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Rohff, le Mal-aimé

Dans le rap français, on aime critiquer Rohff. Des fois c’est à raison pour « Animal » ou « Dans Ma Werss », des fois, c’est pour chercher la petite bête (vous vous rappelez des critiques sur la pochette du Code de L’Honneur ?). Ça n’empêche sûrement pas Rohff de dormir ni de manger (après tout, « c’est pas les jaloux qui font [ses] courses« ). Mais s’il y a un rappeur qui mérite une vraie réhabilitation critique en France, c’est bien lui. Et pour aller plus loin, son disque le plus intéressant est également celui que beaucoup considèrent comme le moins abouti. Je parle bien sûr du très auto-centré Au-delà de mes limites.

Après tout, ça tient à une foule de petits riens, la réussite d’un album. Au-delà de mes limites est un moins bon album que La Fierté des Nôtres, pourtant Rohff y rappe bien mieux. En plus, c’est un disque plus honnête : Rohff ne s’offre même plus de respectabilité avec des conseils de vie sur fond de refrain latino. Non, le propos se limite à un sujet : Rohff lui-même, puisque même les morceaux à thèmes sont prétextes à des égotrips à n’en plus finir ou à des morceaux d’introspection. Long, répétitif, parfois fastidieux, Au-delà de mes limites offre néanmoins Rohff à son meilleur de niveau de rappeur depuis longtemps. Longue montée d’adrénaline, entre sentiment d’invincibilité et parano insubmersible, Au-delà de mes limites, c’est comme la chronique d’un bref moment au sommet du rap français. Pour aller dans le sens de Rohff, ça fait penser à Tony Montana dans sa résidence avant que les Colombiens viennent le finir : un mec arrivé à un niveau fragile de succès et qui sait que la chute le guette. Entre ivresse des sommets et angoisse vertigineuse, Rohff assène de l’égotrip comme un mantra destiné à le rassurer (« Trop Dangereux », « Premier Sur le Ghetto », « La Puissance » …) plus qu’à vraiment effrayer la concurrence.

Rohff – « La Puissance »

Heureusement, il est aussi capable de caser une confession dans un morceau à gimmick (« se remarier en mode divorcé, c’est corsé/mes parents m’ont eu en mode mariage forcé » dans « En Mode »), de transformer une ode aux disparus en autoportrait en creux (« Regretté »), de s’en prendre à son crew originel jusqu’au malaise (« Seul contre tous », « Relation de merde »), de pondre un cousin européen à « Moment Of Clarity » (« J’ai pleuré la mer en retrouvant le paternel« ), Rohff reste seul tout au long de l’album : le feat de Jam s’oublie vite, les apparitions d’Ikbal sonnent  comme un écho de sa propre conscience et quand il invite les deux plus gros vendeurs de l’époque (Diam’s et Kool Shen) c’est pour leur faire rapper un refrain à sa gloire (« Roh2f, tu nous bombardes à la tête/Dis-nous comment tu aif/qu’on arrête de se prendre la tête« ). Ce qui sauve l’ensemble de ces deux heures de mcing orgueilleux, c’est une démonstration de technique qui ne dit pas son nom et qui fait de Rohff un rappeur hors pair qui n’a pas besoin de dire des choses renversantes pour faire son effet (la preuve, récemment dans « Rap Game », quand il dit « Si to the mother fucking si, si si/Ouais ouais to the mother fucking ouais/Ouais Ouais Ouais !« , on a l’impression que c’est une punchline) et dont la spontanéité de l’écriture dissimule un vrai sens de la formule (« Le rap va crever le même jour que moi/le rap, il lui manque une dent et il a des grosses joues, comme moi« ).

