Chronique

Psycho & DJ Rip One Vs. Iriscience & DJ Babu
On Deadly Ground

Blackberry/Ill Boogie Records - 1999

Au départ, une idée originale et intéressante : un 12 inches dont deux combos MC/DJ se partagent les faces, un seul et même instru. Le but est, bien évidemment, de mettre à l’amende le binôme d’en face. Que le DJ se montre plus habile aux platines, le MC plus incisif au micro. Que l’auditeur ne se lève plus que pour remettre le diamant en place, et faire cracher à ses enceintes le même titre, encore et encore.

Avec ce concept, l’instru prend bien vite le rôle de plaque tournante de l’édifice. De son efficacité dépend indéniablement l’intérêt du produit. Une saveur quelconque, un goût trop persistant de déjà vu, et la galette ne pourra échapper à un funeste destin, ballottée entre bacs à occasions et étagères poussiéreuses. Il incombe donc au beatmaker de ciseler un joyau propice aux joutes verbales les plus splendides.

En l’occurrence, M-Boogie, à l’initiative du projet, s’y colle. Et fait mouche. En exploitant la boucle principale du fameux ‘I Put a Spell on You’ (celui de la pub Perrier) de Screamin’ Jay Hawkins, il créé un support magnifique pour les arrogantes diatribes et furieux cuts à venir, et s’illustre avec panache, là où même Primo, avec le fade ‘Kick in the Door’ concocté pour Biggie, avait échoué. Et rend par la même un hommage au défunt Hawkins, dont tant de rappeurs se sont inspirés, et qu’Old Dirty Bastard n’aura, au final, jamais pu saluer comme il se serait du.

Un parfum de mort règne donc, et c’est l’occasion de zoomer sur l’arène et d’en venir à nos coqs de combat. Dans le coin bleu, Psycho d’Insane Poetry, Los Angeles. Du charisme, une voix lourde, des délires morbides, et deux albums estampillés « classiques de l’underground » au compteur, Grim Reality et Blacc Plague. Dans le coin rouge, Rakaa Iriscience, des Dilated People, L.A aussi. Une voix claire, un flow légèrement mollasson, des lyrics sans trop de relief, et un groupe alternant le très bon et le franchement mauvais. Un peu de parti pris, certes, l’issue de la confrontation ne fait que peu de doute. Tout deux sont bien évidemment épaulés par leur DJ respectifs, Rip One pour Psycho (ou Cyco), Babu pour Iriscience.

Le combat est digne et loyal : pas de coups bas, d’attaques personnelles, de punchlines humiliantes. Les deux protagonistes se montrent peu velléitaires, visant plus à construire des egotrips cohérents et efficaces qu’à détruire leur adversaire. Et c’est tant mieux, car l’on obtient deux morceaux très solides et entraînants. Mais au final, il ne peut en rester qu’un. Et Psycho, dans son style « ruff, rugged and raw« , ne laisse que peu de chance à son concurrent. Plus de fluidité, de niaque, et un refrain bien plus catchy que celui, un peu niais et inconsistant, proposé par Iriscience. Le leader d’Insane Poetry impose son univers, utilisant l’imagerie apocalyptique (« I bring the apocalypse, like the black plague across the globe« ) qui donne une couleur si particulière à l’œuvre d’IP, à mi-chemin entre le ténébreux Esham et l’ultraviolent C-Bo. L’autoproclamé « new urban legend » confirme également sa capacité à pouvoir s’adapter à tout type de beat.

En face, Iriscience, malgré toutes les réserves exprimées plus haut, se défend quand même bien, visiblement inspiré par la merveille d’instru servie par M-Boogie. Deux couplets, soit un de moins que Psycho, et une performance somme toute très honorable : « Look before you leap, you creep or you speak, Every word is heat, either you duck or you leak« . Du côté des DJs, on pourrait être tenté de déclarer l’égalité parfaite. La prestation de Rip One paraît toutefois un peu plus audacieuse et dynamique que celle de son confère, que l’on aurait aimé voir un tantinet moins sobre. Mais cela reste un plaisir d’entendre ces deux pointures du genre s’opposer ainsi.

Une idée originale et intéressante, donc. Qui salue le talent si peu reconnu de Psycho et DJ Rip One, mais qui aurait également mérité d’être développée, perpétuée et étendue à d’autres binômes. A écouter, en tout cas, même six ans plus tard…

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