Chronique

All Urban Outfield
Sacrifice Fly

Black Lantern Music - 2014

Ne jouons pas les sonars du rap : avant de tomber, un peu par hasard, sur leur Bandcamp, nous n’avions jamais entendu parler de p.WRECKS et K.Clifton, et encore moins de leur duo, All Urban Outfield. C’est donc après écoute d’une poignée de leurs titres que l’on apprendra que ces messieurs arrivent de Seattle, charbonnent dans l’ombre depuis un paquet d’années et affichent comme influences principales Kool Keith et le groupe de Powerviolence (sic) Spazz.

L’amour des atmosphères lugubres et des paroles fortement teintées de science-fiction rapproche clairement All Urban Outfield de l’Ultramagnetic MC. La proximité avec le punk hardcore semble en revanche moins évidente : tout, dans Sacrifice Fly, leur dernier projet en date, n’est en effet que rage contenue, froideur et austérité. Wrecks et Clifton nous proposent de passer une cinquantaine de minutes en leur compagnie sous un ciel de plomb, comme Rainy City (le surnom de Seattle) en offre à l’année.

Le piano inquiétant de « Lurkers », les synthés ronronnants de « Protoball », les lourdes guitares de « Angel Rape »… De la première à la dernière piste, les variations musicales se font autour du même (chrysan)thème : la grisaille. Seuls le posse-cut « Foods That Start with Q » (référence à Les blancs ne savent pas sauter ?) et le laid back « Watch the Road, Bub » constituent de rares moments de relative éclaircie, rompant avec les sonorités crépusculaires, métalliques et lo-fi. La production est néanmoins très plaisante dans l’ensemble : les beatmakers sollicités ont des blazes à coucher dehors à défaut d’être ronflants, mais le casting a été judicieux.

« Dans Sacrifice Fly, tout n’est que rage contenue, froideur et austérité.  »

Cette atmosphère sombre et opaque colle tout à fait aux flows nonchalants de Wrecks et Clifton. Ils ont ici toute latitude pour étaler leur paranoïa et leur pessimisme d’un ton monocorde, en évitant au maximum les refrains. Les thématiques abordées et l’esthétique très dépouillée renvoient inévitablement une quinzaine d’années en arrière, aux grandes heures de Company Flow ou d’Anticon. La place laissée au DJ renforce le parallèle : les scratches du dénommé Lister ont un rôle dépassant la simple « caution Hip-Hop » et le garçon a même une piste pour s’en donner à cœur-joie et rendre hommage à Gary Payton, meneur de jeu des défunts Seattle Sonics dans les années 1990, sur « The Glove ».

Gary Payton justement, parlons-en : soyons francs, si All Urban Outfield n’avait pas nommé un morceau d’un album antérieur « The Payton, Kemp Era », on ne se serait jamais intéressés à leur cas. Parfois, le hasard et les références néandertaliennes font bien les choses et nous ont ici permis de découvrir des artistes plus qu’intéressants. Déchue de son équipe de basketball, Seattle jouit, telle une modeste contrepartie, d’une scène rap particulièrement vigoureuse ces dernières années. Et comme toutes les places fortes, la ville compte aussi bien des figures connues (Macklemore, Ryan Lewis, Jake One) que des travailleurs de l’ombre, garants d’une certaine identité locale auxquels p.WRECKS et K.Clifton font ici honneur.

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1 commentaire

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  • connard.monsieur,

    merci les gars quel plaisir!
    enfin une chronique sur un projet P.Wrecks !