Chronique

El Da Sensei & The Returners
Global Takeover: The Beginning

Asfalt Records - 2008

Dans les années 90, El da Sensei formait avec son compère Tame One le duo Artifacts. Deux albums, une ribambelle de bangers, et une carrière courte mais frôlant le sans-faute. Le binôme de New Jeruzalem a acquis un succès d’estime qui en fait l’un des groupes marquant d’une époque brillante. Depuis leur séparation en 1997, les anciens collègues poursuivent leurs parcours en solo, avec des fortunes bien différentes : là où Tame s’est perdu dans une salve de sorties médiocres, El da Sensei a quant à lui sorti des opus de plutôt bonne facture. Efficaces, sans être géniaux. Points communs dans les devenirs toutefois : un basculement progressif vers l’anonymat. Ainsi, quand El da Sensei sort fin 2008 Global Takeover, un EP commun avec le crew de DJ-producteurs polonais The Returners, cela se fait dans l’indifférence totale.

The Returners. Tout est dans le nom. Une volonté manifeste de renouer avec le boom-bap des mid-nineties, celui des Primo, Pete Rock ou Large Professor. Ne s’improvise toutefois pas génie le premier beatmaker venu. Les breaks de batterie sont bien travaillés, ça tape fort et ça donne envie de jumper. Les scratchs sont parfaits, convoquant les MCs les plus brillants (Fat Joe, Big L, Prodigy) pour placer des phrases qui le sont tout autant. Mais en revanche, le travail de sampling est moins réussi : les boucles, de cuivre essentiellement, sont rarement marquantes ou entêtantes. Du coup, l’ensemble musical manque un peu de profondeur, et fait diminuer sensiblement la durée de vie potentielle de l’EP. Un son fast-food, qui permet de passer un moment agréable, mais s’oublie presque aussitôt le disque fini.

Pour compenser ce déficit d’âme, El da Sensei paraît presque le MC parfait. Du vécu, du charisme, de la bonne humeur. Le flow a très peu changé depuis quinze ans, mais ne sonne pas dépassé et vieillot pour autant. La maîtrise est impressionnante, et aurait de quoi inspirer pas mal de rappeurs arrivés dans le game en même temps que le Notty Headed Nigguh. Doujah Raze, Reef the Lost Cauze et Roc Marciano, invités à partager le micro avec El Da Sensei, se montrent à la hauteur. ‘Money’, où sont conviés les deux derniers, apparaît comme l’un des morceaux les plus solides de la galette, au même titre que ‘Introducin’ ‘ ou ‘Hard to find’.

Les qualités d’El da Sensei parviennent dans l’ensemble à pallier le manque de densité et d’originalité des productions de The Returners. Global Takeover vaut le détour, et est globalement plutôt efficace, sans temps-mort trop gênant. Mais il ne marquera assurément pas l’histoire de la musique Hip-Hop. Un album est à venir, et on espère que celui-ci nous donnera plus que la simple envie de bouger la tête.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*