les clips notamment : tel le blockbuster hollywoodien au déroulement tout convenu, on finit par y adhérer sans modération, rien que pour la profusion de grandiloquence que cela dégage. Le divertissement avant tout, le leitmotiv assumé du disciple d’Andre Young continue de porter ses fruits. Mais jusqu’à quand ? On va voir maintenant ce que Game à dans le ventre ; si toutefois ce dernier revient sur sa décision – que personne n’a prise au sérieux- d’arrêter le rap.

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