Chronique

Sadat X
Black October

Riverside Drive Records - 2006

L’octobre noir de Sadat X n’a rien à voir, et on peut le regretter, avec un effondrement de Wall Street. Il a en revanche tout à voir avec un emprisonnement de quelques mois pour port d’arme, menaces de tirer dans le tas et délit de fuite, dans des circonstances apparemment… euh… confuses. Grâce à DJ Premier, Guru avait converti une arrestation en un excellent morceau (« JFK 2 LAX »). Après la mise au point du morceau-titre, Sadat X distille sa version des faits (un morceau vise le crapoteux New York Post), d’où, peut-être, le craquage de fin de parcours sur  la « Momentary Outro » un speech a capella aussi énervé que peu éclairant. Sur Black October, l’enseignant Derek Murphy rappe qu’il va regretter ses potes, les cookies, la bière et sa classe. Sûr que si une mauvaise note leur vaut la menace d’un Beretta, ils doivent trimer en silence, les marmots…

Ce nouvel album sort un an pile après le précédent, Experience and Education. Il suit aussi de quelques mois le premier solo d’un autre ex-Brand Nubian, Lord Jamar. On pouvait y voir autant un signe de mauvais augure qu’un point de comparaison flatteur. Car au-delà de son emballage, The 5% Album était un album franchement quelconque. Juste de quoi servir de marchepied pour son ancien compère. Reste à voir pour quelle hauteur.

The 5% Album, donc. Rien pour exciter l’enthousiasme, même en s’efforçant d’accueillir le délire des Five Percenters comme un prétexte à sarcasme plutôt qu’à lamentation, leur baratin n’étant pas sensiblement plus crétin que celui des entreprises concurrentes mieux installées sur le marché des aspirations théocratiques. Débarrassé de 85% de sa masse graisseuse, le petit livre accompagnant le disque contenait même quelques bribes d’information intéressantes. Si l’album ne brillait pas, la faute en allait à des productions lambda et à un rap sans relief. L’album typiquement moyen, alternance de morceaux « plutôt pas mal » et de morceaux (majoritaires) « plutôt pas terribles », alourdie d’interludes sans intérêt et de performances infantiles fort vilaines.

Ce n’est donc pas faire un gros compliment que d’affirmer que Black October s’en sort mieux, mais c’est déjà ça de pris. Derrière une pochette à l’ambiance Twilight Zone, voilà un album correct, qui ne mérite ni les cailloux, ni les lauriers. Mettons de côté cette voix aiguë et nasillarde dont Sadat X, un peu à la manière d’un B.Real, a réussi à faire une marque de fabrique, retournant la faiblesse en force. Reste un flow qui laisse parfois perplexe, agile pour les partisans, brouillon pour les détracteurs.

Quand le rappeur contrôle son flow et donne l’impression de le caler sur l’instru qui le supporte, cela donne des morceaux plutôt convaincants — où se détachent « Eternally Yours » et « On tha Come Thru ». Quand J-Zone sort sa boucle du lot et l’agrémente de scratches (« X is a machine »), il glisse un grain d’originalité bienvenu dans un album qui en est largement dépourvu, jusqu’à la fausse surprise des morceaux cachés, pas plus mauvais que les autres d’ailleurs.

À l’inverse, dès que Sadat X est en roue libre, comme s’il ne se préoccupait pas vraiment du beat, et que ça tombe où ça tombe, le résultat laisse au mieux indifférent (« Million Dolla Bill »), voire irrite quand un sagouin est derrière les machines. Au premier rang des accusés figurent le peu inspiré Scotty Blanco, qui tire deux mauvaises cartes de sa poche crasseuse, et DJ Pawl, qui commet l’électro-repoussant « Who ». DiamonD et DJ Spinna (le morceau-titre démarre plutôt bien l’album, malgré une prod un peu chargée) s’en sortent convenablement, sans plus. On n’en dira pas autant de Greg Nice et de sa tentative old school frelatée.

Black October confirme simplement que Sadat X vaut plus comme élément d’un trio que seul, où il est vite lassant. C’est dans un ensemble que sa voix prend sa place et son intérêt, par contraste avec le timbre grave de Jamar, Puba assurant l’entre-deux. On n’est d’ailleurs pas mécontent de retrouver les trois compères sur « Chosen Few », malgré un morceau mollasson. On n’est pas mécontent non plus de ne pas entendre la voix du rappeur venir polluer un très bon interlude…

Au final, les positions ne devraient pas bouger. Si vous aimez Sadat X, il y a des chances que cet album vous plaise. Si vous ne l’aimez pas, la conversion n’est pas pour maintenant. Si vous ne le connaissez pas, il est temps de faire connaissance avec d’autres BN que les biscuits ; on est ici loin de Everything is Everything et même de Foundation. Si vous vous en foutez parce qu’il y a tant de bons disques à découvrir plutôt que celui-ci, somme toute faiblard, vous avez sûrement raison.

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