Cyanure
Interview

Cyanure

En 1998 sortait Heptagone. 15 ans plus tard, Cyanure réalise la visite guidée d’ATK, collectif ayant traversé le rap français de la fin des années 90. Et finalement, les rêves ne sont pas totalement partis en fumée.

Photographie : Photoctet

ATK, c’est d’abord une histoire de nombres. Connu pour ses albums à sept, le groupe formé d’un DJ et trois binômes sur Micro Test et Heptagone était d’abord un collectif, obèse et protéiforme, probablement l’un des plus imposants du rap français des années 90. De Freko le mangeur de pierres aux départs chez Time Bomb, terre promise des MCs, de Matt Houston à Pit Baccardi, de la Porte Dorée aux portes des maisons de disques, des boucles mélancoliques et nostalgiques qui ont fini par peser sur le rap français au Klub des 7 et à L’Atelier, Cyanure était là. Depuis le début. Et comme il n’était pas possible de tout raconter, il a fallu compiler plus de 7 heures d’entretien. Au final, un interview de 70 000 signes, et le chiffre 7, comme un hommage à l’absent Fredy K. Bienvenue dans les sept coins et recoins de l’Heptagone.


A : Lors de la préparation de cet entretien, tu as insisté pour revenir sur toute la période ATK. Juges-tu qu’il y a un déficit de reconnaissance envers le groupe, ou est-ce une nostalgie complètement assumée ?

C : Aujourd’hui, ATK me rappelle mon adolescence, ce moment super important où tu te construis. On s’est construits autour du rap parce que c’était notre contexte, notre génération. Mais ce que je retiens, ce n’est pas tant le côté rap qui est presque devenu secondaire, mais plutôt toutes les personnes que j’ai pu rencontrer. Si en plus tu ajoutes à cela les textes mélancoliques ou nostalgiques que le groupe a toujours eus, oui il y a une nostalgie assumée ! Mais je ne suis pas passéiste, j’ai juste du respect pour le passé et pour les amis d’hier.

A : Quand tu dis que le rap est secondaire, on parle d’aujourd’hui ? Ou même à l’époque, ce n’était finalement qu’une courroie d’entraînement ?

C : Quand je te dis que le rap est secondaire, c’est de la forme dont je parle. Le fond c’est que j’avais envie de m’exprimer, de faire de la musique et de rencontrer des gens. Ça a été par le rap, mais après tout, ça aurait très bien pu être autre chose. Je me suis trouvé dans ce courant-là par chance. C’est ensuite qu’il est devenu vital, essentiel. C’est l’élément majeur de mon histoire depuis le jour où je m’y suis vraiment impliqué, c’est à dire fin des années 80.

A : Quels ont été tes premiers contacts avec le rap ?

C : L’émission de Sidney sur TF1. Dimanche, début d’après-midi, avant Starsky et Hutch, il y a ce truc qui débarque. Je ne sais pas pourquoi j’ai été attiré par ça ! [Pensif] Peut-être parce que c’était américain. À l’époque, les Amériques, c’était un truc de fou et à 6 ou 7 ans, je vois ça, ça me plaît. C’est coloré, il y a des sons supers, des mecs qui gigotent dans tous les sens. Après chaque émission, je mets mon K-Way et avec mes frangins on essaie de breaker et voilà ! C’est un premier contact et il est super complet, parce que chez Sidney, tu as la danse, la musique, les DJs, un peu de graffiti. En plus, à cet âge-là, tu ne choisis pas trop ta musique, ce sont tes sens qui répondent, le fun aussi. Et je suis tombé dedans ! Ensuite, il y a eu un blackout jusqu’au collège. Là tu deviens un peu plus indépendant, autonome. Je découvre les tags dans mon bahut, la voie ferrée désaffectée sur laquelle on va avec des potes…

A : Tu parles de la Petite Ceinture ?

C : Oui, j’ai fait toute ma scolarité à Porte Dorée, au collège Paul Valéry. J’y captais tous ces éléments propres au rap, au hip-hop, qui débordaient d’un peu partout. J’essayais de comprendre, de remonter la filière. Tout en n’osant pas trop les approche; je regardais avec des grands yeux ces mecs en starter Giants qui étaient en 3ème. Mais petit à petit les contacts se font. De fil en aiguille, j’ai acheté mon premier album, Tougher Than Leather de Run DMC,  et j’ai découvert l’émission Deenastyle. Et là, c’est la grosse claque ! À la maison, j’avais l’extinction des feux à peu près au moment où l’émission commençait. Du coup, j’écoutais dans le noir, je laissais une cassette de 120 minutes tourner au moment où je me couchais, tout ça pour avoir le maximum d’émission, surtout les freestyles à la fin. C’est là que j’entends Lionel D, les New Generations MCs, Joël & Doudou, Solaar, Kool Shen et Joey Starr. Même si je suis fasciné par les États-Unis, je passe direct en recherche de rap français. J’ai treize ans et j’essaie de bouger dans les petits concerts, de me renseigner. J’achète Get Busy, je me renseigne quoi ! Puis le rap commence à être diffusé à la radio. Quand « Bouge de là » passe, je suis heureux parce que j’écoutais déjà Solaar chez Dee Nasty. J’écoutais vraiment tout ce qu’on me proposait. Puis au fur et à mesure je me suis fait ma culture en lisant Get Busy, en regardant RapLine…

A : C’est à cette époque que commence ATK ?

C : Non, c’est un petit peu après. Mon premier groupe a duré trois mercredi après-midi. Il s’appelait Les Chasseurs de Primes parce que je suis un gros fan de Boba Fett dans Star Wars [Personnage de la saga, qui est un chasseur de primes, NDLR]. C’était avec un pote avec lequel on taggait dans le collège. Le groupe était super artisanal. On avait un poste pour diffuser les instrus et un autre poste pour enregistrer les ambiances de la chambre afin de faire des mises en scène. Ça donnait des trucs comme mon pote qui ouvrait la porte de la chambre et disant « Eh, comment ça va Cyanure ? – Ouais ça va, Rebel in the City« , puis on rappait. On a vite lâché l’affaire, mais ça m’a donné l’envie d’écrire, de rapper. Pendant deux ans j’ai écrit dans mon coin. Je ne rappais pas, parce que je me trouvais un peu ridicule, je me demandais finalement pour qui je rappais. Jusqu’au jour où avec Franck, un autre pote dingue de basket comme moi, on se fait un un contre un sur un terrain de Paul Valéry. Sur l’autre terrain, on voit deux mecs, dont un renoi qui est au lycée. On leur propose un deux/deux. Quand le match se termine, et comme je les avais entendus parler de musique, je leur demande s’ils en font. Ils me répondent en me charriant, genre l’un fait de la batterie, l’autre de la guitare. Moi je leur réponds juste que j’avais cru les entendre parler de Radio Nova. Là leur attitude a changé. Je leur explique que j’écris des textes, que je rappe dans mon coin. Eux me disent qu’ils ont un groupe avec des danseurs, parce qu’à l’époque, tu n’avais pas de groupes sans danseurs. L’un des deux, le renoi, me dit : « demain, fais-moi écouter des trucs au lycée« . Ces mecs, c’étaient Kesdo et Axis.

A : Que s’est-il passé ensuite ?

C : Le lendemain au lycée, on s’est donnés rendez-vous aux chiottes, c’est là qu’a eu lieu l’audition. Il y a Kesdo et un autre mec, que j’avais également remarqué au lycée. Ce mec, c’est Pit Baccardi, qui à l’époque s’appelle Pichou. Il vient d’arriver du Cameroun, il rappe dans un groupe qui s’appelle les VAV, les Vengeurs Africains par la Vérité. Je leur fais mon texte. Ils me disent que c’est cool, et c’est comme ça que je rejoins le groupe de Kesdo et Axis, qui s’appelait CMB [Cash Money Brothers, NDLR]; comme un groupe de rap sur deux à cette époque j’ai l’impression. Assez rapidement, je leur ai dit que ce serait bien qu’on ait un nom français. Afin de garder CMB, on s’est appelé Crime Mené à Bien. A l’époque on était vachement dans les noms criminels, et très influencés par Colors et New Jack City.

On poursuit notre chemin avec Kesdo et Axis, Pit rappe un peu avec les VAV, un peu en solo. On arrive à faire notre premier enregistrement studio. On en ressort avec une cassette de trois morceaux, puis arrive une fête de l’école à laquelle on aimerait se produire, mais on n’a pas de DJ. Et là un pote m’annonce qu’il va me présenter un gars. On décide de le convoquer, on va le chercher à sa station de métro, et le mec déboule : il a des lunettes comme moi, une coupe de cheveux qui part en couille comme moi, un pull à capuche gris comme moi et un jean d’une couleur bizarre. C’est Tacteel avec sa MK2. On fait le concert, Tacteel intègre le groupe, et on se renomme Section Lyricale. On voulait avoir une section pour chaque pan du hip-hop, et notre nouveau rêve, c’est de sortir un vinyle pour qu’on puisse scratcher nos voix. On passe des heures chez Tacteel, qui a déjà plein de disques et qui nous fait notre culture hip-hop en nous les passant. On finit par avoir trois/quatre morceaux, à gratter des scènes à droite à gauche, jusqu’à avoir un plan pour un événement qui s’appelle La Fête de la Jeunesse. On prépare le truc correctement, on envoie notre dossier, et on nous attribue un créneau d’une heure un samedi après-midi. Là ça a été la panique !

A : Pourquoi ?

