Chronique

213
The Hard Way

Sum Records - 2004

Snoop Dogg, Nate Dogg, Warren G. Les débuts musicaux de ces trois stars de la Côte Ouest s’opèrent au balbutiement des années 90 au sein du groupe qu’ils nomment 213. La musique n’est encore à cette période qu’un hobby pour eux et il paraît difficile avant l’écoute de leur premier album baptisé The Hard Way d’affirmer vraiment connaître le groupe à moins d’avoir assisté à l’une des barbecue party ou d’avoir récupéré une street-tape dans les rues de Long Beach où ils firent leurs toutes premières apparitions. Difficile de prétendre le connaître et a fortiori d’en attendre quoi que ce soit. Et pourtant ! Pourtant, ces deux rappeurs et ce chanteur tout le monde les connaît. Tous trois reconnus pour avoir donné séparément sur disque leurs lettres de noblesse au G-Funk. 1993 : Doggystyle, 1994 : Regulate : G-Funk Era, 1996-98 : G-Funk Classics Vol I&II. Trois pierres angulaires d’un genre musical qui connu ses premières heures de gloire il y a dix ans déjà. Entre cette période et aujourd’hui, des carrières plus (Snoop Dogg) ou moins (Warren G) prolifiques avec des hauts et des bas.

Cette réunion du 213 est très excitante, elle a tout d’une Dream Team : Équipe de rêve sur le papier aux individualités très fortes mais qui devra prouver qu’elle est capable de « jouer » motivée et collectivement pour nous émerveiller. A toute équipe un entraîneur, on dira dans le « rap game » que celui-ci est le producteur, ayant pour fonction d’envisager le son propre à inspirer les rappeurs qui vont poser dessus. Même importance qu’en sport, il est toutefois ici conjugué au pluriel afin de multiplier les stratégies pour faire des « hits ». Chacun apporte une petite touche personnelle : Kanye West très soul, doux et léger comme un vent d’été (‘Another Summer’), Quaze tribal (‘Absolutely’), B Sharp sobrement sombre (‘Keep It Gangsta’, ‘MLK’), etc. Peu d’instrus réellement au dessous du lot si ce ne sont les horripilants ‘213 Tha Gangsta Clicc’ et ‘Lil Girl’. Il faut saluer le bon niveau global des productions qui permettent du début à la fin aux deux rappeurs Snoop et Warren G ainsi qu’au chanteur Nate Dogg de s’exprimer pleinement sans préférence particulière pour les deux premiers ou le troisième. Performance qui semblait loin d’être évidente à réaliser au départ, Nate Dogg n’étant pas simplement un chanteur de refrains. On se délecte par exemple de la production très minimale et fort appropriée délivrée par Missy Elliot sur ‘So Fly’, impeccable. Ou des nappes de synthé très grasses de J-Hensur sur ‘Appreciation’, en souvenir certainement du grand absent Dr. Dre.

Sur la qualité des performances des producteurs, une chose ne trompe pas : nos trois compères ont apparemment tous les plaisirs du monde à poser dessus. Toujours évidemment la nonchalance de compétition de Snoop Dogg dont on ne saurait se lasser tant qu’elle ne se transforme pas en je-m’en-foutisme, la concision du flow de Warren G et surtout l’époustouflante multiplicité d’intonations dans la voix de Nate Dogg. Le chanteur nous livre ici une démonstration éclatante de ses talents lors de mises en situations instrumentales. Entre autre basculant des graves aux aigus en un claquement de doigts (‘Run On Up’), hachant sa voix d’habitude si coulée (quoique son dernier album aille déjà dans ce sens) sur les morceaux plus bounce (‘Twist Yo Body’).

L’album remporte dès la première écoute la sympathie de l’auditeur. En effet des clins d’œil à quelques morceaux anciens ponctuent les paroles de titres comme ‘Twist Yo Body’ ou ‘Keep It Gangsta’. On sourit en écoutant ses trois éternels ados faire leurs « mic-mac » dans ‘Lonely Girl’. On s’esclaffe quand arrive ‘Joysticc’ (« She says she wants to ride…my Joystick » chante Nate Dogg au refrain). Analogique. Quand au dernier morceau, son titre détourne le « siffler en travaillant » en un « siffler en trafiquant » plutôt mariole.

En définitive The Hard Way est bien plus qu’un album pour faire de gros sous. C’est avant tout un album de potaches qui assurent sympathiquement le spectacle. « The only friends I got is my 2-1-3s » affirmait Warren G en 98 (‘Friends’ sur « G-Funk Classics Vol II »). En 2004 les amis sont toujours là et c’est heureux.

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  • Deeper Than Rap » Snoop Dogg,

    […] en 1995 (Playboy) • Snoop, Priority et No Limit (Abcdr du Son) • Chroniques de Doggystyle, The Hard Way et Ego Trippin (Abcdr du Son) • From Snoop Dogg To Snoop Lion (The Guardian) • Snoop & […]

  • SteveCarre,

    Où sont passé les titres de l’album dans la page Chronique?