Chronique

Réel Carter
Essence du Cœur

Mama Blues Melodies - 2005

Ambiance jazz/soul, textes posés : après Un souffle de vie (2002), le MC et producteur parisien Réel Carter revient en 2005 avec Essence du cœur, un second album porteur des mêmes valeurs que son prédécesseur. 

Ces valeurs, tout amateur de rap les connaît. Paix, amour, unité… Elles ont connu leur heure de gloire puis ont vite disparu, pour sembler aujourd’hui gentiment désuètes – comme la coupe « Mullet » ou les rouflaquettes. Certains soldats continuent néanmoins de les dépoussiérer régulièrement, histoire de les rappeler à notre souvenir ; pour qu’elles ne restent pas que des mots, dépassés et synonymes d’utopie. 

Réel Carter est l’un d’eux. Et sans s’afficher en donneur de leçons ou en gardien du temple ; simplement en développant son propre hip-hop, imprégné de l’esprit Native Tongue. Lorsqu’il parle de cette ‘culture urbaine’, c’est à travers le prisme de son propre parcours, relatant avec nostalgie et simplicité sa découverte du rap et ses premiers émois face à la télévision (l’émission de Sidney), un poste de radio ou son premier micro – on pense en l’écoutant au ‘I used to love H.E.R.’ de Common, ou plus récemment au très bon ‘Rap Music’ de Disiz. 

Entre introspection (‘Amour Suprême’, ‘Le Doute’…) et morceaux thématiques, Réel Carter évite soigneusement de se répéter ou de tourner en rond. Pourtant, le grand nombre de thèmes traités (médias, paix, consommation moderne, amour, couple et divorce, paternité, solitude, coup de foudre…) a un inconvénient : celui de révéler certaines faiblesses de fond, ou plus simplement de montrer que certaines notions sont moins maîtrisées que d’autres. Carter s’en sort bien lorsqu’il aborde ces questions sous la forme de petites histoires, comme c’est le cas pour la solitude (‘Solitaire’) ou le couple (‘Qui a tort ?’). En revanche, les textes dans lesquels il pose telles quelles ses pensées semblent par moments trop généraux, et auraient mérité d’être approfondis (‘Citoyen du monde’, ‘Speed’). Ce défaut est regrettable, car il fait montre tout au long de son album d’une bonne plume et d’une ouverture d’esprit peu commune dans l’univers rap. 

Essence du cœur fourmille de bonnes idées. ‘Amour Suprême’ est le premier grand moment de cette galette, avec son piano jazz, son instru ne démarrant réellement qu’au bout de quelques mesures et son clin d’œil discret à Akhenaton (la répétition de la phrase « On n’appelle pas nos parents « les vieux » » en début et en fin de morceau). Plus loin, ‘Monde décalé’ séduit par sa thématique originale – la description d’une ville par un évadé d’un asile psychiatrique – et son instru planant signé Mr. Tee Bow (Fratello Beatz). Les transitions sont remarquablement travaillées, Carter, qui produit 12 titres sur 15, ayant pris le soin de composer des ponts musicaux entre chaque titre. Le seul reproche concernerait son flow, trop linéaire, manquant parfois de fluidité. Trop marquées, certaines intonations cassent l’atmosphère envoûtante et chaleureuse émanant des instrus. 

Mais Essence du cœur est au final un très bon album, attachant et chaleureux, à l’image des tons de sa pochette. Simple, Réel Carter poursuit dans la voie tracée sur Un souffle de vie. Son disque est bien produit, entre jazz et soul ; ses textes restent fidèles à « l’esprit positif » et aux valeurs chères au MC. Ce mélange de titres thématiques, introspectifs et de petites histoires s’écoute d’un bout à l’autre avec plaisir. Seuls les quelques petits défauts de flow ou d’écriture évoqués peuvent faire tiquer, mais c’est avec impatience que l’on attend son troisième album, actuellement en préparation.

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