C : Parce que d’un côté on nous demande de faire une heure de scène, alors que de l’autre, on a quatre morceaux à tout casser dans notre répertoire ! On se demande comment faire. Comme dans le lycée, on commençait à avoir notre petite réputation, et que pas mal des personnes qui jouaient au basket sur le terrain de Paul Valéry rappaient aussi, on a décidé de prendre les choses en main. ATK est né parce qu’on a dit à tous ces gens du terrain de basket qu’on avait un concert d’une heure, et qu’on comptait sur eux pour partager la scène avec nous.

« « Quand en finissant d’enregistrer « Attaque à Mic Armé », on a entendu Zoxea dire « Atézékaza » dans sa langue des Z’, on était au nirvana ! » »

A : Vous étiez déjà les 25 à ce moment-là ?

C : Si on parle du concert à La Fête de la Jeunesse, oui. Mais tout ça s’est fait en plusieurs étapes. Il y a eu trois mois entre la réponse au dossier de candidature et le concert. Entre temps, on essaie de passer en radio. On va chez FPP, chez Aligre [Radios associatives émettant sur la région parisienne qui ont accueilli, – et accueillent encore – une partie de la scène rap française, NDLR], on a envie de rapper ! En montant le crew, on a l’opportunité d’enregistrer aux Studios de la Seine et de répéter au Studio Campus à Bréguet-Sabin. Pour financer tout ça, chacun donne cinq francs pour chaque session en studio.

Au fur et à mesure, avec les gens du terrain de basket, plus chacun qui ramène ses contacts, le crew grandit. En studio, on répète le concert, mais on y enregistre aussi un freestyle. Kesdo ramène Fredy, son frère, et Test, son cousin. Test et Fredy ramènent Slowa et Physka qui devient Emotion Lafolie. Tacteel ramène DJ Feadz, aujourd’hui chez Ed Banger, et son rappeur Sato AKA Elger. Il y a Kassim et Kamal qui deviennent les Dealers 2 Mots, qui eux-mêmes ramènent Odji Ramirez, et toute l’équipe qui deviendra La Famille Haussman. Antilop ramène son cousin, Celsius, qui ramène lui-même Metek. On va donc au studio pour enregistrer ce fameux freestyle. On n’est pas encore 25, mais on a déjà le nom d’ATK. Et ce freestyle finit par être diffusé sur FPP en version courte.

Lors d’une répétition suivante, toujours au même studio, je crois que Kamal ramène deux gars. Je les rencontre, je leur demande s’ils ont 5 francs pour aller à la répét’. L’un des deux gars, c’est un blanc avec une coupe de petit chanteur à la croix de bois, un duffle-coat vert, les joues toutes roses. L’autre est un renoi à l’air sombre et dur. On va à la répétition, et quand le blanc ouvre la bouche et commence son texte, on se prend tous une énorme gifle. C’était Freko, accompagné de Watchos. Leur groupe s’appelait l’Akadémie. Des années plus tard, j’apprendrai dans une interview donnée par Freko, que c’était notre freestyle diffusé sur FPP qui lui avait donné envie de rejoindre ATK.

À ce moment-là, on est presque au complet. Pour rentrer dans ATK à l’époque, il faut avoir un texte bien sûr, et se retrouver dans l’esprit « posse ». Il y avait des mecs qui se pointaient avec un texte, et on leur disait : « OK, on a un concert le 20 mai, il faut que tu sois là« . Mais honnêtement on ne pensait pas que tout le monde viendrait. Eh bien si ! Ils sont tous venus ! Freko vient, Watchos vient avec une coupe de cheveux faite pour l’occasion, Boramy vient, Matt [Houston, NDLR] vient avec le petit Ben. Tous déboulent ! Là, on est 25, c’est le top d’ATK, et l’ambiance est mortelle. Après le concert, on a continué à rapper dans le métro. Un mois plus tard, on a enchaîné avec La Fête de la Musique. On rappait partout en fait. Tu croisais un mec qui rappe ? C’était ton pote ! On était la new-school, ceux qui arrivaient après EJM, NTM. Pendant qu’eux commençaient à se professionnaliser, nous étions ces ados qui se mettaient à rapper partout sans trop réfléchir à une suite.

A : Combien de temps a duré ce ATK à 25 ?

C : Quelques concerts, parce que c’était très dur à gérer. Tout le monde passait par nous [La Section Lyricale, NDLR] pour rentrer dans ATK. Il y avait aussi des mecs qui étaient là, mais pour moi, les vrais ATK, ce sont tous ceux que tu retrouves sur la version longue du morceau « FK Pour Toi » [Sur l’album du même nom, en hommage à Fredy K, NDLR]. Même Feadz m’avait envoyé des scratches. Il manque juste Le Petit Ben et un autre membre qui je pense n’a pas voulu parler d’ATK, donc on en parle pas.

A : Sur Heptagone, il y a ce gimmick « De 21 on passe à 7 ». Comment se passe cette transition ? J’ai d’ailleurs lu que Micro Test [Le premier disque d’ATK, NDLR] avait été enregistré en réaction au départ de certains vers Time Bomb ?

C : On est nombreux. Tu as déjà Axis, Loko et Matt Houston qui font des instrus. Beaucoup de monde les sollicite puisqu’on est huit groupes de trois au sein du collectif. À chaque nouvelle répétition, chaque groupe a des nouveaux morceaux, il y a une grosse émulation. Et évidemment, à 25, tu ne peux pas contenter tout le monde. Certains se sentent délaissés, d’autres estiment ne pas avoir les meilleurs instrus. C’est dur à gérer et on n’a pas de manager. Du coup, un peu naturellement, par manque de ciment ou d’un leader peut-être, ça a été de plus en plus difficile à tenir. Chacun a fait jouer ses contacts, a eu ses rencontres. Par exemple, Les Dealers 2 Mots étaient pas mal en contact avec les X-Men car ils n’habitaient pas très loin les uns des autres. Ils voient Time Bomb se créer avec une grosse équipe : Lunatic, Les X-Men, Oxmo qui commençait à graviter autour. Du coup, certains quittent ATK. Kassim, Kamal, Watchos, Celsius et Pit vont chez Time Bomb. Tu en as d’autres qui veulent y aller mais qui se retrouvent le cul entre deux chaises, d’autres qui sont dans ATK mais sûrement moins passionnés et qui arrêtent progressivement leur aventure dans le rap. Et puis enfin, tu as ceux qui vont vers le solo. Matt qui était déjà dans plein de trucs de musique a pris le large, mais en hyper bons termes ! Loko, qui était super sollicité pour ses instrus, a aussi décidé de partir.

A : Ça a été décourageant ?

C : Pour certains oui, le départ des cinq vers Time Bomb a fait mal. On a été plusieurs à voir les gens se démotiver, se dire qu’ATK c’était fini. Plusieurs de nos sous-groupes étaient désormais amputés ou orphelins. Par exemple, je rappais avec Kesdo et Axis, sauf que Kesdo était parti. Idem pour Freko, qui rappait avec Watchos qui lui aussi était parti. Donc il a fallu se recomposer. Pour Test et Fredy, ça a été naturel puisqu’ils rappaient déjà ensemble. Par contre, Antilop S.A n’avait plus Boramy et Pit. Il s’est donc mis avec Axis, car ils se connaissaient depuis longtemps. Et moi je me retrouve avec Freko ! On a un style à la fois similaire et complémentaire, et surtout, pour moi, il est le meilleur rappeur de France. Chaque nouveau texte de Freko, je suis ébahi ! On se retrouve donc tous les six avec DJ Tacteel, et on entend partout qu’ATK c’est mort. En réaction, on fait Micro Test. Ça a été notre façon de dire qu’ATK était tout sauf mort.

A : Comment a été reçu ce disque ?

C : On a été faire le tour des boutiques, avec même Goldfingers qui nous demandait de faire un prix spécial pour son shop. Quand on faisait nos dépôts, on voyait bien qu’on était regardés un peu du coin de l’œil. Les gens étaient cools, mais se demandaient un peu à qu’ils avaient affaire. Celui qui nous a mis le pied à l’étrier c’est Zoxea. On est allés le voir à l’époque où il faisait son émission, quand Générations était encore dans l’ancien hôpital à Ivry. Pour nous, c’était quelque chose de lui faire écouter le disque, car il était un peu notre idole. Ça c’est super bien passé, tellement que lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait en parler dans son émission, il nous a dit de revenir la semaine suivante. Ça nous a mis à bloc. On s’est préparés, et une fois sur place, on était comme des fous. Dès qu’il me posait une question, j’avais envie de lui répondre en rimes. Suite à cette émission, on a senti qu’on était passés dans une autre cour. Les mecs de Nouvelle Donne nous ont contactés en nous demandant de faire un morceau avec un parrain pour une tape. Et notre parrain a été Zoxea.

A : « Attaque à Mic Armé » [Morceau d’ATK avec Zoxea sur la mixtape Nouvelle Donne, NDLR]…

C : Oui. On ne connaissait que deux grands MCs : Zoxea et Kohndo. Et Zoxea a été opérationnel tout de suite. Nous, on a pris ça super au sérieux, évidemment. On a répété toute la semaine avant l’enregistrement, qui a eu lieu chez Poska. Pour nous, le temps de studio, c’était de l’argent. On avait tellement bossé qu’on a tout rentré en une prise. Et à la fin, quand Zoxea finit le morceau et qu’on l’a entendu dire « Atézékaza » dans sa langue des Z’, on était au nirvana !

A : Les départs de mecs comme Pit ou Watchos, vers Time Bomb ne vous ont pas permis aussi de vous connecter à d’autres gens ?