Rohff – « Regretté »

Exigu et oppressant, Au-delà de mes limites n’a pas la force fédératrice de La Fierté des Nôtres, c’est sûr. Les singles programmés visent à côté (« Bonne Journée », « Mon nom », « Bol d’Air » …), comme si Rohff faisait exprès de rater le format radio (c’est quoi cette idée de mettre deux chanteuses différentes sur un même morceau ?), comme si, l’espace d’un instant, il avait cessé de vouloir faire le grand écart permanent entre « Qui Est L’Exemple » et « Ce Son C’est La Guerre », « Le Mot d’Ordre » et « Zone Internationale ». Du coup, on comprend mieux la volonté de Hostile d’avoir voulu cette réédition, sortie quelques jours après le retour de Rohff dans la Mafia K’1 Fry (il est reparti depuis) et quelques mois avant ses problèmes judiciaires et familiaux (vous devez être au courant). Dans ce disque, Rohff a ajouté un inédit « Dirty Hous », mais c’est surtout le texte des dédicaces qui a de l’intérêt si vous voulez mon avis. Entre égotrip, introspection, ébauche de remise en question et création du futur refrain de « Frais », il fait presque office de bonus track fantôme. C’est long mais ça vaut le coup alors c’est parti pour la retranscription in extenso : « Je remercie le Tout-Puissant pour les bienfaits et les épreuves, à chaque mal un bien, que Dieu nous guide. Ma famille pour le soutien moral et affectueux, la rue pour sa fidélité et mes fans parce que quelque part, c’est grâce à eux que je n’ai plus à faire de conneries pour manger. Je reste vrai jusqu’à la dernière note de mon son, la dernière goutte de mon sang. Ma perception du rap n’est certainement pas celle d’un programmateur de grande radio, ni celle d’un D.A. Je les entends rapper, ils n’ont pas fait mieux. Je chante avec mes tripes, sans artifices sans me prostituer dans les émissions de Olé Olé, c’est mon combat, je ne suis pas prêt à tout pour vendre des disques ou à être célèbre. Je reste digne de mon histoire, partagé entre les Comores et la France, la rue et le Showbiz, ce qui explique peut-être ce sentiment de trouble caractériel provoquant parfois de la contradiction dans mes écrits, mais continuons à travailler sur nous-mêmes« . Un code de l’honneur, assurément.

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22 commentaires

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  • Delph,

    Rohff le du rap game n’a plus rien a prouver

  • Huss76,

    Pour une fois jsuis d’accord avec ces trou du cul de journalistes, au dela de mes limites c Houss a son apogée kan tout le monde attendait la chute il continuait a monter trop de classic dans cet album: le cauchemar du rap francais en intro, la hass en solo légendaire, j’espere que, le temps passe, accepte moi comme je suis le son le plus vrai sure les rapport avec les meuf pour les bonhomme; dans les sons egotrip radjil(bonhomme) seul contre tous un de ses meilleure solo, la violence, relation de merde ou defier tout un groupe seul et j’en passe ya encore toujours et le club des metaphores pour la technique!!!!!!!!!!!!! les gens se focalisent sur regretté mais il a fait largement mieux sur cet album qui ne sera jamais titillé dans l’histoire du rap fr les vrais savent!!!! Roh2f a formé des bonhommes avec ses albums ses principes collent à la rue et à nos vies?. notre génération a pas les valeurs materialistes des petits comme booba ou lafouine qui sont excellents rappeurs mais transperce pas les coeur des bonhomme comme housni!! que et seulement pour les vrais et pas les scatophiles qui se branle devant leur pc et booska p c pas seth gueko sexion d’assaut ou mister you ou la fouine ou lunatic ou booba ou kery c beaucoup plus reel et profond.Rohff est incomparable comme zidane,jordan, c un messie des rues aussi controwerssé que ses habitants.

  • jibtunes,

    Rohff la mal aimé du rap francais elle est pas mal celle la
    alors se sra booba le haiii du rap francais

  • yacine_,

    Merci pour ton com’ que je trouve très intéressant même si je diverge sur les conclusions ! Après je pense n’être tombé dans aucun piège, j’ai écrit ce que je pensais & que je continue à penser d’ailleurs. Et justement c’est ce « petit coup » de génie qui existe aussi chez Rohff (sous une forme différente) et que je défend.

