Chronique

Kev Brown
I do what I do

Up Above Records - 2005

Vivre avec son temps ?

Autoproclamé modeste élève d’une école de producteurs aux antipodes des standards du moment, Kev Brown a dix ans de retard. Ni VRP de Viagra, ni promoteur en décapotable rutilante tendance « Pimp my ride« , le producteur/rappeur de Landover (Maryland) la joue profil bas. Mesuré, introverti et nostalgique, il revendique juste avoir appris des plus grands (inutile de les énumérer, ils sont au moins aussi nombreux que les raisons de vilipender le CPE) et se veut peu soucieux de plaire au plus grand nombre (et ça tombe plutôt bien, vu ses ventes.) Singulier et fauché, à l’image de son collectif (Low Budget), Kev Brown aurait d’emblée tendance à gagner notre sympathie. Mais on ne fait pas de la bonne musique avec uniquement des bons sentiments.

Avant tout (re)connu pour sa réinterprétation du Black Album de Shawn Carter (The Brown Album), ses productions sur le vrai-faux album solo de Jazzy Jeff (The Magnificient) et quelques beats déposés au compte-goutte (‘Games’ et ‘Get Down’ pour Biz Markie, ‘Special’ pour De La Soul), Kev Brown achève une année 2005 bien remplie avec la sortie de son premier (vrai) album. Le titre évocateur, I do what I do, donne le ton. Une première écoute le confirme immédiatement.

Kev impose un ensemble uniforme et cohérent lorgnant sérieusement du coté du Jazz. Il manipule les boucles de cuivres, batteries et lignes de basse, jouant élégamment avec les nappes sonores. Ses compositions, toutes relativement dépouillées, s’enchaînent avec élégance, sans manquer de rappeler les maîtres du genre, Pete Rock, Jay Dee ou No .I.D. (liste, bien entendu, non-exhaustive.) L’ensemble transpire les nuits blanches, les yeux fatigués, explosés devant l’écran scintillant d’une vieille MPC à ajuster l’insignifiant. Attachant, on vous l’avait dit.

Producteur émérite, Kev Brown n’est par contre indéniablement pas le plus dynamique des rappeurs. La partie emceeing s’avère donc, sans surprise, nettement moins inoubliable ; et ce même si sa voix posée colle plutôt bien avec ses productions. De l’égotrip de ‘Beats N’ Rhyme’s, à ‘Hennessey pt.1’ et ‘pt.2’ rivalisant chacun de nonchalance ou ‘Albany’ évoquant la belle perdue, Kev Brown tient néanmoins la distance micro en main. Soutenu par le petit frère de Pete Rock Grap Luva, Phonte (Little Brother) accompagné de son fils Dylan, Cy Young (Critically Acclaimed) ou Kenn Star, il réussit à capter l’attention sans prétendre laisser des souvenirs impérissables.

Au final, admettons-le, si I do what I do n’a pas l’éclat des classiques du genre, il constitue néanmoins un album très plaisant, réveillant l’esprit nostalgique des auditeurs fantasmant toujours sur le début des années quatre-vingt-dix.

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