C : En fait, le départ des autres vers Time Bomb, c’était leur façon de faire leur chemin. On ne pouvait plus rien leur demander. Ils avaient quitté ATK. Ils nous ont tourné le dos.

A : Ça a été clairement vécu comme ça ?

C : Oui. Et puis c’était tellement impressionnant de voir 25 adolescents qui rappent dans la rue ! Partout où on allait, on rappait. À la fin de chaque concert de cette époque, tout le temps, un mec venait nous voir en disant qu’il voulait nous produire. Les gens étaient ébahis par l’effet de masse que le collectif produisait. Du coup, quand certains sont partis, on s’est beaucoup concentré sur nous. Il devait sûrement y avoir un peu de fierté là-dedans, un peu de mésestime aussi.

A : Comment ça ?

C : On sentait le fossé avec Lunatic ou Oxmo. Mais on avait aussi de la fierté. D’un côté, celle de ne pas se faire jeter, mais surtout de ne pas avoir besoin d’eux. À six on fait chacun nos douze mesures, on y ajoute un refrain et le morceau dure 5 minutes 30. Alors on ne va pas aller se coltiner d’autres mecs ! En plus, on faisait le tour des radios. À une époque, Générations, c’était un peu chez nous, on faisait un freestyle une fois par semaine. Et à chaque fois qu’on faisait quelque chose, il y avait un plan derrière. On n’avait pas besoin d’aller voir ailleurs.

A : Cette époque a d’ailleurs été l’eldorado de la mixtape. On vous a vu écumer mixtapes sur mixtapes. Finalement, Heptagone mis à part, n’êtes-vous pas devenus des rappeurs de mixtape et de compilation ? 

C : Effectivement, on enchaîne les mixtapes. À l’époque, elles se ressemblent toutes, il y a juste le DJ qui change. On a des plans compilations, on enregistre Heptagone et quand le disque sort, on commence à sentir des tensions.

A : Au sein du groupe ?

C : Oui. On avait un manager qui était assez proche de Freko [Lynx, NDLR]. Un jour il nous dit qu’un mec d’une maison de disques, je crois que c’était Sony, aimerait bien signer ATK… Pour dix albums ! C’est à dire : un album ATK, un album de chaque binôme puis un album de chaque solo. Le mec veut sortir un album tous les six mois. C’était après la sortie d’Heptagone qui nous avait donné de la visibilité. Et là-dessus, il nous dit que le premier album qu’il veut sortir, c’est celui de Légadulabo [Duo formé par Cyanure et Freko au sein d’ATK, NDLR]. Tout le monde n’a pas pris la nouvelle de la même façon. Pour moi, ça aurait très bien pu commencer par un album de Maximum de Phases [Duo formé par Test et Fredy K, NDLR]. Mais à ce moment-là, on n’avait pas tous le même esprit de groupe et en plus c’est pile la période où le rap français décolle, où les rappeurs se disent qu’ils peuvent enfin en vivre. Ce contexte plus cette signature possible avec l’album de Légadulabo en tête, ça entraîne des tensions. En voyant ça, Freko se dit : « moi je n’ai que le rap, il faut que je sorte quelque chose. Si le groupe m’empêche d’avancer alors que j’en ai vraiment besoin, que je suis dans la rue, s’ils n’acceptent pas que je puisse faire ça dans un esprit de groupe, je me pose des questions« . Donc il a préféré partir. Ensuite c’est Antilop qui est parti. Tout ça a fait qu’assez rapidement, ATK s’est disloqué. Ce n’est qu’après qu’on s’est rendu compte de l’impact du groupe, 5 ou 6 ans plus tard. Sur le coup, Heptagone, on ne l’a vendu qu’avec 10 000 flyers, 10 000 stickers, sans véritable soutien de la presse hormis ceux de Michaël Knight et Paula Haddad de RER, et quelque chose comme 300 affiches et 100 t-shirt… Et surtout du bouche à oreille !

A : Et vous en avez vendu 20 000 exemplaires…

C : On a fait 12 000 sur les trois premiers mois, 20 000 la première année et aujourd’hui en estimation et en comptant les rééditions, on en est à 60 000 minimum sûr, peut-être 80 000.

A : Lorsqu’on l’a interviewé, Freko nous a dit ne pas avoir touché un euro sur les ventes d’Heptagone.

C : [Rires] Freko ! A l’époque, je ne suis même pas sûr qu’il était inscrit à la SACEM… Ce qui est certain, c’est qu’au moment où l’on en a vendu 20 000, on n’a pas touché grand-chose. Notre premier versement, on est venus nous voir en nous disant : « tenez les gars, vous touchez treize mille francs chacun ». Sauf qu’en même temps qu’on me dit ça, on me donne un chèque de 6 500 francs. « Qu’est-ce qui se passe ? » [rires]. On me dit de ne pas m’inquiéter, que l’autre chèque arriverait bientôt.

A : Tu veux dire que cet autre chèque n’est jamais arrivé ?

C : Il n’est pas arrivé sous cette forme-là en tous cas. Il est peut-être arrivé sous la forme d’autres chèques grattés à droite à gauche, mais je n’ai jamais vu ce second chèque de 6 500 francs. Mais comme il y avait plusieurs personnes qui nous entouraient, je ne sais pas qui est vraiment le fautif.

A : Vous en avez voulu à la maison de disques ne pas avoir suivi l’engouement autour du disque ?

C : Oui, bien sûr ! La stratégie de la maison de disques dans laquelle on était [Musisoft et Disques Concord, NDLR] c’était : le rap ça marche. Quel que soit le disque, les gens vont acheter, encore plus en province qui est un marché complètement négligé jusqu’à lors. Les mecs ont tellement envie de rap qu’ils sont à fond, et je ne dis pas ça du tout de façon péjorative. La maison de disques prolonge sa réflexion en se disant : un album de rap, ça se vend, 3 000 exemplaires suffisent pour qu’on rentre dans nos frais. Si on en vend moins dommage, si on en vend plus, c’est tout bénéf’. Et là tu-vois ATK qui en trois mois en vend 12 000 ! Résultat en soutien, pages de pub, flyers, tout ce que tu veux pour communiquer ? Zéro ! À l’époque, la maison de disques a misé un peu plus sur Agression Verbale, qui était aussi sur la compil’ Nouvelle Donne.

A : En 1998, vous vous retrouvez au milieu de sortie d’albums assez monstrueuse en terme de rap français. Comment vous vous placez au milieu de tout ça ?

C : Comme des mecs qui kiffent ! Par exemple, quand on se pointe à la FNAC le jour de la sortie de l’album, je vois un mec de mon lycée arriver avec une meuf. Ils arrivent, et ils en prennent deux. J’interpelle le gars, on discute et il m’explique que sa copine kiffe bien le groupe. Elle ouvre son calepin pour que je lui fasse une dédicace, et là je vois qu’elle y a noté la date de la sortie de l’album. Voilà ce qui me fait réellement plaisir ! Notre but, notre kif, c’était ça. En tout cas, moi, c’est ce que je kiffais.

Honnêtement, le fait d’être des poètes de maudit, ça entretient un peu le mythe. Regarde un morceau comme « Pas de Vie sans Haine ». Pour moi, ça pouvait être le single de l’album. Il avait le potentiel pour être bastonné partout. Mais imagine ce son réellement bastonné partout, dix fois par jour, à la radio. Heptagone ? Ça devient un album commercial ! Je pense que cette trajectoire nous a donné un cachet. J’ai une bonne satisfaction de l’image laissée par Heptagone et ATK. Alors évidemment qu’on aurait aimé en faire une carrière, mais pour moi en tous cas, ce n’est pas un gros regret.

A : Même à l’époque ?

C : À l’époque, on a vu Pit Baccardi n°1, Matt Houston n°1. Moi, ça m’a toujours fait plaisir. Dès que je vois un truc d’un ancien d’ATK, ça me fait réellement plaisir. Mais à l’époque, bien sûr qu’on s’est dit « pourquoi pas nous ?« . Certains d’entre nous ont fait des sacrifices en espérant qu’ils seraient récompensés. Forcément, quand ça ne fonctionne pas, ça te laisse un goût d’inachevé. Mais aujourd’hui, avec plus de recul, on peut tous se voir comme des poètes maudits, sans amertume, mais plutôt avec fierté. ATK, j’ai l’impression qu’encore aujourd’hui, c’est un groupe que les gens aiment faire connaître, parce que ce n’est pas un groupe très connu mais qui parle à ceux qui aiment le rap.

« Dès qu’un mec qui avait porté les couleurs ATK sortait quelque chose, j’étais le premier content. J’ai découpé tous les articles sur Loko, Néochrome, Boramy. Je les ai tous ! »

A : Freko nous avait dit encore recevoir des messages de gens qui trouvent son couplet sur le morceau « Heptagone » mortel. Et d’ailleurs, il ajoutait en substance « c’est cool, mais ce couplet, il ne veut rien dire ».

C : Oui ! Mais c’est ce dont je te parlais tout à l’heure dans l’écriture de Freko, il mélangeait des mots ! Sur « Sortis de l’Ombre » par exemple, il te sort « écrivain décisif ou zinzin inventif, dans une ambiance plutôt dantesque sur ma tête pas de kiff, avoues que tu tifs« . Il te faisait des inversions de mots, t’en retournait certains. C’était parfois incompréhensible, mais ce n’est pas grave car dans son interprétation tu retrouvais des intentions qui se collaient à ses mots. C’est ce qui faisait que les gens aimaient ses passages. Il te le dit avec une telle conviction que ça marche. Et sur « Heptagone », c’est vrai qu’il raconte des choses bizarres [Rires] !

