Chronique

5 bonnes raisons d'écouter C'est tout de Guizmo

Because Music - 2012

Dans une vidéo rendue célèbre, Guizmo nous avait averti : il s’apprêtait à sortir un album tous les six mois. Habitué des effets d’annonce, nous ne l’avions cru qu’à demi-mot. Nous avions tort. Un an et demi plus tard et Guizmo en est déjà à son troisième opus, C’est tout étant dans les bacs depuis hier. Parmi le déluge de sorties actuelles et avant celles très attendues prévues la semaine prochaine (Booba, Joke et Neochrome Hall Stars le 26 novembre), l’album de Guizmo mérite largement qu’on s’y attarde. Voici cinq bonnes raisons de vous pencher sur ce disque.

Parce qu’il y a une apparition de Despo Rutti

Despo Rutti, comme Booba le faisait récemment remarquer dans nos colonnes, se fait décidément trop rare. Sur « Bitume », même s’il ne sort pas ses rimes les plus affutées, il développe une vraie alchimie avec Guizmo (les passes passes sur le dernier couplet sont bienvenus) et répond de la meilleure manière à ceux qui avaient pris l’habitude de critiquer son flow en le renouvelant. Un nouvel album maintenant, s’il vous plait.

Parce qu’on a enfin le digne héritier de « Brigitte, femme de flic »

Là où le Ministère Ämer avait pris le parti de sortir un morceau violent, ouvertement vulgaire et volontairement choquant, Guizmo prend sa voix la plus paisible pour conter son aventure avec la femme du chef de la BAC. Délesté d’insultes et funky à souhait, « Laetitia », qui voit le MC se vanter de satisfaire une quadragénaire frustrée, ferait même davantage penser à « Celui qui vient chez toi » de Gyneco qu’au classique de Stomy et Passi. Quand « T’es juste ma pote », présent sur La Banquise,  flirtait d’un peu trop près avec le mauvais goût, l’étonnante sobriété de « Laetitia » fait du bien.

Parce que son hommage au hip-hop est sincère

Des morceaux hommages au Hip-Hop, il en a toujours existé mais, le rap étant subitement redevenu à la mode depuis quelques années, les tentatives de célébration du mouvement semblent être plus actuelles que jamais. Partant de ce constat, il serait facile de voir chez Guizmo une tentative de surfer sur la vague de nostalgie assumée qui souffle sur le rap français. Sauf que le sobrement intitulé « Hip-Hop », en plus de faire office de véritable bol d’oxygène au milieu des autres pistes résolument sombres du disque, est la déclaration d’amour sincère d’un jeune rappeur, tout heureux d’avoir sa gueule sur des pochettes de disque, envers une musique qui lui a donné une raison de vivre. Comme souvent avec Guizmo, les rimes sont simples mais semblent vraies (« J’rappais devant ma glace en faisant des têtes bizarres, en rêvant d’être un MC et de faire des vrais freestyles ») et confèrent au titre une vraie ambiance de cour de récréation. Un morceau efficace qui aurait même l’allure d’un véritable single.

Parce qu’il y a « Le Café »

Parmi la flopée de rookies appartenant à cette nouvelle génération de rappeurs, il y en a un paquet qui sont objectivement talentueux. Le problème ne se situe pas tant sur leurs qualités intrinsèques que sur leurs capacités à tenir en haleine l’auditeur, les multisyllabiques à rallonge montrant rapidement leurs limites. Pas en reste techniquement, Guizmo a en plus une qualité suffisamment rare pour être soulignée à son âge : du vécu. Du haut de ses 21 piges, le gamin de Villeneuve-la-Garenne a suffisamment de choses à dire pour qu’on n’ait pas l’impression qu’il fasse du remplissage. Alors que Normal parlait essentiellement d’alcool et de bédo, C’est tout développe des thèmes avec succès. La plus grande réussite étant probablement « Le café » dans lequel il décrit avec une précision touchante les sales habitudes prises par les habitués des PMU. En plus de faire preuve d’un vrai talent de storyteller, Guizmo a énormément progressé dans son interprétation, ne se contentant pas de débiter ses textes mais cherchant à les vivre au maximum. La manière avec laquelle il parle de cette addiction au café et de la deuxième famille qui s’y trouve, celle qui vivote entre paris sportifs et bières pression, laisse difficilement insensible.

Pour l’intro et l’outro

Ça commence à devenir une (très) bonne habitude mais Guizmo sait comment débuter et clôturer ses albums. Ici, les deux titres peuvent presque s’écouter à la suite tant ils se complètent. Là où l’introductif  « Guizmo 2 » voit le rappeur débiter avec rage sur un instru jazzy, mêlant egotrips vengeurs et souvenirs d’embrouilles récentes (« les nerfs dans le vif, j’ai failli planter Phaal »), « C’est tout » oscille entre désillusions précoces, maigres lueurs d’espoir et souvenirs émus de ses problèmes de banlieusard. Deux morceaux qui confirment que Guizmo a, non seulement, largement progressé mais que son évolution s’avère passionnante à observer.

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3 commentaires

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  • OteiTim,

    Ma femme qui déteste le rap s’enjaille sur Hip Hop sous la douche en 2017.

  • tony,

    super album, on sent l’evolution du mec dans chaque album, et sa progression, j’aime vraiment, des sons amusants, street, touchants. bref ecoutez le

  • yacine_,

    Bon article, vous m’avez vraiment donné envie d’écouter. C’est vrai, la stratégie (risquée) des trois albums rapprochés à vraiment contribuer à l’installer dans le paysage, et à se dire qu’il est là pour un moment. Pour info, Jay-Z avait utilisé la même stratégie quand il a lancé Rihanna !