Chronique

Dreyf
Son d’automne

UtopieMusiQ - 2005

Après plusieurs expériences collectives et des apparitions sur compilations, Dreyf, jeune rappeur parisien, arrive avec son premier EP, Son d’Automne.

Issu de cette génération de MCs qui découvrirent le rap au milieu des années 90 puis tombèrent sous le charme des grands classiques français d’alors, Dreyf semble accorder une grande importance au texte. En effet, chaque mot est soigneusement pesé, chaque phrase envisagée comme la pièce indispensable d’un puzzle. Pas de remplissage, de gimmicks inutiles ou de shout-outs. L’écriture est la base même de la conception du morceau, et celle-ci ne doit pas souffrir de fioritures inutiles pour demeurer intéressante.

Et intéressante, elle l’est, indéniablement. Là où la mode est aux ego-trips barbares et à la surenchère hardcore, Dreyf n’hésite pas à s’ouvrir et à se confier. Arme à double tranchant. Car comme il l’affirme lui-même, « ce qui est naze dans mon malaise c’est qu’il ne projette que le négatif en faisant l’impasse sur le reste ». Certes, on avait été prévenus, et on pouvait aisément imaginer qu’une galette nommée Son d’Automne n’abriterait pas une ribambelle de party joints. C’est un paysage bien morne que nous décrit Dreyf, fait de violences conjugales, de démission parentale, de résignation constante.

Ces sombres et désespérées cogitations en rebuteront certainement quelques uns, mais ce hêtre dégarni, vieillissant et malade ne doit pas cacher la forêt : l’écriture est toujours très appropriée, et sait se faire saisissante à certains moments, imagée à d’autres. Elle est surtout du reste bien servie par les productions des différents beatmakers conviés, proposant un terrain idéal pour les prestations de Dreyf. On retiendra l’excellent instrumental teinté de soul proposé par Lartizan pour ‘Quand j’m’évade’, et l’entêtant aire de guitare sèche de ‘Sous le Chemin de l’Ecole’, issu des machines de Defré Baccara.

Ces morceaux demeurent par ailleurs les plus remarquables du disque, qui ne souffre toutefois d’aucun réel maillon faible, mais ne propose pas non plus de perles à proprement parler : l’ensemble est peut-être en effet trop homogène, voire uniforme, pour pouvoir réellement sortir un titre plutôt qu’un autre. Au niveau de la forme, le flow est travaillé, généralement bien maîtrisé, mais des difficultés apparaissent néanmoins quand il s’agit de s’adapter aux tempos rapides (notamment sur le morceau ‘Son d’Automne’) : en effet, certains roulements rendent des portions de textes difficilement compréhensibles.

On saluera également l’invitation de Nga Fish, éminent membre du crew Afterlife/Project Blowed, clan de rappeurs extra-terrestres installés en Californie. Celui-ci apporte son dynamisme à un disque abouti et bien ficelé, mais peut-être un peu monocorde. Toutefois, Dreyf nous a emmené où il voulait, et ne semble plus, du haut de sa vingtaine d’années, être de ces jeunes MCs en devenir, condamnés à se chercher pour quelques temps encore. Car plus qu’un timide premier jet, Son d’Automne est déjà une œuvre à part entière, se suffisant à elle-même sans avoir à être placée dans un quelconque plan de carrière. Et c’est déjà une réussite.

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