A : Après la sortie son EP Mangeur de pierres, il enchaîne les émissions radio. À cette période, tu sembles être devenu son backer.

C : Oui, mais ça ne me dérangeait pas du tout d’être le backer de Freko. C’était l’époque où on enregistrait son album chez Universal. C’est le disque de Freko, pas le mien ni celui de Légadulabo, donc même sur scène je me plaçais en tant que backer. Ça me faisait énormément plaisir que Freko me dise « je fais des concerts, une tournée, est-ce que tu veux être mon backer ? » Si je peux servir ses intérêts, je suis ravi. D’autant plus que les gens voulaient du Freko, alors pourquoi je serai venu empiéter sur son talent ? Je n’avais aucune raison, au contraire il me ramenait dans ses plans ! Son truc aurait décollé chez Universal, j’aurais continué à faire partie de l’aventure, je savais qu’il comptait sur moi. Pour son album, il a dû enregistrer une vingtaine de morceaux et sur cette vingtaine de morceaux, il y en avait 4 ou 5 de Légadulabo. Et comme je te le disais, dès qu’un mec qui avait porté les couleurs ATK sortait quelque chose, j’étais le premier content. J’ai découpé tous les articles sur Loko, Néochrome, Boramy. Je les ai tous ! Ce sont mes gars, j’ai roulé avec eux à une période, et pour moi ils sont encore ATK quelque part.

A : L’album de Freko était une vraie arlésienne. Vous en parliez depuis 2000, peut-être même avant, et au final il n’est jamais sorti. Enfin, il y en a un qui est sorti il y a deux ans, mais qui n’est pas celui dont vous parliez.

C : Non, effectivement, ce n’est pas le même.

A : Il y a un mythe comme quoi les bandes de l’album prévu chez Universal ont été volées…

C : [Interrompant] C’est bien un mythe. En fait, à l’époque Freko est managé par Lynx et il signe chez Universal. Son EP sort, et derrière il a 20 morceaux de prêts. Avec Universal, j’imagine que ça ne se passe pas très bien puisque l’album n’enchaîne pas. Malgré tout, il a réellement les maquettes. Mais, comme il ne fait plus partie d’Universal tout en ayant enregistré chez Universal, qu’il a fait ses enregistrements sous l’égide du management de Lynx, on ne sait pas très bien à qui appartiennent les morceaux… Du coup, les morceaux ne sortent jamais pour ne pas créer de discorde sur les droits, de recours, etc. Au final, une partie s’est diluée, certains couplets sont sortis sur d’autres morceaux. Et d’autres sont restés secrets. D’ailleurs, Freko en poste sur YouTube en ce moment.

A : Très franchement, il y a eu une embrouille avec Lynx au bout d’un moment ?

C : Lynx n’est plus le manager de Freko ni le mien. À l’époque, il est en association avec un autre mec, et à chaque fois qu’on pose des questions, ils se renvoient la balle. A la base, on a confiance en eux, mais au fur et à mesure on se dit qu’il y en a au moins un qui nous mène en bateau. Dans le doute, on a un peu pris la mouche sur les deux. Et même si on a entretenu de bons rapports, à un moment c’est devenu plus difficile, parce que… [Il réfléchit] La force de Lynx c’était qu’il croyait en ATK et qu’il croyait en Freko. Il y croyait vraiment et il nous défendait. Le truc c’est qu’il avait des amis, mais il avait aussi des ennemis et on en pâtissait. Il a été difficile de composer avec ça.

A : Mais qui était vraiment Lynx ?

C : Je l’ai toujours vu comme le grand frère de Freko. C’est un mec du 91, un ancien chasseur de Skins, un Félin de l’époque Redskins, et qui du coup connaît tous les mecs qui font de la sécu sur Paris. C’est lui qui s’est proposé de nous manager. Et même si on avait d’autres propositions du côté de Lord Killer, de Nouvelle Donne, de Rost, on est restés avec Lynx parce qu’on aimait son parcours. On respectait son passé et son combat.

A : Mais il avait une mauvaise réputation ?

C : Les séparations, ce sont des moments de désaccords. C’est humain dans le sens où tu ne réfléchis plus de la même façon à trente ans que quand tu es ado. Lynx était dans plusieurs associations, c’était quelque part un entrepreneur. Et quelqu’un qui peut avoir une emprise sur toi, ça fait toujours peur. Il y a eu une époque où tous les mecs qui avaient des labels étaient les anciens chauds de Paris. Ils avaient tous un pied dans les maisons de disques. Ça faisait toujours peur parce que tu te disais : « si ce mec a envie de me carotter un jour, je ne vais pas avoir grand-chose à dire« .

A : Comment as-tu vécu « l’annulation » de l’album de Freko ?

C : J’ai été très déçu, surtout que l’album était bon. Mais les gens n’arrivaient pas à positionner Freko et ça posait problème. Dans son album, tu écoutais un morceau, tu te disais : « mais putain, Freko c’est une grosse caillera ». Puis tu écoutais un autre morceau et tu te disais : « hé mais Freko il est trop marrant ! » Et encore un autre et là tu te disais : « putain, le mec il réfléchit, il est loin d’être con« . Mais l’ensemble, c’est quelque chose que ne pouvait pas travailler une maison de disques, même s’il y avait eu des supers visuels de faits par exemple. Sans dénigrer le Freko d’aujourd’hui, je pense que c’était sa meilleure époque de rap. Ça n’empêche pas qu’il a toujours un talent énorme.

A : À ce moment-là, Freko avait entamé une petite tournée. Tu étais son backer. Comment as-tu vécu ces moments ?

C : Ce qui devait être le point d’orgue de cette tournée a été le moment le plus difficile. On est programmé en première partie de Limp Bizkit, au Zénith. Sur scène, il y avait Freko, moi, et deux mecs super cools avec des guitares électriques. L’un rasé, l’autre avec les cheveux longs, et un putain de style avec des manteaux de dingue en plumes. On arrive sur place avant le concert, Limp Bizkit a déjà fait ses balances, on veut faire les nôtres mais l’ingé-son de Limp Bizkit nous interdit de toucher à la console. Lynx ne se démonte pas, lui dit qu’on ne s’est pas déplacé pour rien. À force de coups de pression, il arrive à ce que notre ingé-son passe derrière la console. Freko fait sa balance, ça se passe correctement, puis quand arrive mon tour, le mec de Limp Bizkit décrète les balances terminées. Bien sûr, on est dégoûtés… Quelques heures plus tard, le concert commence. L’intro, c’est un enregistrement avec des voix de Freko et une sonnerie genre buzzer qui retentit. Au moment où la sonnerie finit de retentir, on arrive comme des dingues, on saute en l’air, les guitaristes font d’énormes gestes avec leurs mains, les lumières sont à bloc, genre on explose tout. Mais pétard mouillé de dingue, le niveau sonore est à chier, on nous entend super mal. Et devant nous, il y a un public qui veut voir Limp Bizkit, pas du rap. Tout de suite, on commence à se prendre des pièces de monnaie, des bouchons de bouteille, des paquets de kleenex. Au deuxième morceau, les mecs des premiers rangs sont devant nous avec le majeur levé. Puis ils s’assoient, dos à nous, avec le majeur toujours en l’air. Malgré tout, on continue, parce qu’on voit que le frère de Freko et son équipe réveillent un peu les gens dans la fosse et que le son s’améliore de morceaux en morceaux. Au fur et à mesure, tout le public s’est relevé, mais quand il a commencé à se prendre au jeu, à hocher la tête, c’était déjà la fin ! Juste après nous, l’ingé-son de Limp Bizkit a appuyé sur un bouton, un seul bouton, et là Limp Bizkit est arrivé, premier accord de guitare : son parfait.

A : Et avec ATK, comment se passaient les concerts ?

C : C’était la cour de récréation. Par exemple, on ouvrait nos concerts sur un morceau où l’on rappait tous les six, et à chaque fois, on était tous sur scène, sauf Freko. Et on se demandait toujours : « mais où est Freko !!? »  Et au moment de son couplet, il déboulait d’un côté de la scène avec un chapeau de sorcière sur la tête ou n’importe quoi qu’il avait pu trouver, et il clouait les gens dans la salle. Il nous clouait aussi d’ailleurs parce qu’il faisait toujours son texte nickel. Mais l’ambiance n’est pas comparable avec celle que l’on retrouve aujourd’hui. Il y avait du répondant, mais ce n’était pas la même dynamique que celle créée par internet avec les clips, les morceaux que tout le monde s’approprie et connaît par cœur derrière son ordinateur. On l’a vu d’ailleurs avec Le Klub des 7. C’était différent de ce qu’on avait tous connu à l’époque. On a fait deux tournées très différentes mais mortelles, même si ça c’est fini bizarrement.

A : Pourquoi ?

C : Parce que Fuzati ne sait pas travailler en groupe. C’est pourtant lui qui a monté ce projet ! Il avait eu une demande pour un projet du Klub des Losers, mais il n’avait pas la volonté ni l’envie de le faire. Par contre, lors d’un concert, il nous a expliqué à tous les six qu’il avait des instrus en stock, et qu’on pouvait faire un album collectif qui sortirait chez Vicious Circle. On enregistre le premier album sur ses instrus et on part en tournée. Jusque-là, tout se passe bien. Puis une première fois, Fredy K joue un morceau solo sur scène, « J’ai grandi dans ça », qui existe en deux versions, l’une ATK, l’autre Le Klub des 7. Lors du concert, il décide d’en faire la moitié sur une instru ATK, l’autre moitié sur l’instru Klub des 7. Fuzati l’a mal pris, au point de le dire sur scène, lors d’une impro où il s’est mis à qualifier Fredy K d’irrespectueux, en expliquant qu’à un concert du Klub des 7, seules les instrus du Klub des 7 devaient être jouées. Ça nous a tous un peu surpris mais ça s’est tassé.

