Chronique

Westside Connection
Bow Down

1996

Certains albums de rap peuvent déclencher chez l’auditeur des réactions imprévues et totalement incontrôlables. Si vous venez d’écouter « Bow Down » de la Westside Connection et que vous vous surprenez, alors que vous êtes seul chez vous, à froncer les sourcils, les doigts croisés en forme de « W », dansant un C-Walk approximatif en vous imaginant dans une rue de South Central ou d’Inglewood sous un chaud soleil d’août, n’ayez crainte, vous êtes normal.

Super-groupe californien fondé en 1996, trois ans après la sortie de « Lethal Injection », la Westside Connection est composée de trois membres : Ice Cube, Mack 10 et WC (à prononcer Dub-Cee pour éviter le ridicule). L’année même de sa formation, le groupe sort un premier album, Bow Down.

« It’s gangsta rap in its highest form. A style invented on the West Coast. You’re welcome. » Pour l’auditeur qui n’aurait pas saisi le message exprimé par les trois visages peu avenants sur la pochette, le groupe prend la peine de repréciser les choses dans le livret. L’aspect revendicatif et politique des premiers albums d’Ice Cube est complètement laissé de côté. Les trois rappeurs se présentent comme des gangsters. Des durs, des vrais. Ceux qui font tourner le monde. Ceux qui ne dansent pas. Ceux qui ne pleurent pas, aurait rajouté Just Ice.

Leur but ? En pleine guerre East Coast / West Coast, il est simple : que l’ouest californien domine le monde (on réécoute ainsi le sourire aux lèvres ‘World Domination’, le speech introductif de l’album). Les doigts croisés en « W », les cojones sur la table, les trois compères toisent le reste de la scène hip-hop (« Fuck every rapper from the east and the west coast ; new school, old school, I hate you motherfuckers« , rappe WC dans ‘Cross ’em out and put a ‘K’ ). Les choses sont claires. La Westside Connection est là pour s’imposer, par la force, et donc par le beef.

Ce sont tout d’abord les critiques new-yorkais, accusés de ne pas respecter la scène West Coast, qui en prennent pour leur grade, et par la même occasion l’ensemble du milieu hip-hop de la Grosse Pomme : « Fuck all the critics in the NYC, tryin’ to get a east hip-hop monopoly. But I’ve been writing gangsta shit since ’83, when y’all was still scared to use profanity » (Ice Cube, ‘All The Critics in New York’).

Ice Cube et Mack 10 n’oublient pas de faire le ménage dans les rangs du rap angelinois lui-même en clashant à deux reprises Cypress Hill (deux couplets à la fin de ‘Cross ’em out and Put a ‘K’, WC choisissant, lui, de s’attaquer à Q-Tip, et le brûlant ‘King of the Hill’). Morceaux choisis : « I got a voice you should fear. I’ll drink a beer, bust a rap and end your fuckin’ career« , « Sen Dog you can’t rap from the guts, and B.Real’s sounding like he got baby nuts« . Certes ça ne vole pas haut. Mais c’est drôle, et ça défoule.

La production de l’album frôle la perfection. Les lignes de basse, graves et pesantes, constituent la colonne vertébrale de chaque titre. Bud’da, qui signe la moitié des beats du disque, les complète avec des sirènes et autres sons extraits de son synthé (‘Bow Down’, ‘Do You Like Criminals ?’, ‘Cross ’em out and Put a ‘K’, ‘3 Time Felons’), ou des samples (dont le ‘Hurt’ des Nine Inch Nails, utilisé sur le meilleur titre de « Bow Down », ‘The Gangsta, the Killa and the Dope Dealer’). Des batteries sèches viennent rythmer et charpenter le tout. Ice Cube, Binky et QDIII produisent les cinq morceaux restants, eux aussi très bons. Musicalement massif et carré, « Bow Down » convainc donc également sur ce plan.

On retrouve peu d’invités sur cet album. La grosse voix et le flow évolutif de WC, le rap hargneux d’Ice Cube et celui plus basique de Mack 10, parfaitement complémentaires, se suffisent la plupart du temps à eux-mêmes. Seul ‘Do You Like Criminals ?’ voit la Westside Connection se faire accompagner de K-Dee, également présent sur le terrible posse-cut ‘Hoo-Bangin’ avec les Comrads et All Frum Tha I.

Bow Down s’avère être, au final, un disque tout simplement exceptionnel bien qu’un peu court. Musicalement solide, excellemment rappé, il n’a, en dix ans, pas pris une ride. L’écouter en 2006 est encore un réel plaisir. Le seul risque est que vos voisins appellent la police, exaspérés de vous entendre crier « Westsiiiiiiiide » à tue-tête. « But can’t get enough of this gangsta shit !« .

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