Chronique

Constant Deviants
Avant Garde

Six2Six Records - 2015

On ne va pas retracer la carrière de Constant Deviants : le site internet de leur label, Six2Six Records, le fait très bien. Revenons juste sur ces dernières années. Avec Diamonds, leur premier « vrai » album sorti en 2012, DJ Cutt et M.I. ont accompli deux exploits pour un groupe de rap : réussir sa reformation tout d’abord, mais aussi continuer de faire de la bonne musique plus de quinze ans après ses débuts. Mieux même, avec Six2Six, le duo a entraîné dans son sillage d’autres vieux briscards de Baltimore (Sparrow the Movement, Bosch, Rome, etc.) et exhumé tout un tas de projets jamais pressés sur disque ou parus en toute confidentialité il y a fort longtemps. À l’heure de sortir Avant Garde, Constant Deviants est donc clairement en position de force.

Alors, pas de raison de changer le modus operandi : M.I. est au micro, Cutt derrière les machines, et seul le New-Yorkais Aye Wun est convié pour épauler le binôme sur « It’s Like That ». Le ton est en quelque sorte donné : Avant Garde est l’œuvre d’un groupe sûr de sa force et des choix qu’il effectue. Hors de question de replonger dans les ambiances des années 1990 et de donner des suites à « Competition Catch Speed Knots » ou à d’autres glorieux faits d’armes. Le son est riche, aéré, parfaitement actuel, et M.I. n’hésite pas à chantonner par moment (« Side B »).

« Avant Garde est l’œuvre d’un groupe sûr de sa force et des choix qu’il effectue.  »

Toutefois, on n’échappe pas à son ADN : Constant Deviants est un groupe de la toute fin du siècle dernier, époque où il s’agissait de tout donner en studio car les occasions d’enregistrer ne se représentaient pas toujours. Il en résulte une approche assez spontanée de la musique : pas d’interludes, pas de morceaux bouche-trous et la volonté de faire de chaque piste un événement. Du coup, Avant Garde contient beaucoup de titres parfaits pour les mixes (« Avant Garde », « Standards », « The Right Moment ») mais aussi quelques passages un peu moins enthousiasmants (« U Know What » et « M’s 4 Milleniums », qui avait plus la tête d’un bonus track).

L’ensemble n’est pas forcément très cohérent mais témoigne en tout cas d’une maîtrise certaine qu’incarne parfaitement M.I. : dans un rap de la côte Est « canal historique » manquant cruellement de personnalités marquantes (on n’a pas fini de regretter Sean Price), le garçon fait figure d’exception. Pas de démonstration de technique, peu de variations dans le ton, un goût modéré pour les punchlines mais quand sa voix sort de l’enceinte, on tend l’oreille. Et on ne rate pas une miette des egotrips souriants (« End All Be All »), des moments plus intimistes (« I’m Still up ») ou des histoires sombres (« Which One »).

La façon de poser, la voix, la sobriété de l’écriture ? Peu importe. On touche là à ce qui rend le travail de Constant Deviants si appréciable : le savoir-faire. Les gars ont bourlingué ensemble, se sont quittés, ont côtoyé les plus grands, se sont retrouvés. Ont accumulé de l’expérience, sans pour autant rompre avec leur fraîcheur d’antan. Ils sont donc dans leur pic de forme, à point pour faire ce qu’ils savent faire de mieux : sortir de la bonne musique. Alors, à défaut de réellement les considérer comme une avant-garde de quoi que ce soit, souhaitons-leur, et à nous aussi, que cette période faste dure longtemps.

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