  • juronjux,

    Je ne vois pas une seconde en quoi Rohff aurait besoin d’être réhabilité.
    On sait bien qu’il est capable de mettre les choses au clair par ci par là avec une puissance et un sens de la formule frappants. Et on entend ces morceaux dans presque toutes les camionnettes ouvrières de France.
    Maintenant c’est lui qui se décrédibilise avec des albums inconstants, inconsistants (qui feraient de très bons ep), ses frasques judiciaires et relationnelles… avec des doubles albums avec lesquels il veut passer pour le 2Pac français, pour la victime mal-aimée, seule contre le monde.
    Son problème, c’est qu’il est apparu avec la puissance de l’insoumis sur Guet-Apens et Le Code de l’honneur. C’était cru et rentre-dedans, sa marque. Vu qu’il a obtenu reconnaissance, célébrité et argent, il sait plus comment rapper en insoumis… Au contraire de Booba, il n’a jamais eu cette touche « artiste », ce petit coup de génie personnel qui, il me semblait, était souvent défendu par les articles et forumeurs de l’abcdr.
    Le jour où il sera bien entouré et nous sortira un vrai album d’artiste, solide et homogène, portant une ambition artistique, au lien de sortes de grosses street compilations de singles, Rohff se réhabilitera immédiatement parce qu’on sait qu’il a du potentiel. Tant qu’il mettra dans ses textes des mots anglais pour faire in et qu’il jouera son incompris… ben il passera pour un guignol de 32 ans.
    Donc, non, je trouve que tu es tombé dans le piège de l’ethos, l’image que Rohff veut donner de lui.

  • Sonny Williams,

    Apla et Winnie ont tout dit…
    Faudra qu’un jour quelqu’un m’explique…

  • Winnie,

    Rohff est au contraire le rappeur le plus surestimé de l’histoire du rap français.

    Article assez incohérent pour ma part.

  • Apla,

    On doit rire ou pleurer ? 
    « récemment dans “Rap Game”, quand il dit “Si to the mother fucking si, si si/Ouais ouais to the mother fucking ouais/Ouais Ouais Ouais !“, on a l’impression que c’est une punchline »
    de merde alors.
    J’ai arreté de lire à partir de là.

  • DoubleBStyle,

    @Yacine_ On ne doit pas vivre dans le même pays, ou sinon on cotoie pas du tout les mêmes personnes. Pour ma part, Roff est plus surestimé que sous-estimé, en tout cas s’il n’est pas surestimé, il est estimé à sa juste valeur. Tu peux aller dans toute la province, yaurap as une ville, un village ou un quartier qui n’écoute pas Rohff dans la voiture. Sans rire « Dirty HOus » « La puissance » « Rap Game » etc. yen a à la pelle, ces morceaux tout le monde les connait. »Regretté » puisque tu parles de « Au dela de mes limites », tout le monde s’accorde pour dire que c’est un excellement morceau, « Testament » a été encensé par tout le monde aussi.
    Je suis très étonné de voir que vous pensez que Rohff mérite une « réhabilitation », il est largement moins décrié que Booba ou La Fouine par exemple. Apprécié par la street, apprécié par les auditeurs de Sky, apprécié par les gens qui aiment simplement le rap. Je crois qu’il n’ya que dans le milieu rap-bobo-realhiphop je sais pas trop comment dire ça qu’il est réellement décrié. A juste titre quand c’est « Animal » par exemple, que personne n’a aimé, mais pour l’ensemble de sa carrière, Rohff est surement le rappeur le plus aimé de France.

  • GoG,

    Rohff n’a clairement plus rien à prouver. Les morceaux fleuves de son premier album débordaient de sincérité et de justesse, tout comme ‘Regretté’. Cependant j’ai du mal à comprendre: en quoi se répéter continuellement dans des égotrips rend cet album « son album le plus intéressant » ? Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit de son disque le moins abouti mais a contrario il ne déborde pas non plus d’idées transcendentales..!