Plus tard on enregistre le second album. Au fur et à mesure de l’élaboration du disque, ça devient très compliqué. Fuzati fait des boucles, mais on travaille aussi les instrus. James Delleck rajoute une batterie sur une boucle ? Ça vexe Fuzati. Il a l’impression qu’on veut le déposséder de ce qu’il considère comme son projet, parce qu’effectivement, le premier album est 100 % sous sa direction artistique. Mais sur le deuxième, on n’a plus envie de ça, et ça crée des tensions sur la tournée. On sent qu’il s’isole. De notre côté, on fait bloc. À tort ou à raison, il commence à avoir l’impression que tout le monde est ligué contre lui, mais d’un autre côté, il n’est prêt à aucun compromis. Il voulait être notre directeur artistique, mais il avait un peu oublié que j’avais vendu plus de 50 000 disques avec mon groupe, que Gérard Baste avait plus de 400 concerts à son actif, que James Delleck était signé chez Tôt ou Tard.  Au mois d’août, dans cette ambiance assez tendue, où seul Gérard Baste faisait un peu le tampon, il nous envoie un mail au milieu de la tournée en nous disant de continuer sans lui et qu’il sera injoignable pendant trois semaines. On se retrouve avec une reprise de tournée le 26 septembre, et un show à reconstruire entièrement sans Fuzati. Ça a plutôt bien fonctionné d’ailleurs, mais ça a été un peu douloureux, parce que j’aurais vraiment aimé terminer par un concert à Paris en mémoire à Fredy.

Malgré tout ça, les concerts avec Le Klub des 7 ça reste des super souvenirs, surtout la première tournée ! C’était cool et assez déjanté. [Il rit] On faisait le concours de celui qui signait l’autographe le plus débile ou le plus ouf. On a signé des paires de seins, une convocation pour le baccalauréat, des paires de pompes, des gueules, des bras, des permis de conduire. C’était assez drôle, alors qu’avec ATK, je me rappelle qu’il y a eu une période où les concerts étaient parfois des embrouilles. Ça se terminait souvent de façon limite. Quand j’y repense c’était parfois tendu en fait ! [Rires]

A : Dans Légadulabo, il y avait un rap à l’image de « L’Affaire Hot Dog ». Un truc dans le délire total, et à l’inverse de Freko, c’est quelque chose que tu as cultivé dans tous les projets auxquels tu as participé ensuite, comme L’Antre de la Folie, L’Atelier ou Le Klub des 7.

C : Avec Freko, après « L’Affaire Hot Dog », on avait d’autres Affaires, elles étaient écrites, mais on n’a pas pu les enregistrer. De façon générale, au début des années 2000, on est rentré dans un rap très caillera. Mais dans ATK, mon rap je ne pouvais le faire qu’avec Freko. Et puis j’ai une complicité avec lui, tout un vécu aussi, avec plein d’histoires où on perçoit son extravagance, sa folie qui en fait quelqu’un de très attachant. Depuis 1995, je n’ai aucune mauvaise histoire à raconter sur Freko, ce ne sont que des anecdotes drôles ou humaines. Tiens, par exemple, à une époque il habitait à Bagneux, dans un appartement que lui avait trouvé Lynx. Je viens le voir, et il m’emmène dans sa cuisine vers un placard tout en me disant : « tiens regarde, en ce moment ça c’est mon kif ! » Et là il ouvre le placard avec à l’intérieur que des briques de soupes. Il avait bloqué sur les soupes, il ne mangeait plus que ça, il adorait ça ! [Rires]. Il avait des lubies. Autre exemple, un soir il m’appelle et me dit « putain j’ai écouté un truc trop mortel bouge pas !« . Moi je m’attendais à ce qu’il me fasse écouter le dernier O.D.B, ou je n’en sais rien. Et là j’entends à bloc dans le téléphone « Gaston, y a le téléphon qui son » de Nino Ferrer.  Il y a aussi eu les comédies musicales, genre Notre Dame de Paris il kiffait ! Il y avait aussi de la bonne chanson quand même, Léo Ferré par exemple.

A : Il nous avait expliqué aimer la variété française. Il citait Christophe, Balavoine.

C : Grave ! Mais c’est intéressant. Une autre fois il m’appelle en me disant qu’il est en train de lire un truc qui lui a inspiré un texte. Il me dit « on va se partager l’alphabet, et rapper ensemble avec des mots compliqués de chaque lettre, et on fait tout l’alphabet comme ça. Moi je lui dis « cool, grave, on fait ça ! Mais au fait Freko, tu lis quoi ? » Et là il me répond « ben le dictionnaire ! » [Rires]. Il m’a fait la même avec la Bible. « J’ai trouvé un deuxième bouquin chez mes grands-parents, c’est pas mal d’ailleurs je crois que je vais me faire tatouer une croix ». Je lui ai demandé s’il lisait la Bible, eh ben oui ! [Rires].

Mais Freko, réellement, il a la folie des génies. Même si on est très différents dans le vécu, on a une attache un peu au-delà de la musique, sans même se donner des nouvelles régulièrement. Sur la longueur, on s’est toujours respectés. C’est aussi quelqu’un qui a une sensibilité, même si les années passant, il s’est blindé. Sur son EP, dans le morceau « J’Veux Réussir », il dit par exemple « ATK, le groupe qui a pris un gars obèse, aujourd’hui je prends le temps de leur dire merci« . Il se dévoilait encore à ce moment-là mais c’est toujours resté assez rare car il parle souvent pour le groupe dont il fait partie. Là il parle pour l’Assos’ de Dingos la plupart du temps, et c’est normal, c’est son collectif, qui parle beaucoup de la rue et de la tise. Mais sur le morceau pour Fredy, tu vois qu’il laisse transparaître des choses. Il m’a parfois proposé de venir aux clips de l’Assos’ de Dingos. Je lui ai dit une fois OK en lui disant : « alors rendez-vous samedi à 15h sous le métro aérien à Stalingrad !« . Là il me répond « mais comment tu sais ? » « Ben écoute Freko, c’est tout le temps pareil. Freko, arrête, ton prochain clip, il faut que vous ayez tous une bouteille de lait à la main au lieu d’une bouteille d’alcool« .

A : Il en a dit quoi ?

C : Il trouve ça marrant comme réflexion, mais il me taille un peu. On a un rapport où je suis plus l’enfant sage. Avec l’Association de Dingos, il joue de ses galères, il est parfois même en représentation. Mais en même temps, tout ce qu’il raconte est vrai. Quand tu l’entends sur le morceau « Mangeur de pierres » expliquer qu’il dormait dans des cages d’escaliers, c’est vrai. Quand tu l’entends dans « L’Histoire de Deux Lascars » expliquer que sa mère a cuit des steaks hachés avec un fer à repasser, c’est vrai. Un jour, un pote m’a raconté être tombé sur Freko dans une grande gare parisienne. Il a vu un gars débouler, genre une ombre mal rasée, « oh là, comment ça va ?!!! » C’était Freko qui était avec des potes en train de dormir dans la gare. Tout ce qu’il raconte, c’est plein de vécu, avec parfois une envie de s’en sortir, et parfois avec un phénomène de surenchère. Je me souviens de vraies prises de conscience de sa part. À l’époque de Mangeurs de Pierre, il y avait deux petits gars qui ne payaient pas de mine, qui faisaient partie d’un groupe de rock et qui lui avait fait une instru. Et il m’avait dit : « tu vois ces deux petits gars ? Eh bien ils m’ont apporté bien plus que de vrais amis, que j’adore plus que tout mais avec lesquels on ne peut pas s’empêcher de s’entraîner mutuellement et systématiquement dans des galères ». Quand je suis tout seul avec Freko, il ne termine pas bourré. S’ils sont en meute, ils vont terminer bourrés. Il est dans l’instant. Il y a une anecdote que j’aime bien raconter et qui l’illustre bien. On était au Mc Do, il m’explique qu’il va partir au ski. Il va acheter son menu, il revient, il pose son menu et la monnaie du menu sur le plateau. On reprend la conversation, je lui demande quand est-ce qu’il part au ski, et là il me dit qu’il ne part plus. Je lui dis : « mais attends, tu viens de me dire il y a deux secondes que tu partais« . Et là il me regarde et me dit « mais non, je viens de niquer le budget du ski là« . Il partait au ski avec 35 francs ! [Rires] Mais on doit faire un morceau ensemble là ! Il faut qu’on s’y mette, on a l’instru. Mais ce sera le Freko d’ATK, celui qui a une folie au micro.

« Depuis 1995, je n’ai aucune mauvaise histoire à raconter sur Freko, ce ne sont que des anecdotes drôles ou humaines. »

A: Un peu plus tard viennent les mixtapes Oxygène, mais aussi le projet Silence Radio, tout ça sous l’impulsion de Fredy K.

C : Fredy avait décidé de faire découvrir des périodes ATK que les gens ne connaissaient pas. Il le fait quasi tout seul. En même temps, il monte un magasin à Stalingrad qui vend des sapes, des CDs, des mixtapes. Il l’appelle Oxygène. Il monte aussi un studio, le Studio Oxygène. Fredy avait vraiment un esprit de groupe. Il se disait : « il faut vraiment que je fasse monter ATK » en ajoutant derrière « et si j’ai envie de monter, il faut encore plus que je fasse monter ATK ! C’est la première marche« . Comme il a le studio, il nous propose de faire Silence Radio. Lui c’est le ciment, il nous envoie les instrus ou on lui en ramène, et il file les rencards pour enregistrer.

