Chronique

Aesop Rock
Daylight EP

Def Jux - 2001

Reclus dans l’ombre de l’underground pendant des années, Aesop Rock commence aujourd’hui à entrevoir la lumière. La bonne exposition et distribution apportée par Def Jux, mais aussi la qualité intrinsèque de son quatrième et dernier album Labor Days, ont élevé le natif de Long Island au statut de valeur sûre. Et comme son tatouage « Must not sleep » sur le bras droit le laisse penser, Aesop Rock ne se laisse pas endormir par ce succès naissant, et se montre toujours particulièrement productif.

Quelques mois après Labor Days, il nous confectionne un nouveau sept titres, intitulé Daylight. Un titre qui ne va pas sans rappeler le morceau du même nom, figurant sur son opus, et qui fait ici office d’introduction. Toujours produit par Blockhead, rempli de stabs vocaux et d’une douce mélodie entraînante, ‘Daylight’ illumine de sa fraîcheur quasi-candide le début de ce maxi. La suite est nettement plus sombre. ‘Night Light’ prend en effet le contre pied. Là où ‘Daylight’ respirait la légèreté, ‘Night Light’ se fait aussi accueillant qu’une prison bolivienne. Obscure et inquiétante, la basse imposante est soutenue par les lourds accords d’une guitare sourde. Aesop Rock se fond à merveille dans cette atmosphère d’apocalypse, lâchant un merveilleux « Life’s not a bitch, life is a bitch, who keeps the villagers circling the marketplace out searching for the G-spot. » A méditer.

‘Nickel Plated Pockets’ produit par El-P, se complait aussi dans cette ambiance étouffante. Vast Aire (Cannibal Ox) endosse le rôle du clodo ivre et place quelques bribes entre les sons stridents, les distorsions grinçantes et un rythme perturbant. Aesop Rock est une fois de plus impressionnant, son phrasé traumatisant parait savamment maîtrisé. Si les collaborations s’étaient avérés jusque là d’indéniables réussites, difficile d’en dire autant au sujet d’Alchemy. La voix rauque de Blue Print se perd dans un rythme extrêmement lent où quelques accords de piano succèdent à plusieurs boucles obscures, assombrissant toujours plus ce tableau sorti tout droit d’outre-tombe. Notre hôte place tout de même quelques rimes ténébreuses, le tout sans une certaine nonchalance.

Avec ‘Forest Crunk’, Blockhead nous laisse reprendre notre souffle, et notre pouls retrouver un rythme plus normal. Mais ce morceau instrumental dépasse largement le simple cadre de l’interlude relaxant. Celui-ci mêle avec subtilité un nombre incalculable de samples d’instruments divers et variés, s’arrêtant par instants pour reprendre de plus belle. Du grand art, à écouter en boucle…

On passera rapidement sur l’électrique ‘Bracket Basher’, pour mieux rebondir sur le très bon Maintenance, qui figurait déjà en face B du maxi « Coma ». Profond et fouillé musicalement, (impossible de dénombrer le nombre de samples mis bout à bout pour créer cet instru. ‘Maintenance’ conclut merveilleusement cet opus…sauf qu’Aesop Rock prolonge un peu le plaisir en nous faisant le bon vieux coup du morceau caché (sur la version CD uniquement). Quelques 15 minutes de méditation intense plus tard, le silence est (enfin) interrompu par un morceau sans titre, dédicacé aux quatre personnes « who really saved my life, they know who they are. » Ce récit autobiographique est brillamment appuyé par une production renversante, débordant de sonorités lancinantes. Grandiose.

Conclusion ? A la fois sombre, brillant et traumatisant mais surtout parfaitement indispensable.

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