    En attendant La cuenta (avec impatience ? faut pas pousser :D)

  • Sensei,

    En tout cas, un album n’a jamais aussi bien porté son nom. Concrètement c’est Rohff qui m’a fait aimé et découvrir le rap, et « La Vie avant la Mort » a été mon premier album. Je l’ai saigné comme pas possible à l’époque (putain de « Le même quartier »), puis vint le tour de « La fierté des nôtres ». J’avais élevé Rohff au rang d’idole, un peu comme Kéry James. Et quand « Au delà de mes limites » est arrivé, j’ai pas réfléchi j’ai couru l’acheté, et ce fut la plus grande déception rapologique de ma vie. Sur la trentaine de morceau, j’en ai retenu aucun, sauf « La puissance », sympathique.

    Depuis, c’est devenu mon disque maudit, et j’avoue ne plus avoir écouté grand chose de Rohff suite à cet intense choc traumatique. Et je crois d’ailleurs que c’est à ce moment là que j’ai commencé à devenir un véritable archéologue, et à m’intéresser un peu plus au passé qu’au présent.

  • yacine_,

    Le mal aimé parce que je pense sincèrement qu’il n’a pas la reconnaissance critique qu’il mérite : des fois, on loue Booba pour des choses qu’on reproche à Rohff, par exemple. Et parce que ça faisait un clin d’œil facile au morceau avec Kery sur la fierté des nôtres.

  • Borsalino,

    le code de l’horreur était au dessus de 0.9
    autant booba semble reprendre le dessus
    lunatic > la cuenta. j’prends l’pari

  • manou,

    Rohff il aurait beaucoup gagné a racourcir ses deux albums doubles. Personnelement je le trouve sur-éstimé, il est très efficace avec le peu vocabulaire qu’il a, c’est sa seule force.

  • heu,

    pk? mal-aimé je ne pense pas il a une grande carrière il a des contradiction et tout et il la des critique comme souvent les même que booba s’était mieux avant mais bon il a fait de bons albums en général il vend beaucoup donc mal-aimé je pense pas mais beaucoup critiqué ouais comme tout artistes très connue

  • Borsalino,

    attendons la cuenta pour faire le bilan des comptes 😉

  • Znk,

    Super article.
    « dont la spontanéité de l’écriture dissimule un vrai sens de la formule », ça c’est la définition du bon rappeur pour moi.
    On doit pas se douter que la phase est une phase.

  • clark kent,

    ben je suis un peu gené. J’adore le premier album de rohff : une vraie bombe. Mais plus on avance moins je suis emballé. (pareil pour 113)
    Mais en ecriture dans son genre, il est fort le bougre. Simple et hardcore. Il n’a plus rien à prouver.

  • fabdu974,

    bel article encore une fois, en parlant de la punchline de rap game, un mec sur internet l’avait retranscrite comme ça :
    « Si si to the motherfucking sea, ouais ouais to the motherfuckin’ way »
    j’sais pas si Rohff l’ fait exprès mais c’est pas mal!

  • mackey,

    Regretté est un très beau morceau.
    Par contre cet album est moyen. Effectivement son meilleur reste le premier car frais et non formaté ! Après, sérieusement, il a oublié a qui il devait tout (kery et la mafia) et pour moi il est loin d’être dans le top 5 des rappeurs francais.
    Il a tellement répété qu’il était le meilleur qu’on a finit par le croire…. bien vu !

  • grd de la tourette,

    je suis partagé en lisan c article, personnelement pour moi le meilleur albulm de rohff n est pas audela de mes limites, mais la fierte des notres beaucoup plus profond…

    apré les gens peuvent dire ce qu’il veulent ils ne pourront jamais nier ce qu’a sorti rohff comme son fou, qu’on peut compter par plusieurs dizaines, des vrai classique que tt amateur de rap sont forcés de reconnaitre en tant que tel

    rohff l’alarme du rap francais, grd respect pour lui
    devoir de memoire ne jamais oublié ce qu il a fait personne ne la égalé a son apogée

  • F.Ewing,

    Tiens, c’est bizarre. Je réécoutais justement cet album de Rohff hier. Et je le retiens surtout pour le fameux « Regretté » (sur lequel j’ai fait un billet sur mon blog d’ailleurs). Comme à son habitude, Rohff semble maîtriser les morceaux long format un peu plus intimistes et sincères.C’est sa force je pense.