C’est vraiment une période où Fredy y croit, où j’y crois un petit peu aussi ce qui fait que je suis assez présent sur le disque. De son côté, Axis a du boulot, mais il essaie de venir aux enregistrements. Quant à Freko, il oublie son téléphone dans je ne sais pas quelle région, perd son chargeur et tout ce que tu peux imaginer. Mais il n’y avait pas d’animosité. Rassembler le groupe était très difficile, mais tout le monde finit par être là un jour ou l’autre, sauf Antilop. Fredy tire tout le monde vers le haut, en plus il a envie de sortir un album ATK avant son solo. Du coup il sort Silence Radio, mais presque sans notre accord. Alors on lui en a un peu voulu. Tu as des fautes sur la pochette, les morceaux ne sont pas mixés… Etonnés, en l’ayant un peu mauvaise, on lui demande pourquoi il l’a sorti. C’est là qu’il nous dit : « c’est sorti parce que moi je veux avancer. J’ai ce truc-là dans la tête, et tant qu’il ne sera pas sorti, je n’arriverai pas à me mettre dans mon solo« . Sur le coup, c’est accueilli et soutenu à différents degrés, mais aujourd’hui, on le voit différemment évidemment. Fredy se battait pour le groupe, et souvent en étant seul.

A : Depuis tout à l’heure, tu racontes pas mal de galères, et pourtant, jamais vous n’avez tourné la page. Que ce soit toi, Freko, Test, toujours vous en revenez à ATK, citez le groupe à la fin de certains de vos morceaux, sans parler des rééditions, des anthologies Oxygène…

C : Fredy dirigeait le truc. Pour lui, tourner la page était exclu, il ressentait vraiment un esprit de groupe. Et puis comme je te l’ai dit, l’impact ATK, je l’ai réalisée tard, genre vers 2004. Je voyais mes potes qui terminaient leurs études et revenaient dans le quartier en me disant : « putain, j’ai fait mes études à Strasbourg, et là-bas les mecs kiffent trop ATK ». « Ah je reviens de Toulouse, mais tu te rends pas compte, les gens connaissent Heptagone« . J’avais internet depuis quelques années, je discutais sur des blogs, des forums, et je voyais des mecs qui parlaient encore de nous. Internet nous a permis de prendre conscience de certaines choses. Un titre comme « 20 ans » a été diffusé par un mec lors de l’enterrement de son pote décédé avant ses 20 berges. Comme ça, on pourrait croire que ça ne pèse rien à côte de remplir un Bercy. Mais pour nous, c’est un truc incroyable. Tu te rends compte que ta musique a touché et accompagné des gens, tu la vois associée à des moments de vie ou à des circonstances comme tu ne l’aurais jamais imaginé. Ça nous a donné l’envie d’aller au fond du projet bien plus que de tourner la page.

A : Après Heptagone, il y a eu les Section Est avec une partie d’ATK. C’est Rost qui a tout porté ?

C : Oui. Rost n’a jamais fait partie d’ATK mais c’est tout comme. Il était tout le temps à Paul Valéry, on faisait les concerts ensemble. S’il avait un plan concert avec CMP il nous incrustait et réciproquement. C’est un ami de longue date. Et je pense qu’il a eu l’idée de faire l’album commun CMP/X-Men/ATK parce qu’il était aussi très proche des X-Men et qu’on était tous de Paris Est. Il s’est aussi sûrement dit qu’ATK cotait un peu à l’époque, les X aussi, et que c’était cool. Mais quand tu regardes, il n’y a qu’un seul morceau des X sur l’album. Là pour le coup, tu te dis vraiment qu’il a voulu ramener le nom X-Men. Et puis la notion d’album commun, qui apparaît sur la communication autour du disque, quand tu écoutes, il n’y a pas un morceau commun entre ATK et les X.

A : Tu as eu une explication à ça ?

C : [Hésitant] Comment dire… On a toujours été un peu en opposition du fait que des anciens d’ATK soient allés chez Time Bomb et côtoient les X-Men. On entendait qu’il y avait des histoires sur ATK de leur côté.

A : Tu veux dire que les rapports avec Ill et Cassidy étaient mauvais ?

C : Ils n’étaient pas dingues, plus avec Ill d’ailleurs qui était assez… [Cherchant le mot juste] provocateur on va dire. Je pense qu’il nous considérait un peu comme des losers, qu’il pensait qu’ils avaient pris le meilleur d’ATK avec eux et laissé le reste sur le côté. Avec Cassidy ça ne se passait pas mal, il y avait des liens avec Antilop, mais avec Ill c’était un peu particulier. Il n’y a jamais eu de grosses galères parce qu’on avait beaucoup d’amis en commun, mais parfois… À l’époque, quand il parlait, c’était un peu comme un acteur américain que tout le monde regarde, écoute et kiffe. Je pense que dans l’interview qu’il a fait chez vous, il reconnaît d’ailleurs quelque part qu’il était un peu borderline. Depuis il est venu à l’enterrement de Fredy. Je suis content qu’il y soit venu. C’est un geste qui avait du sens et qui clôt une époque. Ça tourne la page d’une période où on était un peu cons. Maintenant c’est fini. Je ne tiens pas à remuer tout ça.

A : Quelques années après Heptagone, tu as commencé à travailler en maison de disques. Comment as-tu commencé ?

C : Avec un stage sur la partie promo en 1999. Puis après je suis allé vers le marketing, et j’ai terminé sur le marketing digital. On m’a toujours proposé de faire de l’artistique, mais j’ai toujours refusé.

A : Pourquoi ?

C : Parce que je ne voulais pas me retrouver en studio avec un rappeur et lui dire comment faire. Je pense que l’artiste a un truc en lui. Il le sort, et ce n’est pas parce que ça sonne bizarre à mon oreille que c’est important. S’il le sort comme ça, c’est parce qu’il l’a en lui comme ça. Je me suis trop souvent retrouvé en studio avec des mecs qui voulaient me dire comment faire. À un moment donné, un artiste a sûrement besoin de conseil, mais étant moi-même rappeur, je sais que je ne peux pas donner de conseils à un autre rappeur sans me projeter. C’est impossible, je vais toujours penser à la façon dont je l’aurais fait.

A : En quoi la présence humaine d’une maison de disque peut jouer sur l’évolution d’un rappeur ? Je pense à Freko dont finalement l’album n’a jamais vu le jour, ou même à un type comme Orelsan, pour qui ça a marché, dont le premier album était tout de suite positionné.

C : En marketing, tu reçois un disque fini. De mon côté, je n’ai pas la main là-dessus. Ce qui peut arriver par contre, c’est de recevoir 20 morceaux et que là on intervienne en disant que nous, au marketing et à la promo, on préfère retenir ces morceaux-là plutôt que d’autres. Mais ça se fait en accord avec l’artiste et le manager. Il n’y a pas un morceau qui va être envoyé en radio sans l’accord de l’artiste et de son manager. Je crois que parfois, il y a une diabolisation des maisons de disques. Ça me fait bien marrer d’ailleurs. J’ai entendu beaucoup de rappeurs dire que les majors sont des enculés. Mais lorsque j’étais en maison de disques je n’en ai pas croisé un seul qui ne m’a pas dit : « est-ce que tu peux me glisser ma maquette ?« . Par contre, quand toi tu ne fais pas tourner le disque, tu deviens un connard. C’est comme l’histoire de la meuf qui passe à qui tu dis qu’elle est charmante, mais si elle ne se retourne pas, tu dis : « sale pute dégage« . Je ne fais pas l’apologie des maisons de disque, mais je pense qu’il y a une vraie diabolisation, car malgré tout, l’artiste a le contrôle sur sa musique. Je n’ai jamais vu un directeur artistique avec un flingue sur la tempe du mec qui est derrière le micro.

A : Il y a aussi des artistes influençables. Ne me dis pas qu’il n’y a pas des rappeurs qui pensent ou pensaient à Bouneau en faisant un titre en maison de disques…

C : Bien sûr qu’il y a des gens influençables. J’ai connu une époque où on se disait : « on ne sait pas si on va le signer, on va le faire écouter à Bouneau et selon sa réaction, on va le signer« . Au début des années 2000, c’était lui qui faisait la pluie et le beau-temps. Skyrock était la seule radio à jouer du rap de façon viable. Sans radio, tu peux vendre des disques, mais c’est elle qui te permet de passer un cap. Alors évidemment, si tu tables sur un certain niveau de vente, tu as besoin de la radio. Et si tu fais du rap, la radio dont tu as besoin c’est Skyrock. Passer devant Bouneau, c’est un moment super important, qui peut décider de l’avenir de ton disque. D’ailleurs il avait écouté Heptagone. Il avait trouvé que le mix n’était pas terrible. On l’a fait venir en studio, on lui a fait écouter le même morceau, en lui disant qu’on l’avait remixé pour lui, et il nous a dit que c’était mieux. Tout est dit, même si on n’est tout de même pas passé sur Skyrock [Rires]. Tout ça pour dire qu’évidemment des artistes sont influençables, mais l’artiste est libre de prendre les productions qu’il veut, d’écrire les textes qu’il veut. En studio il fait ce qu’il veut. Une fois qu’il a fait ça, il le fait écouter. Et là on va le conseiller. On va par exemple lui proposer de modifier un titre pour lui donner un format radio. Mais ni son contrat ni quelqu’un ne l’oblige à accepter. J’ai plusieurs fois vu des singles sortir contre l’avis de maison de disques.

A : Ill, en parlant de Jeunes, Coupables et Libres, disait avoir fait un album en étant pris par les délais, que plus l’album avançait moins il y voyait le disque qu’il voulait faire.

C : Tu peux te retrouver dans des situations difficiles, être pris par les délais. Mais encore une fois, ton job c’est rappeur. Tu fais des morceaux, sur des prod’ que tu choisis, avec tes textes.

« Je n’ai jamais vu un directeur artistique avec un flingue sur la tempe du mec qui est derrière le micro. »

A : Mais tu as quand même le droit de ne pas être inspiré, d’exiger de meilleurs sons, ou je ne sais quoi ! Tu as le droit d’être dans une période où tu n’es pas bon, et donc de vouloir prendre le temps de l’être.

C : Bien sûr, mais à ce moment-là, tu ne vas pas au studio. Ça peut paraître con, mais tu n’y vas pas. Si tu as signé un contrat, tu l’honores. Si un mec arrive à te mettre derrière un micro pour rapper quelque chose que tu ne veux pas, ça va loin. Je ne te dis pas que les maisons de disques ne manipulent pas, ce sont des entreprises qui ont des salariés, qui doivent faire un chiffre d’affaires sinon elles virent des gens. Encore une fois, personne n’est obligé de signer en major même si c’est le Graal pour beaucoup de gens. Je pense d’ailleurs que souvent c’est le mauvais Graal. Je crois plus aujourd’hui à l’indépendance qu’à signer en major. Ce sont des aventures qui n’ont rien à voir. Un indépendant et une major ne travaillent pas de la même manière, ne serait-ce que dans leur notion du temps. Mais il n’y a pas de généralités. Regarde 1995, pour l’instant, je n’ai pas l’impression qu’ils fassent des morceaux à contrecœur. Il faudra voir à l’album suivant : qu’est-ce que le système dans lequel tu te plais va encore t’apporter ? Ce sont des questions qui se posent souvent au second album quand le premier a bien marché. Mais libre à toi de cogiter autant que tu veux, et une fois en studio, de mettre ou pas une meuf sur le refrain, d’écrire quelque chose pour les ados ou pas, etc. Mais ce n’est pas le mec de maisons de disques qui ne sait pas écrire deux rimes qui va poser ou écrire à ta place.

A : Quels ont été tes premiers pas en maison de disques ? Quelle place avait le rap dans ton travail ?

C : J’ai commencé chez Zomba qui s’occupait du label Jive. À l’international il y avait A Tribe Called Quest ou KRS-One. Mais en actualité, il n’y avait pas grand-chose. Le premier truc sur lequel j’ai bossé, c’est Britney Spears, le premier single « Baby One More Time ». Au début, c’était un peu difficile à assumer [Sourire]. J’étais un peu déçu, je voulais bosser du rap. Mais en fait, je me suis surpris à trouver le morceau de Britney efficace. Très vite, je me suis pris au jeu. Et puis tu es dans le monde du travail, alors tu réagis différemment. Et vite, je me suis dit que le milieu rap, je le connaissais. Rapidement, j’ai trouvé ça intéressant de m’adresser à des médias que je ne connaissais pas, comme TF1 ou NRJ.

A : Musicalement, ça t’a ouvert ?

C : Oui, surtout que j’étais très sectaire. Je n’écoutais que du rap français en boucle, avec un petit peu de rap américain. J’ai été amené à bosser du blues et même du métal. Ça m’a vachement ouvert. Socialement, ça devenait parfois difficile. En soirée, des mecs pensaient me faire plaisir en faisant un quart d’heure rap en passant Alliance Ethnik. Et moi je retournais m’asseoir. En plus, avec cette musique, j’ai un moment eu un côté élitiste, celui où quand tout le monde se met à kiffer quelque chose, tu as un sentiment de désappropriation. Quand tout le monde s’est mis à écouter NTM, j’ai arrêté d’écouter NTM par exemple. À cette époque-là, j’aimais le rap quand il était confiné, presque secret. Et professionnellement, c’était tout mon problème, je ne voulais pas avoir à choisir entre le rap que j’aime et celui que je n’aime pas. J’aurais forcément favorisé les rappeurs que j’aimais bien. C’est pour ça que j’ai fui un peu le hip-hop ces dernières années dans le travail. Même à mon poste, dans les réunions, j’avais du mal à être acteur ou spectateur du devenir d’artistes hip-hop.

A : Tu as bossé sur Sexion d’Assaut ou La Fouine. Les premiers ont traîné une casserole d’homophobes. Durant l’un de ses concerts, le second a eu un incident avec quelqu’un du public et ça s’est terminé par un passage à tabac en backstage [Lors du festival Inc’Rock en Belgique en mai 2011, NDLR]. Comment sont gérées ces situations depuis une maison de disques ?

C : Quand il y a eu toutes ces histoires de bad-buzz, et particulièrement celle concernant Sexion d’Assaut, je me suis dit : les mecs ne se rendent pas compte ! J’ai un affect particulier pour eux. Maître Gims, je le connais depuis l’époque où il enregistrait dans le studio de Fredy K. Leur histoire me touche, ils représentent ces crews de MCs qui posent dans la rue en masse dont je te parlais tout à l’heure. J’y projette aussi sûrement un peu quelque chose d’ATK. Entre le moment où ils rappaient en bas de leur quartier et le moment où ils ont été diffusés sur NRJ, ça a été très vite. Ça a été tellement vite qu’ils n’ont pas évalué la portée de ce qu’ils pouvaient dire. Sur ce coup, je suis du côté de Sexion d’Assaut, car je pense que Lefa n’a pas voulu dire tout ce que tout le monde a entendu. Quand il a dit « homophobe à 100 %« , je crois qu’il a surtout dit qu’il ne voulait pas se retrouver dans le même lit qu’un mec. Ça ne veut pas dire qu’il a envie de taper sur un gay. Je pense que c’est juste une erreur, une mauvaise culture de groupe. Quand tu traînes dans des communautés, tu vois ce genre de propos partout, qui ont quelque chose qui relève plus du mauvais réflexe. Tous ont ça, les jeunes, les vieux, les communautés ethniques. Quand tu t’immerges dans une communauté, tu réalises que des choses s’y disent car elles relèvent d’un effet de groupe, de l’appartenance, de codes, d’un langage aussi. Le fait d’être en cercle fermé entretient le truc. Des propos y deviennent systématiques, presque de l’ordre du réflexe.

Après la polémique a explosé, alors qu’en plus ils sont revenus très rapidement sur leur propos, Ils ont fait des actions dont on a évidemment moins parlées, comme ce concert où tous les bénéfices étaient réservés à des associations pour le droit à l’homosexualité.

A : Mais ils l’ont fait suite à la polémique. Ma question : ça leur est proposé ou ils le décident ? 

C : On a été contactés par la fédération LGBT qui a voulu rencontrer le groupe. À ce moment là, le tourneur avait annulé énormément de dates. Le groupe a accepté de rencontrer des jeunes gays rejetés à cause de leur sexualité. Ils ont été leur parler dans des refuges, ils ont été écouter leurs histoires de vie. Suite à ça, à chacun de leurs concerts, ils ont décidé de distribuer des flyers sur la tolérance. Alors oui, évidemment, sans la polémique, ils n’auraient pas fait tout ça. [Pensif] Je crois que c’est dans Première Classe où Rohff dit « en tant qu’anti-pédé, ton colon je viens briser« . Des phrases comme ça, tu peux en trouver chez pas mal de gens. Je ne les valide absolument pas, mais est-ce que tout le monde aurait réagi comme Sexion d’Assaut ? Je ne sais pas… Je trouve qu’ils ont eu une sacrée ouverture d’esprit suite à la polémique. Ça, on ne peut pas leur enlever.

Quant à La Fouine c’est l’un des mecs les plus humains que j’ai rencontré. Pour lui aussi j’ai beaucoup d’affection. Quand il venait au bureau, il disait bonjour à tout le monde, il prenait des vraies nouvelles des gens, « Alors il paraît que t’es devenu papa ?« , ce genre de choses. Après il a deux personnalités, c’est pour ça qu’il a sorti La Fouine Vs. Laouni. Il y a Laouni qui est le mec cool et La Fouine qui est un peu plus caillera. En l’occurrence, dans ce concert où le mec se fait attraper et où La Fouine dit au public « de ne pas s’inquiéter, on va régler ça, il va se faire marrave« , il n’y croit pas quand il le dit, c’est une vanne, une taillade.

A : Enfin, le mec se fait sortir pendant que La Fouine dit ça…

C : Mais ce n’est pas La Fouine qui le sort. On est dans un concert où une partie des gens veulent entendre des morceaux cools à la guitare sèche, d’autres veulent entendre des punchlines sur la chatte de la chatte à ta grand-mère, et à ce moment-là, il est dans un rôle. Il ne pense pas qu’un mec va se faire marrave en backstage, tout simplement parce qu’il n’est pas idiot. Sauf qu’effectivement, le mec se fait marrave en coulisses, ce qui est déplorable. Mais ça ce sont les entourages. Et en interne, après, sans le crier dans les médias, La Fouine a mal réagi. Il a dit à ses gars « mais vous êtes cons ou quoi ?« , parce qu’il sait très bien les dégâts qu’un tel dérapage provoque.

A : Arrive-t-il que la maison de disques monte une cellule de crise, qu’elle ait recours à des gens spécialisés dans la gestion de ce type de problèmes ?

C : Oui, sur Sexion d’Assaut on a demandé de l’aide à une boite spécialisée dans les situations de crise. Tout simplement parce que la communication de crise n’est pas notre métier. Eux ont l’expertise. Mais le communiqué de presse qu’ils rédigent est validé par le groupe. Et toutes les boites font appel à des agences comme celle-ci quand elles ont une crise. Mais ce qu’il faut voir, c’est que Sexion d’Assaut a fait des actions derrière. 100 000 flyers, un concert aux fonds reversés à des associations, ils se sont investis, alors qu’ils auraient pu se contenter d’un communiqué de presse ! Ça, je pense qu’il faut le dire.

A : Mais un groupe comme Sexion d’Assaut qui explose littéralement en terme de ventes, pour une major, c’est limite son fond de commerce. Je suis étonné qu’elle ne prenne pas plus de précautions que cela…

C : [Il coupe] En l’occurrence, les mecs ont fait une interview avec Digital Hip-Hop… [Il s’arrête] On leur fait confiance ! C’est leur interview ! Ce sont des questions qui leurs sont posées à eux ! Ce n’est pas à la maison de disques qui est interviewée, on n’a pas à être derrière le journaliste. Lefa, c’est un gars super cool, souriant, il n’y avait aucune raison de s’attendre à ce qu’il te lâche quelque chose de ce genre en interview ! Bien sûr que c’est notre fond de commerce, mais tout ça va aussi très vite. Il y a peut-être cinq mois entre la sortie de l’album et la polémique. Quand l’album sort, moi, je sais que c’est un phénomène. Je ne sens pas un raz-de-marrée à ce point, mais je sens le truc venir. On avait organisé un petit freestyle sur la place Beaubourg par exemple, c’était noir de monde. Je ne sais même pas si en invitant des phénomènes médiatiques comme Justin Bieber on aurait eu autant de monde. Quand ils ont commencé leur open mic, ils ont dû se séparer. Tu voyais Gims qui partait d’un côté avec des centaines de personnes qui le suivaient, JR O Chrom pareil, 300 personnes autour. Il y avait trop de monde, ça devenait limite niveau sécurité. C’était dingue, ça rappait, ça suivait, je sentais qu’il se passait un truc, mais je n’imaginais pas que le grand public allait être touché à ce point. La première fois qu’on a écouté « Désolé », on a surkiffé. C’est un morceau sorti de nulle part, qui ne ressemble à rien d’autre, qui te semble commercial quand il est tabassé à la radio, mais je t’assure que la première fois que tu l’entends, c’est un morceau mortel.

« Si tout s’était déroulé autrement, que se serait-il passé ensuite ? On n’en sait rien ! Si ça se trouve on se serait embrouillés l’album d’après, si ça se trouve on aurait pété le Zénith. Ça ne sert à rien de refaire l’histoire. »

A : Il y a quelques années, Maître Gims fréquentait le studio de Fredy K. Qu’as-tu vu de lui lorsque tu l’y as croisé ?

C : Ça peut sonner faux de le dire aujourd’hui, mais j’ai vraiment trouvé qu’il avait du talent. Il chantait, il avait un côté très africain dans la façon de rapper et de chanter, il restituait vraiment la culture africaine dans sa façon de faire, et je l’ai trouvé fort. Je ne me disais pas qu’il allait recevoir des NRJ Music Awards, mais je voyais un mec qui allait froisser pas mal de MCs. Et puis ça a été une rencontre très simple, personne n’a jamais pris l’autre de haut. Une fois, on allait chez FPP, près du studio Oxygène, rue d’Aubervilliers. Et Fredy voulait amener Gims pour qu’il rappe avec ATK. J’avais dit à Fredy : « écoute, on a très peu de radios pour ATK, on rappe très peu ensemble, je préférerais qu’on fasse vraiment un truc ATK« . Ça n’allait pas à l’encontre de Gims, c’était plus pour marquer le fait qu’on arrivait à se réunir. D’autant plus que des freestyles où on a ramené des potes et où au final ça ne ressemblait à rien, on l’a fait plus d’une fois ! Et pourtant, là, je savais déjà que Gims était fort, mais je voulais d’abord que ce soit ATK qui rappe.

A : Quand tu parles de tout ça, on dirait que tu n’as aucun regret, hormis bien sûr la disparition de Fredy.

C : Oui, c’est le seul regret qu’on peut avoir. Perdre quelqu’un… [Pensif] Je reste sur cette idée que nous sommes un peu des poètes maudits. Et puis, si tout s’était déroulé autrement, que se serait-il passé ensuite ? On n’en sait rien ! Si ça se trouve on se serait embrouillés l’album d’après, si ça se trouve on aurait pété le Zénith. Ça ne sert à rien de refaire l’histoire. Le seul regret, la seule chose qu’il faudrait changer, c’est la disparition de Fredy. Tout le reste, c’est la vie et peut-être ce que je te disais plus tôt : on a manqué d’ambition. Mais moi qui étais un enfant hyper introverti, quand je découvre que des textes que j’ai écrit dans ma chambre ont été appris par cœur par des gens jusqu’à Montréal, c’est déjà quelque chose d’incroyable. C’est comme cette nana qui vivait dans un foyer et qui nous avait envoyé un message où elle nous remerciait parce que notre musique rythmait la vie du foyer. C’est déjà incroyable pour moi. Alors c’est sûr, c’est encore mieux quand 100 000 personnes te le disent, mais il n’y a pas de regrets à avoir. Je ne suis pas blasé, au contraire, lorsque j’entends ça, je crois que ça me donne encore plus de satisfaction qu’à l’époque. Certes, quand on enregistrait Heptagone, vivre de notre musique, c’était le graal, notre rêve ! Mais avec le temps, tu comprends aussi que c’est un job, avec ses contraintes et ses sacrifices. Quelque part, je suis content que mon rap n’ait jamais connu la contrainte, même si j’avais encore de la marge avant que ça arrive ! Du coup je parle toujours avec plaisir de ces années-là.

A : Dans une chronique de Silence Radio [Publiée sur hiphopcore.net, NDLR], tu avais été décris comme « l’éternel rookie of the year ». Une réaction ?

C : [Rires] C’est pas mal ça. En fait, comme Axis, je fais de la musique par plaisir. Je ne veux pas que ce soit une contrainte. Et j’ai toujours privilégié les projets de groupe. Tout a commencé en rencontrant Kesdo et Axis, puis il y a eu ATK. Quand il y a eu la scission d’ATK, je n’ai pas eu envie d’un solo tout de suite. Quand j’ai commencé à y penser, à l’écrire, je me suis retrouvé dans L’Atelier. Après, j’ai eu un passage un peu à vide, puis je me suis fait rattraper par Silence Radio, où il y a deux morceaux que j’avais préparé pour mon album solo. Finalement, j’ai préféré les donner à un projet de groupe. Puis il y a eu Le Klub des 7. Pendant longtemps, j’ai aussi eu un défaut, celui de ne pas arriver à porter les critiques, qu’elles soient positives ou négatives. Quand tu te rends compte que t’es important pour des gens, ça fout un peu la pression parfois, et je ne voulais pas m’exposer. À côté, j’avance dans ma vie. Ce n’est pas parce qu’on ne te voit pas tous les jours derrière un micro que tu n’existes plus dans ta vie. Mais dans l’idéal, je crois que j’aimerais quand même faire un solo. J’ai ma pile de CD avec les albums d’ATK, ceux de Fredy, de Test, de Freko, de Tacteel, et j’aimerais bien aussi avoir le mien, et montrer tout ça un jour à ma fille. Le rap au final, c’est vraiment une histoire d’amitiés, j’ai envie d’avoir mon CD à côté de celui de tous mes potes !

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  • […] Je le raconte souvent, mais notre ex manager avait rencontré quelqu’un de chez Sony qui lui avait dit, comme ça, sans contrat : « Qu’ATK vienne chez nous, je les signe pour 10 albums ! Un solo pour chacun, un album par binôme et un album d’ATK. Tout ça sur cinq ans, avec une sortie tous les six mois. » L’idée en soi était mortelle, et le premier album que le mec voulait sortir c’était celui de Légadulabo. Quand notre manager, qui était très lié à Freko, nous a annoncé ça, il y a eu quelques tensions. Freko me disait : « Ecoute, pour vivre je n’ai que ça, si les mecs de mon propre groupe ne comprennent pas que c’est ma seule chance de m’en sortir, je partirai. » C’est pour ça qu’il s’est mis à l’écart quelques années qui sont aujourd’hui comme de la poussière. Moi j’ai toujours été le chaînon entre tout le monde, avec Fredy. […]

  • alexZ44,

    Super itw, bravo l’ABCDR ! Chaque sujet est poussé assez loin, bref franchement intéressant.

    Du coup ça fait plaisir de découvrir tout un pan de l’histoire du rap français sans doute moins médiatisé, car coincé entre les anciens (de NTM aux sages po’) et les générations suivantes (avec notamment un rap plus caillera), et moins connu que Time Bomb et ceux qui gravitaient autour.

    Pour le passage sur les maisons de disque, je suis un peu étonné de certaines réponses… j’ai du mal à savoir si c’est parce que Cyanure taffe dedans et qu’il est un peu « corporate » ou si les nuances qu’il apporte sont vraiment proches de la réalité.
    L’imaginer plancher sur du Britney et collaborer avec NRJ fait froid dans le dos, sans parler du fait qu’il kiffe vraiment un titre comme « Désolé ».

    Mais en tout cas bravo pour sa franchise, on voit que le mec a un putain de bon esprit et du recul, c’est cool. Bref ce sera un plaisir de checker un futur album solo, à base de flow supersonique et de textes qui partent dans tous les sens comme on les aime !